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Retrait d’une autorisation de concentration : conformité à la Constitution

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 19 novembre 2012

19/11/2012


Lorsqu’elles risquent de produire des effets anticoncurrentiels, les opérations de concentration peuvent néanmoins être autorisées sous la condition du respect d’engagements comportementaux ou structurels souscrits par les entreprises ou d’injonctions du même type imposées par l’Autorité de la concurrence (ADLC), visant à remédier à de tels effets. En cas de non-exécution de ces mesures dans les délais impartis, l’ADLC peut enjoindre aux parties à l’opération de s’y conformer sous astreinte ou décider de retirer l’autorisation précédemment donnée. Dans ce dernier cas, à moins de revenir à l’état antérieur (ce qui en pratique est illusoire), les entreprises doivent procéder à une nouvelle notification de l’opération (art. L. 430-8, IV C. com.).

En septembre 2011, l’ADLC avait ainsi retiré l’autorisation donnée en 2006 par le ministre de l’Economie à l’acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus pour non-respect par ces derniers de 10 des 59 engagements qu’ils avaient pris. Dans le cadre du recours en annulation exercé contre cette décision, les deux entreprises ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de ce pouvoir de retrait d’autorisation accordé à l’ADLC au principe de la liberté d’entreprendre garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel vient de juger que les dispositions relatives aux pouvoirs de sanction de l’ADLC sont conformes à la Constitution car elles ne portent pas à la liberté d’entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par le législateur de préservation de l’ordre public économique. En effet, les pouvoirs impartis à l’ADLC tendent à assurer le respect effectif des engagements dont sont assorties les autorisations de concentration. Pour le Conseil, si l’ADLC ne pouvait prononcer que des sanctions pécuniaires (ce qu’elle peut faire à titre de sanction complémentaire) ou enjoindre sous astreinte d’exécuter les obligations non exécutées, l’entreprise pourrait se libérer de ses engagements en payant les pénalités financières. Par ailleurs, des garanties procédurales propres sont données : les pouvoirs de sanctions ne peuvent être exercés qu’en cas d’inexécution des engagements dans les délais fixés et sous réserve du délai de prescription quinquennale fixé par le législateur ; il appartient également au juge, saisi d’un recours contre une décision de l’Autorité, de s’assurer du bien-fondé de la décision infligeant une sanction. Ce qu’il reviendra au Conseil d’Etat d’apprécier dans le présent litige.

Proposer des engagements pour voir autoriser une opération de concentration est donc loin d’être anodin. Les entreprises doivent s’assurer qu’elles seront bien en mesure de les exécuter dans les délais impartis car, à défaut, elles ne peuvent exclure un retrait d’autorisation emportant en pratique obligation de re-notifier l’opération. Celle-ci sera alors examinée au regard des nouvelles conditions de marché qui auront pu sensiblement évoluer depuis l’autorisation initiale, avec à la clef le risque – avéré dans le dossier Canal Plus – de se voir imposer des injonctions plus importantes que les engagements qu’elles auraient acceptés de prendre à l’origine.

Auteurs

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris