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Pas de certificat complémentaire de protection pour un dispositif médical incorporant un produit pharmaceutique

Lettre Propriétés intellectuelles | Janvier 2019

31/01/2019

Le certificat complémentaire de protection (CCP) a été introduit en droit français par la loi n° 90-510 du 25 juin 1990 pour "compenser" le temps nécessaire à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché des nouveaux médicaments. En effet, les formalités d’autorisation retardent significativement la date de lancement d’un médicament, réduisant d’autant la durée effective du monopole d’exploitation.

L'obtention d'un CCP est soumise à deux conditions principales cumulatives : d'une part la protection du produit par un brevet de base en vigueur et, d'autre part, l'existence d'une autorisation de mise sur le marché en cours de validité. Une fois délivré, le CCP prend effet "au terme légal du brevet de base, pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’une période de cinq ans" (article 13 du règlement 469/2009 du 6 mai 2009), sans que la durée du certificat ne puisse être supérieure à cinq ans.

La question s’est posée du bénéficie de l’extension de protection offerte par les CCP pour des produits de santé soumis à des exigences règlementaires comparables à celles appliquées aux médicaments stricto sensu. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) y a récemment répondu par la négative, en refusant le bénéfice du CCP à un dispositif médical comprenant une substance pharmaceutique (CJUE, 25 octobre 2018, T-447/16).

En l’espèce, le produit était un dispositif médical (stent) comprenant un produit pharmaceutique (paclitaxel). Plus précisément, Boston Scientific avait introduit une demande de CCP sur la base, d’une part d’un certificat de conformité CE pour le stent enduit de paclitaxel, et d’autre part, d’un brevet couvrant l’utilisation du paclitaxel dans la prévention de la resténose (traumatisme artériel).

Conformément à l’article 1 § 4 de la directive 93/42 du 14 juin 1993, ce type de dispositif doit être considéré comme un dispositif médical, et non comme un médicament, si le produit pharmaceutique a une action accessoire à celle du dispositif. Ce dispositif n’était donc pas soumis à la procédure d’autorisation de mise sur le marché à proprement parler. 

La demande de CCP a été rejetée par l’Office allemand et un recours introduit devant la Cour fédérale allemande des brevets. Cette dernière a conclu que la procédure de certification d’un dispositif médical auquel une substance était incorporée pouvait être jugée équivalente, au regard de la similitude entre les méthodes utilisées, à la procédure d’évaluation des médicaments basée sur la même substance. Elle a cependant soumis à la CJUE une question préjudicielle pour s’assurer de l’homogénéité de la réponse des Etats membres sur la question.

Dans l’arrêt du 25 octobre 2018, la CJUE rejette donc cette thèse en précisant que la procédure d’autorisation préalable d’un dispositif médical ne peut être assimilée à une procédure d’autorisation de mise sur le marché de ladite substance, même si le dispositif incorpore un produit pharmaceutique.

Seule une substance qui a reçu une autorisation de mise sur le marché peut faire l’objet d’un CCP, conformément à l’article 2 du règlement 469/2009 du 6 mai 2009.

La Cour met l’accent sur l’importance de la distinction entre les notions :

  • d’une part, de dispositif médical, défini à l’article 1er de la directive 93/42 comme tout instrument, appareil ou autre article utilisé à des fins, notamment de prévention ou de traitement d’une maladie et dont l’action principale voulue sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens ; et
  • d’autre part, de médicament défini à l’article 1er de la directive 2001/83 du 6 novembre 2001 comme toute substance pouvant être utilisée chez l’homme en vue soit de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical.  

Elle rappelle que, conformément à sa jurisprudence antérieure, les deux notions sont exclusives l’une de l’autre (CJUE, 3 octobre 2013, C‑109/12). Or, il ressort du règlement 469/2009, que la délivrance de CCP est réservée aux produits approuvés conformément à la directive 2001/83, c’est-à-dire, aux médicaments, à l’exclusion "tant des dispositifs médicaux que des substances utilisées comme produit adjuvant d’un dispositif médical", excluant ainsi les substances qui agissent sur le corps humain par une action accessoire à celui du dispositif qu’elles intègrent, comme le paclitaxel en l’espèce. En effet, la Cour relève que le mode d’action principal n’est pas celui d’un médicament et par ailleurs que la procédure d’évaluation du principe actif ne peut pas être assimilée à une procédure d’autorisation de mise sur le marché.
 
L’article 2 du règlement 469/2009 doit donc être interprété en ce sens qu’une certification de conformité CE, pour un dispositif médical incorporant une substance active sur le plan pharmacologique, ne peut être assimilée à l’autorisation de mise sur le marché, prévue par la directive 2001/83, quand bien même ladite substance aurait fait l’objet d’une évaluation similaire, conformément à la directive 93/42.
 
Bien que la décision de la CJUE soit décevante pour les acteurs de l’industrie des produits de santé, la solution semble logique et devrait éviter toute divergence d’interprétation à travers l’Union. 


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Jean-Baptiste Thiénot
Associé
Paris