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Principe d'affectation générale des créances en compte courant : comment y déroger ?

25/09/2012


La principale, et sans doute unique, différence entre le compte courant et le compte de dépôt réside en ce que les parties sont convenues de régler par l'intermédiaire du compte courant les créances et dettes réciproques appelées à naître de leur relation d'affaire ou d'une série d'opérations précisément définies, par exemple celles se rattachant à une ouverture de crédit.

Ce faisant, la convention de compte courant déroge, implicitement, à une règle de droit commun relative à l'imputation des paiements. En effet, l'article 1253 du Code civil dispose que « le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter ».

A l'inverse de cette règle, la créance dont le client demande l'inscription en compte courant va se fondre dans le solde du compte et servir ainsi à acquitter l'ensemble des dettes dont il est redevable à l'égard de la banque. On admet que le client ne peut, en principe, s'opposer à l'inclusion d'une créance dans le compte pour en demander un règlement direct. La faculté d'exclure unilatéralement telle ou telle créance serait incompatible avec l'existence du compte courant.

Ceci étant, ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire ou le nuancer. Elles peuvent décider d'affecter telle ou telle somme à une autre destination, par exemple convenir qu'une créance n'entrera pas en compte mais servira à libérer une augmen tation de capital à laquelle souscrit le titulaire du compte. Mais dans quelles conditions est-il possible de déroger au principe d'affectation générale ?

La Cour de cassation vient d'apporter une importante précision (arrêt du 3 juillet 2012). Au cas particulier, la banque avait consenti un prêt à une société titulaire d'un compte courant. Cette société reçoit de l'un de ses clients, en paiement de prestations, un virement de 90 000 euros.

Quelques jours après réception de cette somme sur son compte, la société prétendant que le virement avait été réalisé par erreur et souhaitant que celui-ci soit domicilié sur un autre compte (sans doute d'une autre banque) exige que les fonds soient restitués ; ce que la banque refuse.

La société demande alors que la somme en question soit affectée, pour une part, au remboursement de l'échéance de prêt et, pour une autre part, à la réduction du solde débiteur du compte courant. Ce que la banque, qui avait entre-temps clôturé le compte, refuse également.

La question était alors de savoir si la banque avait commis une faute en ne respectant pas la volonté de son client. La Cour de cassation exonère totalement la banque. Elle affirme que « si les parties peuvent déroger au principe de l'affectation géné rale des créances en compte courant, c'est à la condition que la demande d'affectation spéciale soit formulée avant l'entrée en compte de la créance considérée ». Or, les deux demandes étaient intervenues postérieurement à l'inscription en compte de la créance litigieuse.

La solution est parfaitement logique au regard du principe sur lequel repose le mécanisme du compte courant. Elle appelle toutefois une nuance. La Cour de cassation semble suggérer que seul le caractère tardif de la demande rend celle-ci inopérante. Mais il semble que, sauf stipulation particulière de la convention de compte, la demande d'affectation spéciale aurait nécessité l'accord de la banque. Au fond, l'existence du compte courant évince la règle de l'article 1253 du Code civil :l e choix d'une imputation spéciale, autre que la fusion dans le solde du compte, ne peut être imposé unilatéralement. Ni par le client, ni par la banque.


Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 24 septembre 2012

Auteurs

Portrait deArnaud Reygrobellet
Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris