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Déséquilibre significatif et force majeure

Pas d’augmentation du prix précédemment fixé d’un commun accord pour force majeure

07/02/2020

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) estime que la pratique consistant à demander à l’acheteur une augmentation du prix précédemment fixé d’un commun accord en arguant de la « force majeure » est susceptible de contrevenir à la règle sur le déséquilibre significatif.

Un fabricant de matières premières (secteur de la plasturgie) est victime d’une panne électrique imprévue qui affecte l’ensemble de son site de production et entraîne l’arrêt de l’unité d’exploitation. 

Estimant qu’il s’agit d’un cas de force majeure, il informe ses clients plasturgistes que cet évènement entrainera une augmentation du prix des produits restant à livrer.

Saisie de la question de la conformité au droit de cette pratique, la CEPC livre l’analyse suivante (Avis n° 19-9 du 19/09/2019).

Ni force majeure, ni effet de celle-ci (article 1218 du Code civil)

Pour qualifier un événement de force majeure, l’article 1218 du Code civil exige la réunion de trois critères cumulatifs : un événement échappant au contrôle du débiteur, ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêchant l'exécution de son obligation par le débiteur.

Dès lors qu’une augmentation de prix est demandée, il n’y a pas d’impossibilité radicale d’exécution, donc pas de force majeure. Par ailleurs, la pratique consistant à demander une augmentation de prix en justifiant celle-ci par la « force majeure » ne figure pas parmi les effets de la force majeure (suspension de l’exécution en cas d’empêchement temporaire et résolution de plein droit du contrat en cas d’empêchement définitif).

Pas de cause de renégociation du contrat (article 1195 du Code civil).

L’article 1195 du Code civil énonce que la faculté de renégociation du contrat est subordonnée à l’existence d’un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque ».

La CEPC estime que la survenance d’une panne électrique ne paraît pas constituer un tel changement de circonstances rendant l’exécution excessivement onéreuse ; par ailleurs, la partie qui sollicite la renégociation doit continuer à exécuter ses obligations pendant la renégociation. La pratique mise en œuvre ne saurait donc être considérée comme justifiée par application de l’article 1195.

En revanche, possible déséquilibre significatif (article L. 442-1-I-2° du Code de commerce).

L’article L. 442-1-I-2° du Code de commerce interdit le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». La pratique concernée pourrait tomber sous le coup de cette interdiction dans la mesure où :

  • L’article L. 442-1-I-2° autorise un contrôle judiciaire du prix comme l’a admis la Cour de cassation sous l’empire de l’ancien article L. 442-6, I 2 ° (Cass. com. 25 janvier 2017, n° 15-23547, Galec) ;
  • Le fait de « soumettre ou de tenter de soumettre » l’autre partie s’entend du fait d’imposer ou tenter d’imposer sans possibilité de négociation. Pour la CEPC, ce serait le cas, par exemple, si le fournisseur menaçait son client de ne pas l’approvisionner comme convenu, sauf si ce dernier acceptait une augmentation du prix convenu.

Cette précision à propos de la menace de rupture de la relation commerciale est intéressante car le nouvel article L. 442-1 sur les pratiques restrictives de concurrence n’a pas repris cette hypothèse, tout comme celle de la rupture partielle. On sait désormais qu’elle peut caractériser l’élément de soumission dans l’infraction de déséquilibre significatif.

Cela confirme aussi que les anciennes pratiques restrictives ne sont pas pour autant devenues licites et peuvent être appréhendées sur le fondement des règles générales (avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné, déséquilibre significatif et rupture brutale de relations commerciales établies) ;

  • Le « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » résulterait de ce que l’augmentation tarifaire sollicitée ne paraît ni être assortie d’une contrepartie, ni répondre à une justification ou un motif légitime.

La CEPC rappelle également que, dans le cas d’un déséquilibre tarifaire, il importe, selon la cour d’appel de Paris (CA Paris 23 mai 2013, n° 12/01166), d’examiner si les « conditions commerciales (sont) telles que (le partenaire) ne reçoit qu'une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu'il donne ».


Actualité du droit de la concurrence : 

Cet article a été publié dans notre Lettre Concurrence/Economie de mars 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Elisabeth Flaicher-Maneval
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Paris