Ce sont de drôles de sociétés, fuyantes, informes, éphémères parfois…, des sociétés auxquelles il manque un attribut essentiel : la personnalité morale»1. Sont ici visés deux types de sociétés qui, faute d’être immatriculées au registre du commerce et des sociétés, n’ont d’existence que dans les rapports entre leurs associés. La société en participation (SEP) d’abord2, que ses associés ont décidé de ne pas immatriculer bien qu’elle réunisse les éléments constitutifs du contrat de société que sont la réalisation d’apports, l’affectio societatis et la vocation aux bénéfices (et son corollaire, la contribution aux pertes). Il ne s’agit là que d’un simple contrat de société, fréquemment utilisé comme instrument de coopération interentreprises, par exemple pour mener à bien des projets ponctuels (tels que la réalisation d’un chantier) ou permettre une opération de financement (pools bancaires). La société créée de fait ensuite3, qui résulte du comportement de personnes ayant, sans en avoir totalement conscience, agi entre elles et/ou vis-à-vis des tiers comme de véritables associés. Le juge sera le plus souvent appelé à en constater l’existence à la demande soit de créanciers en quête de codébiteurs, soit de participants désireux de faire valoir leurs droits à l’occasion de la liquidation.
Appréhender ces sociétés dans le cadre des opérations de fusion-acquisition exige de faire appel à des réflexes autres que ceux habituellement utilisés en présence de sociétés immatriculées. Deux conséquences majeures découlent en effet de l’absence de personnalité morale. En premier lieu, ces sociétés n’ont pas la capacité juridique : elles ne peuvent donc souscrire aucun engagement contractuel (et notamment aucune dette), ni ester en justice ou encore avoir la qualité d’employeur. En second lieu, elles ne disposent pas de patrimoine propre.
Chaque associé reste en principe, à l’égard des tiers, propriétaire des biens qu’il met à leur disposition, les acquêts sociaux étant pour leur part réputés indivis entre les participants. Ce particularisme a une incidence directe sur les rapports entre les associés et les tiers, et sur l’obligation aux dettes sociales qui pèse sur les participants. Aux termes de l’article 1872-1 du Code civil, chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers (en pratique, il s’agira fréquemment du gérant). Ce n’est que par exception, et à la condition d’avoir agi en qualité d’associé au vu et au su des tiers, que les autres participants pourront être tenus indéfiniment (et solidairement si la société est commerciale) à l’égard des tiers des obligations souscrites par un autre associé, ou encore lorsque, par leur immixtion, des associés auront laissé croire au cocontractant qu’ils entendaient s’engager à son égard.
Les SEP ne peuvent par ailleurs, faute de patrimoine propre, participer à des opérations de fusion ou de scission. Cette absence ne constitue en revanche pas un obstacle à la cession par les associés des droits qu’ils tiennent du contrat de société, la cession portant sur la créance que chaque participant détient à l’encontre des autres membres du groupement4. Eu égard au fort intuitus personae qui marque cette catégorie de sociétés, de telles cessions sont – sauf convention contraire des parties – soumises à l’accord unanime des associés.
Le contrat de société peut également prévoir d’autres restrictions et, notamment, faire du changement de contrôle d’un associé personne morale une cause de dissolution de la société. Compte tenu de leur spécificité, l’identification des sociétés non immatriculées ne doit pas être négligée lors des phases d’audit. La présence de telles sociétés dans le périmètre d’une opération impose d’en apprécier l’impact sur celle-ci et de circonscrire les éventuels risques y afférents, par exemple au travers de la garantie de passif.
1. Cozian, Viandier, Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 32e éd., n°1745.
2. Régie par les articles 1871 à 1872-2 du Code civil.
3. Soumises, en vertu de l’article 1873 du Code civil, au même régime juridique que les SEP.
4. Voir notamment Com., 15 mai 2012, Rev. sociétés 2013, p. 88, note B. Dondero.
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Cet article a été publié dans notre Lettre des fusions-acquisitions et du Private Equity de mars 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.
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