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Directive ECN + : vers un renforcement des pouvoirs des autorités de concurrence

Lettre Concurrence/Economie | Avril 2019

15/04/2019

Publiée le 14 janvier 2019, la directive dite ECN+ (en référence à European Competition Network) du 11 décembre 2018, qui devra être transposé d’ici deux ans dans les Etats membres, poursuit un objectif clair : assurer la mise en œuvre effective des articles 101 et 102 du TFUE (interdiction des ententes et abus de position dominante), y compris en cas d’application parallèle des dispositions nationales, en dotant les autorités nationales de concurrence (ANC) des "garanties d’indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation d’amendes nécessaires".

Des changements en vue pour l’ADLC et les entreprises

Même si elles doivent être plus limitées en France que dans d’autres Etats, les adaptations imposées par la directive seront loin d’y être négligeables. L’ADLC a d’ailleurs indiqué dans un communiqué que "la directive implique un renforcement de ses pouvoirs d’action et, pour les entreprises, des sanctions encore plus dissuasives" tout en offrant "des avancées significatives".

Parmi, les principales nouveautés, signalons :

La maîtrise des priorités. Comme les autres ANC, l’ADLC pourra fixer ses priorités, ce qui lui permettra de rejeter, après examen, certaines saisines qu’elle considère comme non prioritaires. Elle bénéficiera ainsi d’une variante de "l’opportunité des poursuites".

L’extension des pouvoirs. Cette extension se traduit à un double égard pour l’ADLC : 

  • possibilité de prendre toute mesure coercitive de nature non seulement comportementale, comme aujourd’hui, mais aussi structurelle (comme une cession d’actif ou une modification contractuelle), la seule limite étant qu’en cas d’efficacité égale des deux types de mesure la moins contraignante soit retenue. Evidemment la mesure imposée doit aussi être nécessaire pour faire cesser l’infraction ;
  • possibilité d’ordonner d’office, sur la base d’un constat prima facie, des mesures conservatoires, en cas d’urgence justifiée par le risque d’un "préjudice grave et irréparable" causé à la concurrence. Aujourd’hui pareille intervention d’office n’existe qu’en présence d’accords d’achat ou de référencement groupé dans le secteur de la distribution lorsqu’ils conduisent à une entente illicite ou à un abus de position dominante présentant un caractère suffisant de gravité (art. L.462-10, II C. com.). L’ADLC voit dans ce nouveau pouvoir "un atout pour répondre, notamment, aux défis de l’économie numérique".

L’uniformisation du plafond d’amende. Le plafond des amendes ne devant pas être inférieur à 10 % du chiffre d’affaires mondial consolidé de l’entreprise ou de l’association d’entreprises, le plafond de 3 millions d’euros aujourd’hui applicable en France aux autres entités que les entreprises devra être revu. En outre, reprenant la directive 2014/104 sur les dommages-intérêts, la directive ECN+ prévoit que la réparation versée à la suite d’un règlement transactionnel entre entreprises puisse être prise en compte dans le calcul de l’amende. L’article L.464-2 du Code de commerce autorise cette atténuation d’amende lorsque la transaction intervient au cours de la procédure.

La protection des demandeurs de clémence. Les demandeurs de clémence personnes physiques (directeurs, gérants et autres membres du personnel) devront être prémunis contre les sanctions qui pourraient leur être infligées dans le cadre de procédures pénales. L’article L. 420-6 du Code de commerce punit actuellement de sanctions pénales toute personne physique ayant pris frauduleusement une part personnelle et prépondérante dans une pratique anticoncurrentielle ; il devra être révisé.

L’élargissement des preuves recevables. Contrairement à la jurisprudence française qui y voit un procédé de preuve déloyal (Cass. Ass. Plén. 7 janvier 2011 n° 09-14.316), la directive semble admettre comme preuves les "enregistrements dissimulés", sous réserve toutefois qu’il ne s’agisse pas de l’unique moyen de preuve (cons. 73). Il en irait de même des messages électroniques non lus ou supprimés. Sans reprendre strictement ces termes, l’article 32 indique que les types de preuve admis sont "les documents, les déclarations orales, les messages électroniques, les enregistrements et tout autre élément contenant des informations, quel qu’en soit la forme et le support". 

Nota : le projet de loi PACTE, en cours d’examen, habilite le Gouvernement à transposer la directive ECN+ par voie d’ordonnance.

Directive 2019/1 du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des Etats membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.


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