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Pools de financement

Mettre un peu de fonds d'investissements dans un monde de banques

28/01/2020

Le décret n°2016-1587 du 24 novembre 2016 permet, par dérogation au monopole bancaire, aux fonds français ou européens, s'ils respectent certaines conditions, de prêter "directement" aux entreprises. Cette nouvelle possibilité fait évoluer la mise en place des pools de prêteurs dans les financements senior.

Les fonds de dette intervenaient déjà dans le financement des entreprises :

  • de manière autonome en proposant des financements obligataires senior (notamment avec le développement du format Euro PP) ou non (cf. les produits "unitranch") ;
  • en rachetant des créances de prêts consentis à une entreprise, ce rachat intervenant un instant de raison après la mise à disposition du prêt (mécanisme dit de "fronting bank") ; ou
  • dans le cadre d’un financement plus global, en fournissant par une émission obligataire un financement subordonné ou mezzanine aux côtés d’établissements de crédit senior.

Désormais, il est possible, et de fait plus fréquent, de voir des opérations de financement dans lesquelles un pool dit "senior" est composé d'établissements de crédit et d'un ou plusieurs fonds d'investissement, agissant en tant que prêteurs "directs", au même rang et/ou aux côtés des établissements de crédit.

Cette hétérogénéité des pools a plusieurs conséquences potentielles sur la manière dont est mise en place, puis gérée, la dette senior de l’entreprise emprunteuse :

  • des sources de financement diversifiées mais un processus unifié - L'emprunteur peut désormais accéder à cette source de financement additionnel tout en conservant un schéma de financement plus classique via un pool unique de prêteurs. Toutefois, il est possible que l'arrangeur du crédit ou certains participants à l'opération exigent que le fonds d’investissement participant au montage soit issu de son propre groupe bancaire. Dans ce cas, l’effet de diversification est plus limité. La ventilation du financement et la répartition des tranches dépendront également de l'appétit du fonds prêteur.
  • les fonds proposent des produits différents - A notre connaissance, la situation la plus fréquente est celle où un fonds s'engage à participer à une tranche "C" dont le remboursement sera in fine et dont la maturité sera légèrement supérieure à celle des tranches "A" et "B" consenties par les prêteurs bancaires. Le coût de cette tranche "C", structurellement subordonnée aux deux autres, sera alors plus élevé. Le fonds prêteur bénéficie généralement des mêmes sûretés que celles consenties par l'entreprise emprunteuse pour l’ensemble de l’opération, au même titre et au même rang que les autres créanciers senior bancaires. Rien n'empêche cependant ces fonds de dette de prendre également des participations dans les autres tranches. Il reste néanmoins que la structure d’investissement de ces fonds les porte souvent vers des financements remboursables in fine, leur permettant ainsi de maximiser les montants investis dans le temps.
  • unification et simplification de la documentation et du processus de mise en place - Dans un pool de financement hybride composé d’établissements de crédit et de fonds prêteurs, la documentation juridique sera simplifiée par rapport au format dette senior / dette subordonnée ou au format dette bancaire / dette obligataire. Elle pourra n'être composée "que" d'un contrat de crédit et des documents de sûretés y afférents, sans nécessairement la mise en place d'un contrat inter-créanciers séparé (les accords entre créanciers peuvent être insérés dans le contrat de crédit). L'emprunteur devra en parallèle discuter, pendant les phases de négociation des conditions financières de l'opération, avec des créanciers dont les pratiques et les attentes peuvent être différentes. Certes, le rôle de l'arrangeur puis de l'agent du pool bancaire, permettra toujours de centraliser les échanges entre l'entreprise emprunteuse et les créanciers senior, en ce compris les fonds prêteurs. Cependant, ces derniers ayant parfois des demandes spécifiques, il n’est pas rare de les voir s'adresser directement à l'emprunteur pour faire valoir une position et/ou des demandes particulières.
  • spécificités dans la négociation de certaines clauses - Un établissement de crédit et un fonds d’investissement n’ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes règles de fonctionnement internes. Cela peut notamment être le cas pour les exigences en termes de "Know your customer" (couramment appelés les "KYC") : ces documents d'information (k-bis, carte d'identité, identification des chaînes de détention, etc.) sont demandés par les créanciers afin de notamment s'assurer de l'identité exacte des personnes, physiques ou morales qui les détiennent ou qui sont leurs débiteurs. Ils leur permettent de répondre en particulier aux règles impératives en matière de lutte anti-blanchiment ou contre le financement du terrorisme. Si chaque participant du pool formule ses propres demandes à ce sujet, les obligations de remise de documents de l'emprunteur, préalables à la mise à disposition des fonds, seront donc un peu alourdies. De même, les négociations des clauses "sanctions", désormais incontournables dans les documentations de financement, pourront être affectées selon les pratiques de chacun des créanciers, même s’il faut reconnaître que les fonds d’investissement ont parfois une sensibilité moindre que les établissements de crédit sur ces sujets. Il peut en aller de même pour les clauses prévoyant un alourdissement des conditions de coût du financement en cas de changement de réglementation : les fonds étant indirectement touchés par ces changements pour le moment, ils peuvent se montrer plus flexibles sur cette question. A l’inverse, certains fonds prêteurs pourront paraître plus exigeants que les établissements de crédit sur certains sujets, notamment en matière de sûretés (par exemple, sur la question des agréments des bénéficiaires prévus dans les statuts de la société dont les titres sont nantis, nécessaires à la mise en place d’un nantissement).
  • le "side business" et la renégociation des crédits - Certaines différences de comportement entre les fonds de dettes et les banques subsisteront dans le temps. Par exemple, compte tenu de son statut juridique, un fonds de dette ne pourra pas tenir les rôles d'agent des flux ou de banque de couverture, ce qui pourra impacter sa relation avec les co-créanciers. De la même manière, les négociations avec le fonds sont souvent limitées à un ou plusieurs financements, alors que les établissements de crédit peuvent faire intervenir dans ces discussions des éléments tenant à d’autres services bancaires (comme la tenue de comptes bancaires ou la gestion de moyens de paiement). Enfin, les réactions de ces deux catégories de prêteurs senior en cas de restructuration de dettes ou d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de leur débiteur peuvent être disparates, notamment lorsqu’il s’agit de l’injection de new money.

Actualité du droit bancaire et financier

Cet article a été publié dans la Lettre du Financement pour les entreprises de Janvier 2020. Cliquez ci-dessous pour retrouver les autres articles de cette lettre.

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