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Les salariés inaptes ou invalides peuvent-ils être licenciés pour motif économique ?

23/07/2013


La mise en œuvre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique ne permet pas à l’employeur de s’affranchir de la procédure protectrice applicable aux salariés déclarés inaptes. Une solution identique doit désormais être retenue s’agissant des salariés reconnus invalides par la Sécurité Sociale.

En cas d’inaptitude, seul l’engagement d’une procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement peut être envisagé à l’égard du salarié concerné et ce, même dans l’hypothèse où l’inaptitude n’est pas consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Cass. Soc, 14 mars 2000, n° 98-41.556 et Cass. Soc, 14 décembre 2011, n° 10-19.631).
 
Les salariés invalides relèvent-ils du même régime que les salariés inaptes ?

La notion d’inaptitude ne doit pas être confondue avec celle d’invalidité. En effet, l’inaptitude peut exclusivement être prononcée par le médecin du travail dans l’hypothèse où le salarié se trouve dans l’incapacité physique ou psychologique d’occuper son poste de travail ou tout emploi dans l’entreprise. L’état d’invalidité au contraire, est constaté par la Sécurité Sociale et résulte de l’incapacité globale de l’assuré d’exercer une activité professionnelle quelle qu’elle soit. Elle permet en outre à l’assuré de percevoir une pension d’invalidité, ce qui n’est pas le cas du salarié déclaré inapte à son poste.

Le salarié reconnu inapte par le médecin du travail, n’est donc pas nécessairement invalide au sens du droit de la sécurité sociale et inversement.

Compte tenu de cette différence de régime, les employeurs pouvaient s’interroger sur la possibilité d’inclure dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique des salariés en état d’invalidité et n’ayant pas encore fait l’objet d’une déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, afin d’éluder l’application de la procédure protectrice de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’état de santé du salarié reconnu inapte ou invalide doit être pris en compte quelle que soit la situation économique de l’entreprise.

Dans le cadre d’un arrêt rendu le 5 décembre 2012, la Cour de cassation a précisé que « dès lors qu’il a connaissance du classement en invalidité deuxième catégorie d’un salarié au moment d’engager la procédure de licenciement pour motif économique ou pendant son déroulement, l’employeur est tenu d’organiser une visite de reprise et de lui proposer une offre de reclassement tenant compte des préconisations émises par le médecin du travail à l’issue de cette visite » (Cass. Soc, 5 décembre 2012, n° 10-24.204).

En l’espèce, bien qu’ayant connaissance du classement du salarié en invalidité 2ème catégorie, l’employeur qui était contraint de procéder à la fermeture d’un site de production, avait proposé deux postes de reclassement à l’intéressé et lui avait notifié son licenciement pour motif économique suite au refus de ces postes. Or, selon la Haute Juridiction, l’employeur aurait au contraire dû attendre que le médecin du travail se prononce sur l’aptitude du salarié concerné et adapter ses propositions de reclassement aux préconisations du médecin.

Il appartient donc désormais aux entreprises qui sont confrontées à des procédures de restructuration impliquant la mise en œuvre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique d’être extrêmement vigilantes à l’égard des salariés reconnus invalides.

Comment l’employeur doit-il réagir lorsqu’il est informé du classement en invalidité du salarié avant ou au cours d’une restructuration ?

  • Dès qu’il est informé du classement du salarié en invalidité 2ème catégorie, il appartient à l’employeur d’organiser une visite de reprise avec le médecin du travail et ce quelle que soit la date à laquelle cette information lui est transmise (avant l’engagement de la procédure de licenciement économique ou pendant sa mise en œuvre).
  • Si à l’issue de la visite médicale de reprise, le salarié est déclaré apte à son poste de travail par le médecin du travail (situation qui semble peu probable s’agissant d’un salarié ayant précédemment été déclaré invalide par la Sécurité Sociale…), il devra en principe reprendre son activité et le cas échéant, à l’issue de la procédure de reclassement, se voir notifier son licenciement pour motif économique s’il est désigné par l’application des critères d’ordre de licenciement. La solution mérite néanmoins d’être nuancée si le salarié est provisoirement déclaré apte à reprendre son poste. En effet, en cas d’aptitude provisoire, l’employeur est tenu d’organiser une nouvelle visite médicale, afin de pouvoir prendre en compte les préconisations définitives du médecin du travail (Cass. Soc, 29 mai 2013, n° 12-15.313). Dans cette hypothèse, le licenciement pour motif économique ne pourra donc être envisagé que si le salarié est définitivement déclaré apte à l’issue de la période d’aptitude provisoire.
  • Si à l’inverse, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail après deux visites espacées de 15 jours (ou à l’issue d’une seule visite en cas de danger immédiat), le licenciement pour motif économique devra être écarté et il appartiendra à l’employeur de respecter la procédure applicable en cas d’inaptitude. Le salarié devra ainsi se voir proposer un autre emploi approprié à ses capacités, tenant compte des préconisations du médecin du travail et aussi comparable que possible au poste qu’il occupait précédemment étant précisé qu’en l’absence d’un tel poste de reclassement ou de refus des postes de reclassement proposés, son licenciement ne pourra lui être notifié que pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La pratique qui consistait à conserver le salarié reconnu invalide dans les effectifs de l’entreprise pendant plusieurs années et parfois jusqu’à l’engagement d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique ou même jusqu’à l’âge de la retraite, sans organiser de visite de reprise, afin de lui permettre de percevoir une pension d’invalidité tout en bénéficiant du régime de prévoyance d’entreprise, doit donc désormais être exclue.

Article paru dans Les Echos Business du 17 Juillet 2013

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Portrait deCéline Renault-Cossoul
Celine Renault-Cossoul