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Sifflet de fin de partie pour l'arbitragiste audacieux

Bruno Zabala, Avocat

18/12/2008

Quelques jours avant la décision de l'AMF emportant interdiction des transactions non sécurisées et exigence de transparence des positions courtes sur certains titres du secteur financier, la Commission des sanctions a rendu le 4 septembre 2008 une décision importante rappelant qu'un dépassement du délai de livraison d'instruments financiers expose à une sanction disciplinaire.

En l'espèce, un avertissement et une sanction pécuniaire ont été prononcés à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement - pour un montant de 300 000 euros - ainsi que de trois de ses collaborateurs principalement pour avoir vendu à découvert des volumes importants de titres Eurodisney, dans le cadre d'une opération d'arbitrage pour compte propre sans avoir pu procéder à leur livraison dans le délai de trois jours prévu par la réglementation française.

La Commission des sanctions indique "qu'en raison de son incidence sur la fluidité et l'intégrité du marché, un manquement relatif à un dépassement du délai de livraison provoqué par la prise de positions vendeuses en dépit de l'absence de l'assurance raisonnable de pouvoir procéder à la livraison en temps voulu des instruments financiers correspondants, revêt un caractère particulier de gravité".

Si l'activité d'arbitrage peut se solder par un défaut de livraison en raison de circonstances de marchés imprévisibles, il est apparu à la formation de jugement au terme d'une appréciation in concerto que les opérations effectuées résultaient de prises de positions répétées et accrues alors même que la situation du marché du prêt-emprunt du titre en cause compromettait les chances raisonnables de la banque de livrer les titres à la date prévue.

Autrement dit, se trouve sanctionnée non la vente à découvert en elle-même mais la persistance à vendre à découvert en toute connaissance du niveau inhabituellement élevé de risque de défaut de livraison à l'échéance.

La Commission indique avoir fait preuve d'une relative clémence au regard des montants engagés et de la gravité des effets sur la liquidité du marché en raison du fait que "la portée exacte de la règle relative au délai de livraison et la combinaison de celle-ci avec les dispositions relatives à la procédure de dénouement forcé des transactions pouvaient [jusqu'à cette décision du 4 septembre 2008] ne pas apparaître pleinement".

A cet effet, il convient de distinguer deux règles d'origines et de finalités différentes : de première part, les règles organisant les relations entre la chambre de compensation (LCH. Clearnet) et ses adhérents stipulent qu'en l'absence de livraison, une procédure de rachat forcé peut être engagée par la chambre de compensation dans le délai de sept jours suivant la date de dénouement théorique. Bien qu'approuvées par l'AMF ces règles de fonctionnement ont été considérées comme de nature (purement) conventionnelle aux yeux d'un régulateur qui ne souhaite pas les attraire dans son champs répressif, pourl'instant en tout cas.

De seconde part, le Règlement général de l'AMF pose, par renvoi aux règles de la chambre de compensation et dans l'intérêt du marché, pour en préserver la fluidité et prévenir les suspens, une obligation de livraison des titres au comptant dans les trois jours de la date de négociation. En indiquant qu'un dépassement du délai de livraison est susceptible de caractériser un manquement disciplinaire alors même que les conditions de la procédure de rachat forcée ne seraient pas satisfaites, la décision énonce l'autonomie de l'obligation de livraison à J+3.

Elle en déduit son inlusion dans la sphère des règles de bonne conduite des prestataires soumises à son contrôle et dont le non-respect peut donner lieu à une sanction disciplinaire.

Décision de la Commission des sanctions de l'AMF du 4 septembre 2008 à l'égard de la Banque d'Orsay et de MM. E.D. ; G.L.C. et P.A.


Article paru dans la revue Option Finance du 20 octobre 2008

Auteurs

Bruno Zabala
Avocat