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L'obligation de rénovation énergétique

Loi ELAN, décret tertiaire et projet d'arrêté tertiaire

11/12/2019

Le 18 novembre 2019, le ministre du logement a annoncé que l’arrêté permettant l’application du décret n°2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire », était prévu pour « janvier ou février 2020 ».

Presque dix ans après la création, par la loi Grenelle II n°2010-788 du 12 juillet 2010, de l’article L.111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation fixant le principe de « travaux d'amélioration de la performance énergétique » à réaliser « dans les bâtiments existants à usage tertiaire […] dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012 », l’obligation d’amélioration de la performance énergétique dans le secteur tertiaire s’apprête à devenir pleinement effective.

Retour sur près d’une décennie de discussions à l’origine la publication du « décret tertiaire » et de la parution prochaine de son arrêté d’application, en cours de concertation.

Un travail législatif et règlementaire de longue haleine

Dès le 3 août 2009, la loi Grenelle I n°2009-967 a fixé des objectifs nationaux en matière de politique environnementale.

Elle a ainsi défini un cadre général incluant un calendrier et les objectifs de la France pour la réduction des consommations d'énergie dans le secteur du bâtiment.

Elle a, en outre, prévu que l'État inciterait les bailleurs et les associations de locataires à engager une concertation pour déterminer les modalités de partage des économies d'énergie réalisées grâce à des travaux et équipements générant de telles économies ou permettant l'utilisation d’énergies renouvelables.

La mise en œuvre de ces objectifs résulte de la loi Grenelle II qui est venue imposer, dans certains baux (C. envir. Art. L.125-9 : « baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux de plus de 2 000 mètres carrés à usage de bureaux ou de commerces »), une annexe environnementale et un diagnostic de performance énergétique.

Surtout, cette loi, en introduisant l’article L.111-10-3 dans le Code de la construction et de l’habitation, a consacré pour la première fois un dispositif d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants à usage tertiaire dont la mise en œuvre était subordonnée à la parution d'un décret avant le 1er janvier 2020.

Antérieurement à la parution dudit décret, l’alinéa 1er de l’article L.111-10-3 précité avait été complété par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, laquelle est venue préciser que l’obligation d’amélioration de la performance énergétique dans le secteur tertiaire était « prolongée par périodes de dix ans à partir de 2020 jusqu'en 2050 avec un niveau de performance à atteindre renforcé chaque décennie, de telle sorte que le parc global concerné vise à réduire ses consommations d'énergie finale d'au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010, mesurées en valeur absolue de consommation pour l'ensemble du secteur. ».

Après sa parution, le décret tant attendu – décret n°2017-918 du 9 mai 2017 relatif aux obligations d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire – a d’abord fait l’objet d’une suspension en deux temps par le Conseil d’État (CE, 28 juin 2017 et 11 juillet 2017, n°411578) ; cette suspension était motivée en particulier par le caractère irréaliste des délais laissés aux différents assujettis pour se conformer aux nouvelles obligations. Le décret de 2017 a finalement été annulé par le  Conseil d'État le 18 juin 2018 (CE, 18 juin 2018, n°411583).

C’est dans ce contexte que la loi ELAN n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a modifié à nouveau l’alinéa 1er de l’article L.111-10-3 précité. Elle a précisé que des actions de réduction de la consommation d'énergie finale devraient être mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensemble de bâtiments à usage tertiaire – définis par décret – existants au 24 novembre 2018. L’objectif est de réduire la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.

A cet égard, l’article L.111-10-3 précité précise que les objectifs à atteindre respectivement pour les années 2030, 2040 et 2050 sont les suivants :

  • soit un niveau de consommation d'énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ;
  • soit un niveau de consommation d'énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie.

Néanmoins, ce même article précise que ces objectifs pourront être modulés en fonction :

  • de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments concernés ;
  • d'un changement de l'activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ;
  • de coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d'énergie finale.

En tout état de cause, l’article L.111-10-3, dans sa dernière rédaction, précise que son entrée en vigueur interviendra à compter de la publication d'un décret en Conseil d'État et, au plus tard, le 23 novembre 2019.

Parution du « décret tertiaire » : l’histoire d’un rendez-vous très attendu

En préparation depuis de nombreux mois, le décret tertiaire a été publié le 23 juillet 2019, soit près de dix années après la loi « Grenelle I » du 3 août 2009.

Sa pleine effectivité est toutefois conditionnée à la publication de l’arrêté d’application désormais attendu pour début 2020.

D’ores-et-déjà, il convient de relever que le décret tertiaire a abouti à la création, dans le Code de la construction et de l’habitation, d’une nouvelle section relative aux « Obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire » composée des articles R.131-38 à R.131-44.

Aux termes de ces dispositions, le décret tertiaire fixe :

  • le champ d’application du dispositif de réduction de la consommation d'énergie des bâtiments existants à usage tertiaire, à savoir notamment « tout bâtiment hébergeant exclusivement des activités tertiaires sur une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m2 », à l'exception cependant des « constructions ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire » ou encore des « bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte » (cf. CCH. Art. R.131-38) ;
  • les objectifs de réduction de la consommation d’énergie finale devant être atteints par les travaux d'amélioration, lesquels intéressent notamment la performance énergétique des bâtiments ou encore les modalités d'exploitation des équipements (cf. CCH. Art. R.131-39) ;
  • les conditions de la modulation des objectifs de réduction de la consommation d'énergie finale en fonction des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives aux bâtiments ou encore en cas de coûts manifestement disproportionnés des actions nécessaires par rapport aux avantages attendus (cf. CCH. Art. R.131-40) ;
  • les modalités de mise en place d'une plateforme informatique de recueil et de suivi de la réduction de la consommation d'énergie finale, notamment grâce à la déclaration des consommations annuelles d'énergie par type d'énergie, des bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments (cf. CCH. Art. R.131-41) ;
  • les modalités d’évaluation et de constat du respect de l’obligation de réduction des consommations d’énergie (cf. CCH. Art. R.131-42) ;
  • les modalités de publication ou d'affichage du suivi des consommations d'énergie, à savoir une publication par voie d'affichage, à un endroit visible et facilement accessible, soit par tout autre moyen pertinent au regard de l'activité tertiaire, des personnels et éventuellement du public concernés, permettant un accès aisé à l'information (cf. CCH. Art. R.131-43) ;
  • les règles de contrôle et les sanctions administratives (cf. CCH. Art. R.131-44).

Selon Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, l’arrêté s’annonce « extraordinairement détaillé de par son côté minutieux ».

L’arrêté définira les méthodes de calcul de la « consommation énergétique de référence » et du « niveau de consommation d'énergie finale d'un bâtiment » visés à l’article R.131-39 du Code de la construction et de l’habitation ou encore les conditions de la modulation des objectifs, notamment l’appréciation de la notion de coûts manifestement disproportionnés précitée visée à l’article R.131-40 du même code.

Les dispositions de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 deviendront alors pleinement opérationnelles.

En définitive, même si le « décret tertiaire » est, de son intitulé même source d’« obligations », il semble qu’il convienne d’appréhender le dénouement de cette décennie de discussions sur l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants à usage tertiaire comme une véritable opportunité de création de valeur patrimoniale pour les opérateurs du secteur.


Actualité du droit immobilier & construction

Cet article a été publié dans notre Lettre Promotion-Urbanisme de décembre 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.


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