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Position dominante et abus dans la fixation du prix

Des pratiques toujours délicates à appréhender

03/02/2020

Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 novembre 2019 vient témoigner de la difficulté des juges de la concurrence à apprécier et à sanctionner des pratiques d’abus de position dominante liées au prix.

Le contexte de l’affaire : un soupçon d’abus de position dominante

Intervenant dans le secteur des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) en Corse, la société SANICORSE était la seule entreprise sur l’île à proposer ces prestations spécifiques et encadrées par le Code de la santé publique. De ce fait, elle entretenait des relations contractuelles anciennes avec les établissements de soins corses.

Or, SANICORSE a progressivement résilié les contrats qui la liaient à ces établissements tout en refusant de participer aux appels d’offres qu’ils lançaient pour tenter de trouver un prestataire. En revanche, elle a accepté de contracter avec ces mêmes établissements hors marché en leur proposant des augmentations tarifaires importantes, souvent plus du double du prix initialement facturé.

Après une enquête menée par la DGCCRF et une proposition de sanction du ministre de l’Economie intervenu dans le cadre de ses pouvoirs en matière de pratiques anticoncurrentielles de dimension locale, refusée par SANICORSE, l’Autorité de la concurrence a condamné cette dernière pour abus de position dominante.

Un abus de position dominante caractérisé pour l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence a tout d’abord délimité un marché des déchets d’activités de soins à risque infectieux circonscrit à la Corse sur lequel SANICORSE était mécaniquement en position dominante.

Après les avoir qualifiées de « brutales, significatives et non transitoires », elle a ensuite jugé que les augmentations tarifaires imposées aux établissements de soins étaient constitutives d’un abus de position dominante au regard de la jurisprudence établie en la matière : possibilité de condamner une pratique de prix abusifs lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre le prix et la valeur du service (CJUE, 13 novembre 1975, General Motors, Aff. 26/75, CJUE, 14 février 1978, United Brands, Aff. 27/76 et CJUE, 11 décembre 2008, Kanal 5 Ltd et TV 4 AB, Aff. C-52/07) à moins que la disproportion constatée ne comporte une justification (CJUE, 8 juin 1971, Deutsche Grammophon, Aff. 78/70).

Or, en l’espèce, l’Autorité de la concurrence a considéré que les hausses tarifaires imposées aux établissements (+135%, +137% voire +198% !) n’étaient justifiées ni par une augmentation des coûts ni par la nécessité de rentabiliser plus rapidement les investissements de SANICORSE en raison de la menace représentée par l’apparition d’un concurrent.

Mais pas d’abus de position dominante pour la cour d’appel de Paris

La décision de l’Autorité de la concurrence est néanmoins réformée par la cour d’appel de Paris pour laquelle l’abus de position dominante sanctionné est insuffisamment caractérisé (CA Paris 14 novembre 2019, n° 18/23992).

Elle considère en effet que l’Autorité de la concurrence a sanctionné SANICORSE pour avoir imposé des conditions de transaction non équitables sans avoir démontré pour autant que les prix proposés étaient excessifs ni que SANICORSE aurait violé les contrats conclus avec les établissements de soins.

En d’autres termes, et selon les juges parisiens, en l’absence de preuve du caractère excessif des prix proposés aux établissement de soins, il n’est pas possible de démontrer que l’augmentation des prix qui en résulte est abusive.

En définitive. L’arrêt de la cour d’appel de Paris ne remet pas en cause le fait qu’une pratique de prix abusifs et/ou de conditions de transaction non équitables puisse être condamnée sur le fondement de l’abus de position dominante. Elle témoigne néanmoins du fait que l’application des principes jurisprudentiels dégagés en la matière est délicate en pratique lorsqu’il s’agit de déterminer, au regard des faits d’espèce en cause, si la politique tarifaire d’une entreprise est abusive ou non.


Actualité du droit de la concurrence : 

Cet article a été publié dans notre Lettre Concurrence/Economie de mars 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Vincent Lorieul
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Paris