Home / Publications / Pratiques anticoncurrentielles des filiales à 100...

Pratiques anticoncurrentielles des filiales à 100 %. La société mère est présumée responsable

25/01/2010

Une société mère peut être tenue solidairement responsable des comportements anticoncurrentiels de ses filiales indépendamment de toute participation personnelle à l’infraction lorsqu’il est établi qu’elles ont agi sur ses instructions. Or la démonstration de cette condition s’avère particulièrement aisée en présence de filiales à 100 % : il existe alors une présomption que la mère exerce une influence déterminante sur ses filiales, présomption que les entreprises auront la plus grande difficulté à combattre.

C’est ce que vient de confirmer la CJCE le 10 septembre dernier dans un arrêt validant la condamnation solidaire de la société Akzo Nobel NV au paiement de l’amende de 20,99 millions d’euros infligée à quatre de ses filiales à 100 % pour mise en œuvre d’une entente illicite dans le secteur du chlorure de choline.

La Cour européenne a tout d’abord rappelé que le comportement anticoncurrentiel d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Dans une telle situation, la société mère et sa filiale font en effet partie d’une même unité économique et forment alors une seule entreprise, au sens du droit de la concurrence (art. 81 et 82 Traité CE).

Elle a ensuite affirmé que, dans le cas où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale, il existe une présomption simple selon laquelle cette société exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, sans qu’il soit nécessaire de produire des indices additionnels permettant de démontrer l’exercice effectif d’une influence de la mère. Cette présomption ne peut être combattue par la mère qu’en apportant au juge des éléments relatifs « aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une seule entité économique ».

Toute lecture optimiste de l’arrêt Stora du 16 novembre 2000 se trouve ainsi condamnée. Pour contester sa condamnation, la société Akzo Nobel BV s’était en effet prévalu de ce que dans cette décision la CJCE, pour établir la responsabilité de la société mère, avait retenu outre la détention de 100 % du capital de la filiale auteur de l’infraction d’autres circonstances, telles que l’absence de contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative. La réponse de la CJCE est claire : de telles circonstances n’ont été relevées par la Cour que dans le but d’exposer l’ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement et non pas pour subordonner la mise en œuvre de la présomption d’exercice d’une influence déterminante à la production d’indices supplémentaires relatifs à l’exercice effectif de cette influence.

En pratique, s’il suffit à la Commission européenne pour faire jouer la présomption de responsabilité de la société mère de démonter que celle-ci détient la totalité du capital de la filiale auteur de l’infraction poursuivie, les sociétés mères vont éprouver les plus grandes difficultés pour réussir à renverser cette présomption. Elles ne pourront pas se contenter de démontrer l’absence d’influence exercée sur la politique commerciale stricto sensu de leurs filiales : la preuve de l’autonomie de ces dernières suppose en outre l’existence de liens organisationnels, économiques et juridiques entre la société mère et sa filiale propres à attester qu’elles ne constituent pas une seule entité économique.


par Elisabeth Flaicher-Maneval, Avocat
Article paru dans la revue Option Finance du 9 novembre 2009