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Documenter les prix de transfert : l'Espagne a une longueur d'avance sur la France

17/12/2009

Alors que la France devrait introduire une obligation de documentation des prix de transfert c'est-à-dire des prix pratiqués dans le cadre de transactions transfrontalières intragroupe, à compter du 1er janvier 2010, l'Espagne a devancé sa voisine.

Un décret royal impose aux entreprises de présenter une documentation de leurs prix de transfert pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2009. Il est ainsi temps de faire un point sur ce qu'il conviendra de préparer de chaque côté des Pyrénées.


En Espagne, la quasi totalité des entreprises sont concernées

Alors que le projet français soumettrait en premier lieu à une obligation documentaire les personnes morales établies en France et ayant un chiffre d'affaires (ou un actif brut) supérieur ou égal à 400 millions €, le champ d'application en Espagne est bien plus vaste puisqu'il concerne toutes les sociétés dont le chiffre d'affaire excède 8 millions €. Ainsi, a priori, toutes les filiales espagnoles des groupes français sont concernées.

En Espagne, le périmètre des transactions à documenter est extrêmement large. Ainsi, outre les transactions avec les sociétés appartenant au même groupe (notamment, contrôle de la majorité du capital dans ou par une société dépassant le premier seuil), sont visées les transactions avec des participations indirectes d'au moins 25% et, plus surprenant encore, avec des participations de seulement 5%, réduite à 1% lorsque la société est cotée. Ainsi, devront être documentés, non seulement les prix de transfert pratiqués au sein du groupe, mais aussi les prix des transactions effectuées avec une société détenue à au moins 5% bien qu'elle ne fasse pas forcément partie du même groupe. Enfin la communauté de dirigeants entre deux sociétés définit également les sociétés liées, y inclus lorsqu'il s'agit de la famille desdits dirigeants.

Le délai pour produire la documentation

En Espagne, elle doit être établie quasiment en temps réel. Contrairement au projet français qui prévoit que la documentation doit être à la disposition de l'administration à la date d'engagement du contrôle fiscal, la loi espagnole prévoit que la documentation devra être à la disposition de l'administration fiscale à partir de la date de dépôt des déclarations d'impôt sur les sociétés.

Les sanctions prévues

Dans les deux pays, les sanctions prévues pour l'absence de documentation sont très lourdes. Contrairement au projet français qui prévoit une amende forfaitaire de 10 000 € par exercice ou, suivant la gravité du manquement, une amende allant jusqu'à 5% des bénéfices indûment transférés, la loi espagnole prévoit des amendes de 1 500 € par donnée omise ou de 15 000 € par groupe de données. Au surplus, en cas de redressement par l'administration fiscale espagnole, la pénalité est de 15% du montant redressé. En revanche, si l'entreprise a établi une documentation et l'a suivie en tous points pour établir son résultat imposable, les sanctions pour absence de documentation ne s'appliqueront pas, même si le contrôle fiscal aboutit à un redressement.

Le contenu de la documentation

Sans surprise, la loi espagnole s'inspire du code de conduite relatif à la documentation des prix de transfert pour les entreprises associées au sein de l'Union Européenne adopté par le Conseil le 27 juin 2006 et exige deux catégories de documentations :

  • une documentation centrale (masterfile) qui doit contenir les informations générales du groupe (organisation juridique et fonctionnelle, description des actifs de toute nature, description de la politique du groupe en matière de prix de transfert) ; et
  • une documentation spécifique par pays qui décrit le rôle de la filiale locale, son activité, ses actifs, fonctions et risques, la justification de la méthode de prix de transfert sélectionnée et bien entendu une analyse de comparabilité.

De la même manière et selon la même inspiration, le projet français prévoit les mêmes catégories de documentation. Il comprend en outre l'obligation de fournir le bilan et compte de résultats des entreprises associées établies dans des Etats non coopératifs avec lesquels l'entreprise française a des transactions.

Ainsi, le travail requis pour préparer la documentation espagnole sur l'exercice 2009 pourra servir de base de départ pour la documentation requise en France.

En principe la documentation doit être rédigée en espagnol, mais il semble en pratique qu'une documentation rédigée en anglais, en particulier s'agissant de la documentation centrale, sera acceptée par l'administration espagnole. Les comparables utilisés pour déterminer le résultat de l'entité espagnole devront de préférence être espagnols mais on sait que l'administration fiscale espagnole accepte et utilise elle-même des bases de données européennes. Sur ces deux points, l'approche française est similaire.

Pour les groupes français qui n'auraient pas encore fait l'exercice, il devient donc urgent d'élaborer une documentation pour leur filiale espagnole, avant de devoir en préparer une pour eux-mêmes. Etant donné les similitudes dans le contenu des deux obligations documentaires, une approche coordonnée s'avère souhaitable, tant pour limiter les moyens nécessaires à la préparation de ces documents, que pour assurer la cohérence des informations qui seront fournies aux administrations des deux Etats.


Agnès de l'Estoile-Campi, avocat associé,
et Xavier Daluzeau, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre, Paris

Santiago Díez , avocat associé,
et Ana Jiménez, avocat, CMS Albiñana & Suarez de Lezo, Madrid

Auteurs

Portrait deAgnès de l'Estoile Campi
Agnès de L'Estoile-Campi
Associée
Paris
Xavier Daluzeau
avocat CMS Bureau Francis Lefebvre<BR>Ana Jiménez
avocat
CMS Albiñana & Suarez de Lezo
Madrid
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