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La dématérialisation du droit

Quel avenir pour la formation en droit ?

13/04/2020

L’activité des juristes est bien évidemment fortement affectée par la pandémie de COVID-19. L’impact n’est cependant pas du tout le même, selon les activités.

Certains, qui exerçaient des activités de conseil en travaillant déjà beaucoup à distance peuvent ne quasiment pas ressentir l’impact des mesures de confinement – même s’ils les ressentent indirectement du fait de l’effet de ces mesures sur leurs clients. Ceux qui parcouraient la France de tribunal en tribunal, plaidant à droite et à gauche, ou ceux qui recevaient physiquement une multitude de clients particuliers dans leurs locaux, sont quant à eux nécessairement affectés directement.

Bien sûr, la pandémie oblige à limiter les rencontres physiques d’une manière que l’on ne pouvait imaginer. Bien sûr, les activités qui ne sont plus possibles du fait des mesures de confinement doivent se poursuivre, autant que faire se peut, de manière dématérialisée. Mais une fois que l’on a dit cela, les activités des juristes, en changeant de forme pour devenir « dématérialisées », ne vont-elles pas subir également une mutation de fond ?

Nous commencerons à évoquer cette question avec un aspect de l’activité des juristes qui est celui de la formation en droit, qu’il s’agisse de la formation initiale des étudiants en droit ou de la formation continue des professionnels.

Le préexistant : l’enseignement à distance

Depuis des décennies, le droit est enseigné, en France, « à distance ». Pendant longtemps, on a utilisé les termes de « cours par correspondance », car la dématérialisation se traduisait avant tout par l’envoi de supports écrits et de devoirs, l’étudiant lisant les premiers et vérifiant l’acquisition des connaissances par les seconds. Ce que la technologie permettait était déjà utilisé : cours à la radio, sur des cassettes audio, sur des CD…

Indépendamment des supports utilisés, le public de l’enseignement en droit à distance a toujours été varié, au moins s’agissant de la formation initiale. Celle-ci réunit des publics très différents, qui ont en commun de ne pouvoir se rendre physiquement aux cours magistraux et aux séances de travaux dirigés (TD) dispensés à l’Université. Se retrouvent ainsi à suivre ces formations à distance tout à la fois des étudiants qui veulent faire un double cursus mais ne bénéficient pas d’un aménagement de leur emploi du temps, des étudiants qui pour des raisons diverses ne peuvent se déplacer (étudiants en situation de handicap ou de phobie sociale, détenus) ou qui sont géographiquement éloignés (expatriés, conjoints d’expatriés), des professionnels en reconversion, etc. Le public de ces formations en droit à distance rassemble des classes d’âge éloignées, et concerne des personnes qui ont des attentes et des niveaux de préparation hétérogènes.

L’enseignement à distance, curieusement, a toujours été regardé en France avec une forme de condescendance par les enseignants juristes, qui pour la plupart, trouvaient toutes les mauvaises raisons envisageables pour justifier de ne pas y consacrer leurs efforts : la crainte de voir les amphithéâtres désertés, la demande de moyens techniques dignes d’une production cinématographique, l’invocation de leur « magnétisme » (sic) qui serait perdu pour les étudiants si on leur demandait de changer de modalité d’enseignement…

La période contemporaine : cours en ligne, webinaires, MOOCs

En dépit du peu d’attrait d’une partie des enseignants juristes, force est de constater que les nouvelles technologies de communication et les réseaux sociaux ont ouvert de nombreuses possibilités à qui souhaite faire tomber les murs de l’amphithéâtre.

Le cours magistral peut ainsi être relayé sur une plate-forme pédagogique interne ou par les réseaux sociaux, avant et après les heures de cours, pour annoncer ce qui sera traité lors de la séance, pour permettre aux étudiants de poser des questions entre deux séances et pour les inviter à commencer à répondre eux-mêmes à ces questions, ou encore pour communiquer aux étudiants des documents complémentaires ou les inviter à une réflexion que l’on n’aura pas le temps de développer pendant les heures de cours.

Etape suivante, que de rares enseignants ont commencé à mettre en œuvre il y a quelques années : filmer le cours avec un smartphone et le diffuser en direct sur une plate-forme ou un réseau social. L’exercice est, matériellement, très facile à réaliser, avec un investissement très faible. Bien sûr, l’enseignant doit gérer, en plus du cours, des questions techniques, qui vont de l’état de la batterie de son téléphone à la bande wi-fi accessible dans son amphithéâtre, mais si l’on se prépare un peu à l’avance, ces soucis sont vite oubliés et l’on peut faire cours tout à la fois aux étudiants physiquement présents et à ceux qui sont, parfois de l’autre bout du monde, attentifs devant leur écran.

On perçoit combien l’innovation technologique peut être porteuse de progrès en termes de pédagogie. Le cours d’amphi était le plus souvent un exercice unilatéral, où du contenu était transmis aux étudiants sans véritable échange avec eux. Lorsque l’enseignant devient joignable pendant le cours par le biais d’une messagerie instantanée, cela ouvre la possibilité de lui poser des questions écrites et de réagir à ses interrogations sans formalisme. L’utilisation de ces instruments permet donc à l’enseignant de mettre de l’interaction là où il n’y en avait pas.

La formation continue, de son côté, a vu se développer les webinaires. Les entreprises se sont depuis longtemps rendu compte que la formation des salariés pouvait se faire via des échanges en ligne aussi bien que par des réunions physiques. Bien sûr l’interaction est sans doute meilleure quand un petit groupe, réuni physiquement dans une salle, peut poser directement des questions au formateur et en recevoir les réponses. Simplement, beaucoup de formations en présentiel voient les participants se limiter à une écoute passive. Il n’est pas sûr que ceux-là ne participent pas davantage dans le cadre d’un séminaire dématérialisé.

C’est aussi le développement des MOOCs (Massive Open Online Courses) qui a bouleversé le paysage de la formation. On a pu par ce canal former des effectifs très importants, de manière gratuite et ouverte à tous. L’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne a pu ainsi dispenser à plus de 16 000 participants une formation sur la réforme du droit des contrats en 2016. Cette formation ne débouchait pas sur un diplôme universitaire proprement dit, mais donnait aux participants la possibilité d’obtenir une certification. Les moyens consacrés à cette formation ont non seulement permis à l’Université de jouer à plein son rôle de diffusion du savoir, mais ils ont également permis aux enseignants concepteurs du dispositif d’apprendre beaucoup en termes de pédagogie en ligne et destinée à un public très large et diversifié.

L’impact de la pandémie de COVID-19

La crise actuelle oblige à reconsidérer la place de la formation dématérialisée. Si l’on ne peut pas rencontrer les étudiants et les professionnels que l’on doit former, faut-il renoncer à toute entreprise pédagogique ?

Dans les premiers jours du confinement, certains (professeurs de droit, départements d’études) ont laissé entendre que l’on pourrait se contenter de transmettre un exercice ou d’indiquer des pages de manuel à lire pour assurer la « continuité pédagogique ». Il ne faut clairement pas se satisfaire de cela ! Il y a assez de moyens techniques facilement utilisables, il y a assez de retours d’expérience, notamment avec les MOOCs, pour que l’on puisse proposer, aussi bien en formation initiale qu’en formation continue, des modalités d’enseignement plus interactives.

Bien entendu, cela suppose de sortir de sa zone de confort. Cela suppose de réfléchir davantage à la pédagogie. Ce que les enseignants n’ont pas voulu tenter lorsqu’ils avaient le choix, ils sont maintenant tenus de le mettre en œuvre parce qu’il n’y a pas d’autre solution.

Ils conservent bien entendu le choix d’adresser leurs enseignements à un public restreint, par le biais d’une plate-forme fermée, ou de les diffuser plus largement, via un réseau social ouvert.

A l’heure où ces lignes sont écrites, il n’apparaît pas que nous soyons proches de la fin de cette crise. Il faut que nous trouvions en nous les ressources pour la surpasser et que nous sortions grandis de l’épreuve. Si nous parvenons à comprendre que certaines de nos activités peuvent être réalisées de manière moins formaliste et moins cérémonieuse qu’on le pensait jusqu’à présent, nous aurons au moins retiré un bénéfice de la crise à laquelle nous sommes confrontés.

Dans un avenir proche, nous pourrons réfléchir encore davantage à comment passer d’un enseignement limité à la transmission de contenus à une formation permettant une mise en situation et l’acquisition de savoir-faire et de compétences plus que de simples connaissances.

La dématérialisation des activités juridiques concerne aussi la formation des juristes. La formation à distance permet d’atteindre de nombreux publics et de mettre en œuvre une pédagogie améliorée. Elle constitue en outre le moyen, en période de pandémie, d’assurer la continuité pédagogique.

Article paru dans le magazine Option Finance du 30/03/2020 


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