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L’instauration d’une nouvelle limitation de déduction des charges financières

17/01/2012


Un nouveau mécanisme, introduit par la quatrième loi de finances rectificative pour 2011(1), vient durcir les règles de déduction des charges financières liées à l’acquisition des titres de participation (à l’exception des titres de société à prépondérance immobilière), et ce quel que soit le pourcentage de participation acquise.


Ce nouveau dispositif a vocation à lutter contre certains abus constatés, caractérisés par le rattachement au résultat imposable en France de charges financières afférentes à des titres de sociétés qui ne sont pas contrôlées par la société les détenant juridiquement mais par une société étrangère.

En voici les principales caractéristiques.

1. Preuves à apporter en vue de la déduction

Pour que la déduction des charges financières liées à l’acquisition des titres de participation soit admise, l’entreprise cessionnaire doit :

  • démontrer dans tous les cas que les décisions relatives à ces titres sont effectivement prises par elle ou par une société établie en France la contrôlant au sens du I de l’article L 233-3 du code de commerce ou par une société sœur établie en France.
  • démontrer, lorsque la société cessionnaire exerce un contrôle ou une influence sur la société cible, que ce contrôle ou cette influence est effectivement exercé par elle, par une société établie en France la contrôlant ou par une société sœur.

Le dispositif impose ainsi un renversement de la charge de la preuve de la réalité du rattachement des charges financières à une entreprise française.

La loi prévoit que la ou les preuves susvisées peuvent être apportées par tout moyen.

Gilles Carrez, qui est à l’origine de l’amendement qui a introduit la nouvelle règle, a précisé simplement qu’il appartiendra au contribuable de démontrer par tous moyens (notamment les éléments de fait établissant la réalité des processus de décision et les organigrammes) que l’entreprise cessionnaire constitue, pour la gestion de ces titres, un centre de décision disposant d’une autonomie propre, critère qui a été précisé par la jurisprudence s’agissant de la définition du concept d’établissement stable.

Ces précisions restent assez vagues pour entraîner, le moment venu, d’âpres discussions avec l’administration fiscale sur l’appréciation de l’autonomie décisionnelle de la société ayant acquis les titres.

Par ailleurs, une difficulté résulte de l’interprétation devant être donnée à la notion de "décisions relatives à ces titres".

Comme nous venons de le voir, la société cessionnaire doit démontrer qu’elle est effectivement autonome dans la gestion des titres acquis.

La question se pose de savoir si au surplus l’entreprise cessionnaire a bien été au centre de la décision relative à l’acquisition de la participation. Autant les filiales françaises de groupes internationaux sélectionnent les cibles potentielles et accompagnent le processus d’acquisition, autant notre expérience nous prouve que les conditions essentielles de la prise de contrôle et la décision finale de réaliser l’acquisition de la cible appartiennent souvent, non pas à la filiale française cessionnaire, mais à la société mère étrangère.

On attendra donc avec intérêt les commentaires de l’administration sur ce point.

La preuve de l’article 209, IX du CGI doit être apportée :

  • s’agissant des acquisitions réalisées avant le 1er janvier 2012 : au titre du premier exercice ouvert après le 1er janvier 2012, soit, pour les entreprises dont l’exercice coïncide avec l’année civile, au titre de l’exercice ouvert au 1er janvier 2013.
  • s’agissant des acquisitions réalisées après le 1er janvier 2012 : au titre de l’exercice ou des exercices couvrant une période de douze mois à compter de la date d’acquisition des titres, soit généralement au titre de l’exercice suivant l’exercice d’acquisition des titres.
    Exemple : une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile acquiert des titres de participation le 30 septembre 2012. La preuve qu’elle détient le pouvoir décisionnaire sur ces titres et qu’elle exerce le contrôle ou une influence sur la société cible doit valablement être apportée au titre de l’exercice 2013 (dès lors que ce dernier englobe une période pleine de douze mois à compter de l’acquisition : du 1er janvier au 31 décembre 2013).

Même si la preuve susvisée est effectivement apportée par la société cessionnaire, les autres règles de déductibilité des charges financières restent applicables, en particulier celles relatives à la lutte contre la sous-capitalisation.

2. Modalités d’application de la réintégration

Au cas où l’entreprise cessionnaire ne parviendrait pas à rapporter les preuves requises, elle devra réintégrer à son résultat imposable, comme dans le cadre du dispositif "Charasse", une quote-part forfaitaire de ses charges financières, correspondant au rapport du prix d’acquisition des titres au montant moyen de sa dette au cours de l’exercice.

Cette réintégration s’appliquera alors (i) au titre de l’exercice ou des exercices couvrant une période de douze mois à compter de la date d’acquisition des titres et (ii) des exercices clos jusqu’au terme de la huitième année suivant celle de l’acquisition.

Exemple 1 : une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile acquiert des titres de participation le 30 septembre 2012 et ne rapporte pas la preuve exigée par l’article 209 IX du CGI. La réintégration portera sur les exercices 2013 à 2020 inclus.

Exemple 2 : une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile a acquis des titres de participation le 15 juin 2008 et ne rapporte pas la preuve susvisée. La réintégration ne peut porter que sur les exercices 2013 à 2016 inclus.

De fait, compte tenu des modalités de réintégration prévues par la loi, les entreprises ayant acquis des titres de participation avant le 1er janvier 2005 échappent à ce nouveau dispositif.

3. Exceptions à l’application du nouveau dispositif

Il est prévu trois situations dans lesquelles l’application du dispositif de limitation est exclue, à savoir :

1. Lorsque la valeur totale des titres de participation détenus par la société cessionnaire est inférieure à un million d’euros, ceci afin de ne pas imposer de charge administrative supplémentaire aux petites entreprises. Malgré l’absence de précision à cet égard, il semble logique que le seuil d’un million soit apprécié après l’acquisition des titres.

2. Lorsque la société cessionnaire peut prouver que l’achat des titres n’a pas été financé par un emprunt dont elle ou une autre société du groupe auquel elle appartient supporte les charges.

Pour l’avenir, les entreprises devront veiller à ce que l’objet de leurs emprunts destinés à financer des biens autres que des participations soit précisément détaillé dans le contrat de prêt afin de pouvoir démontrer, le cas échéant, que ceux-ci n’ont pas été souscrits en vue de l’acquisition de titres de participation.

S’agissant des emprunts contractés antérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure, on peut craindre en revanche que la preuve de l’absence d’affectation desdits emprunts à l’acquisition des titres de participation soit difficile à apporter. On attendra les précisions de l’administration fiscale sur ce point.

3. Lorsque la société cessionnaire apporte la preuve que le ratio d’endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement.

Cette exception est largement inspirée de celle prévue pour l’application du dispositif anti sous-capitalisation (article 212, III du CGI) et l’on a pu constater qu’elle est en pratique très difficile à mettre en œuvre, eu égard à la difficulté de rapporter la preuve requise.

4. Conclusion

Le nouvel article 209, IX comporte un certain nombre de points encore obscurs, notamment en ce qui concerne la nature des preuves pouvant être apportées par la société cessionnaire pour démontrer qu’elle prend les décisions relatives aux titres acquis.

On se souvient qu’il en était de même lors de l’aménagement, fin 2010, du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation. Les modifications apportées par la Loi de Finances pour 2011 en la matière ont soulevé de nombreuses questions auxquelles les entreprises ont dû faire face pour la détermination de leur résultat imposable 2010 et 2011 puisque l’instruction définitive en la matière (4 H-3-11) vient tout juste de paraître au Bulletin Officiel des Impôts. Un certain nombre des points soulevés en la matière n’est d’ailleurs toujours pas réglé.

Ainsi, on attendra là encore avec intérêt l’instruction administrative commentant le nouveau dispositif de limitation de la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation.


1. Ce dispositif, figurant à l’article 40 de la loi, est, issu d’un amendement n° 19 rectifié présenté par Gilles Carrez le 24 novembre 2011. Il se traduit par un nouveau paragraphe IX à l’article 209 du Code Général des Impôts (CGI).


Par Hubert Bresson, Avocat associé et Stéphanie Riou, Avocat,

Article paru dans la revue Option Finance du 16 janvier 2012

Auteurs

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Hubert Bresson
Stéphanie Riou
Avocat