Un décret du 31 octobre 2019 autorise la tenue dématérialisée des registres des sociétés et la signature électronique des procès-verbaux des décisions sociales. Reste un obstacle fiscal pour concrétiser ces avancées.
La signature électronique est reconnue par le droit français depuis la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique.
Cependant, les sociétés étaient tenues, jusqu’à récemment, d’ouvrir et de conserver certains registres sur un support papier en s’assurant de leur mise à jour régulière et chronologique. Dans le silence des textes, seules les SAS pluripersonnelles ou unipersonnelles pouvaient utiliser un registre sous forme électronique pour répertorier les décisions des associés ou de l’associé unique, selon le cas, si leurs statuts le prévoyaient.
Cette possibilité a récemment été étendue à la plupart des autres formes de sociétés.1
Généralisation de la possibilité d’une dématérialisation des registres et procès-verbaux
Depuis le décret n° 2019-118 du 31 octobre 2019 publié au JO le 3 novembre 2019 et entré en vigueur le lendemain, les registres des sociétés commerciales et des sociétés civiles ainsi que les registres comptables de certains commerçants peuvent être tenus de façon dématérialisée. En pratique, sont concernés :
- les procès-verbaux des assemblées et des consultations écrites des associés de société en nom collectif (SNC)2 et de société en commandite simple (SCS)3 ainsi que le registre sur lequel ils sont répertoriés ;
- les procès-verbaux des assemblées et des consultations écrites des associés de SARL4 ou de l'associé unique d'EURL et le registre sur le lequel ils sont établis, ainsi que, s’agissant des EURL, la mention des conventions réglementées portée sur ce même registre5 ;
- le registre de présence des réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance de SA6 ainsi que les procès-verbaux des délibérations de ces organes et le registre sur lequel ils sont répertoriés ;
- les procès-verbaux des assemblées générales de SA et de société en commandite par actions ainsi que le registre sur lequel ils sont retranscrits7 ;
- le registre des décisions collectives des associés de sociétés civiles ainsi que les procès-verbaux des assemblées et des consultations écrites des associés qui y sont conservés et la mention des décisions des associés résultant d'un acte portée sur ce même registre8 ;
- le livre des recettes et le registre des achats des commerçants relevant du régime fiscal de la micro-entreprise.
On peut supposer que c’est uniquement par inadvertance que le décret a omis de mentionner la possibilité pour les SNC, SCS et SARL de conserver également les décisions des associés résultant d'un acte sur le registre sous forme électronique, cette possibilité n’étant expressément prévue que pour les sociétés civiles.
Conditions liées à la signature et à la datation des procès-verbaux dématérialisés
Concernant la signature électronique des procès-verbaux des décisions sociales, le décret précise qu'elle doit respecter les exigences relatives à une signature électronique avancée prévues par l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (règlement dit « eIDAS ») et reprises par l’article 1367 du Code civil.
Ainsi, une signature électronique avancée doit satisfaire aux exigences suivantes :
- être liée au signataire de manière univoque ;
- permettre d'identifier le signataire ;
- avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ;
- être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.
Signalons que ce niveau de signature électronique avancée est applicable à titre supplétif dans les SAS lorsque les statuts ne précisent pas les modalités de la signature électronique9. A contrario, les statuts de SAS peuvent prévoir d’autres modalités de tenue du registre des décisions sociales et d’établissement des procès-verbaux sous forme électronique.
Enfin, les documents dématérialisés doivent être datés de façon électronique au moyen d'un horodatage offrant toute garantie de preuve10.
Le décret constitue la continuation logique de la création, par l'ordonnance no 2017-1674 du 8 décembre 2017, du dispositif d'enregistrement électronique partagé (DEEP) qui permet la représentation et la transmission de titres financiers au moyen de la technologie « blockchain ».
Néanmoins, une dernière étape doit encore être franchie.
Impossibilité d’utiliser la signature électronique pour les actes soumis à l’enregistrement
L'article 658 du CGI prévoit que la formalité de l'enregistrement est donnée, notamment, sur les originaux des actes sous seing privé qui y sont soumis. L'écrit revêt la qualité d'original dès lors qu'il est signé par les parties, un acte signé électroniquement réimprimé n’étant pas considéré comme un original… sauf à ce que l'ensemble des signataires de l'acte original contresigne la copie.
Dans une question écrite publiée le 14 mars 201911, la sénatrice Évelyne Renaud-Garabedian soulignait que le recours à la signature électronique s'était généralisé dans tous les secteurs de l'économie, même les plus sensibles, comme le droit, la banque ou l'assurance, favorisant les transactions électroniques et la mobilité, avec un effet bénéfique certain pour l'économie française. Elle souhaitait ainsi connaître la position du ministre sur la possibilité d'enregistrer auprès de l'administration fiscale les actes signés électroniquement.
Elle rappelait en outre que l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives avait donné lieu à la création du référentiel général de sécurité ; référentiel d’après lequel il incombe à chaque autorité administrative de mettre en place des procédures permettant l'utilisation de la signature électronique dans les relations avec les administrés.
Ainsi, l'administration fiscale accepte les actes signés électroniquement pour les déclarations de revenus ou de TVA, et la facturation électronique, pour les entreprises contractant avec l'État, est devenue obligatoire.
Néanmoins, les actes soumis à l’enregistrement, en ce compris les procès-verbaux de décisions sociales, doivent être signés de façon manuscrite sur un support papier, ce qui constitue un dernier frein à la généralisation de la numérisation des procès-verbaux.
Le Ministère a indiqué dans sa réponse12 que, « consciente de l'enjeu de la dématérialisation de l'enregistrement des déclarations et des actes, l'administration fiscale travaille depuis 2018 sur le projet « e enregistrement » ».
La loi de finances pour 202013 a prévu une obligation de souscription et de paiement par voie électronique, au moyen d’un téléservice mis à disposition par l’administration depuis une plateforme dédiée, pour certaines déclarations en matière d'enregistrement dont la liste vient d’être fixée par décret14 : les déclarations de dons manuels (CGI, art. 635 A), de cessions de droits sociaux (CGI, art. 639 et 640 A), de dons de sommes d’argent (CGI, art. 790 G) et de succession (CGI, art. 800).
La loi n’a rien prévu d’identique en ce qui concerne les opérations constatées par des procès-verbaux ; on peut espérer que cette extension interviendra prochainement.
D’autant que, pendant la récente période de confinement, certaines recettes ont accepté de retenir comme date de dépôt, un procès-verbal envoyé en dématérialisé, dans l’attente de l’original15.
Points clés :
- le décret du 31 octobre 2019 autorise la tenue dématérialisée des registres des sociétés et la signature électronique des procès-verbaux des décisions sociales ;
- la signature des procès-verbaux des décisions sociales doit respecter au moins les exigences de la signature électronique avancée dite « eIDAS » ;
- les documents dématérialisés doivent être datés de façon électronique au moyen d'un horodatage offrant toute garantie de preuve ;
- le CGI, qui prévoit que la formalité de l'enregistrement est donnée sur les originaux des actes sous seing privé, constitue un frein à la numérisation des procès-verbaux.
Article paru dans Option Finance le 10 juin 2020
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