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Procédure de sauvegarde : du nouveau !

09/05/2011


C'est peu dire que la position de la Cour de cassation dans l'affaire « Coeur Défense » était particulièrement attendue.

En censurant le 8 mars dernier la cour d'appel de Paris, elle apporte des éclaircissements particulièrement opportuns sur la procédure de sauvegarde des entreprises.

Pour mémoire, la SAS Hold qui a pour objet « la détention, la gestion et l'exploitation d'un ensemble immobilier » a souscrit deux emprunts, en vue de financer l'acquisition de l'ensemble immobilier « Coeur Défense ». Ces emprunts étaient notamment garantis par un nantissement consenti par la SARL Dame Luxembourg sur les actions que celle-ci détenait dans son capital. La créance de prêt avait ensuite été cédée par la banque prêteuse à un fonds commun de titrisation (FCT) représenté par la SA Eurotitrisation. Les contrats de prêts stipulaient l'obligation pour la SAS Hold de souscrire deux contrats de couverture des risques. Ces contrats ont été souscrits auprès des sociétés Lehman Brothers Inc. et Lehman Brothers International .

Cependant, à la suite de la faillite de ces deux sociétés, la SA Eurotitrisation a exigé le remplacement des contrats de couverture de risques. La SAS Hold a répondu qu'il lui était financièrement impossible d'accéder à cette demande en raison de la conjoncture économique alors constatée. Devant la menace du gestionnaire du FCT de mettre en oeuvre la sanction contractuelle de déchéance du terme, ce qui aurait provoqué l'exigibilité immédiate du remboursement des prêts et donc une situation de cessation des paiements, la SAS Hold et, dans son sillage la SARL Dame Luxembourg, ont saisi le tribunal de commerce de Paris de deux demandes d'ouverture de procédures de sauvegarde.

Le 3 novembre 2008, le tribunal de commerce de Paris a ouvert deux procédures de sauvegarde en leur faveur. Il a ensuite déclaré recevable la tierce opposition de la SA Eurotitrisation, sans rétracter les jugements d'ouverture. Le 25 février 2010, la cour d'appel de Paris a, elle aussi, déclaré recevable la tierce opposition, mais a rétracté le jugement d'ouverture des sauvegardes.

La Cour de cassation vient d'accueillir favorablement le pourvoi formé contre cet arrêt par les débitrices.

En premier lieu, la tierce opposition formée par le créancier est déclarée recevable. Selon la Cour, dès lors que ce créancier peut voir remis en cause, par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, des engagements contractuels dont il bénéficie, il peut valablement former tierce opposition à ce jugement, ces éléments constituant des moyens qui lui sont propres (C. pr. civ.art. 583 al. 2 et C. com. art. L.661-2).

Ensuite, la Cour se livre à une appréciation extensive des conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde. Elle admet que cette procédure puisse permettre à un débiteur d'échapper à ses obligations contractuelles dès lorsque les conditions légales de son ouverture sont satisfaites, sauf en cas de fraude.

Enfin, la Cour confirme une approche extensive de la notion de difficultés insurmontables en ne la restreignant pas à l'activité principale du débiteur. Au contraire, elle admet que les difficultés rencontrées par un débiteur puissent justifier l'ouverture d'une sauvegarde quand bien même elles ne concerneraient pas le coeur de son activité. Tel était le cas en l'espèce.


Par Isabelle Buffard-Bastide, avocat associé

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 28 mars 2011