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Titres issus d'un plan de stock options: comment donner sans abuser?

28/11/2006

La position de l'administration a connu sur ce point une évolution récente.
Un premier repli avait été annoncé par les représentants de la DLF devant l'IACF, en date du 12 mai 2004, trouvant sa confirmation concrète dans des courriers de la Sous Direction du Contentieux à notre cabinet, aux termes desquels "seule une cession à titre onéreux constitue le fait générateur de l'imposition d'une part, de l'avantage tiré de la levée de l'option et d'autre part, de la plus-value de cession".
La réponse ministérielle Chartier (JOAN 25 avril 2006, p. 4424, n° 6416), commentée dans ces colonnes (cf Option Finance du 22 mai), non seulement officialise l'analyse ci-dessus, concernant le fait générateur de l'imposition, mais reconnaît par ailleurs que la donation de titres issus de la levée d'options immunise définitivement la plus-value d'acquisition afférente aux titres transmis.
Si cette réponse n'est pas dénuée d'ambiguïtés sur d'autres points, on ne peut néanmoins que se réjouir de voir, enfin, la sécurité du contribuable confortée quant aux effets d'une donation sur la plus-value d'acquisition. La problématique du délai de revente des titres reçus par donation renvoie au débat, plus large, sur les "donations cessions".
Il ressort, sur ce point, d'une prolifique jurisprudence et de multiples avis du CCRAD que, dès lors que la vente est postérieure à la donation, aucune restriction n'est opposable en termes de délais. Ainsi les tribunaux1 (et le CCRAD) se refusent-ils, pour autant que le donataire conserve le produit de la vente, à censurer des séquences très rapides de donations suivies de cessions. Outre l'intérêt, rappelé ci-dessus, lié à la purge de la plus-value d'acquisition, cette forme de donation présente deux avantages spécifiques: l'un au regard de l'assiette des droits de mutation, l'autre en matière de plus-value. 
Ce cumul d'avantages doit-il rendre l'opération suspecte, comme le laisse penser l'émoi récemment formulé par la presse généraliste à l'égard d'une opération de transmission initiée par le dirigeant d'une société du CAC 40? 
Nous ne le pensons pas. 
Sous réserve du respect d'un certain nombre de conditions, cette donation semble exempte de tout grief, présenterait-elle au plan fiscal -pour reprendre une formule qui relève du langage commun- un "triple effet kiss cool". Depuis le 1er janvier 2005, les dettes contractées par le donateur pour l'acquisition des biens objet de la donation, qui sont mises à la charge du donataire dans l'acte de donation et dont la prise en charge par le donataire est notifiée au créancier sont, sous certaines conditions, déductibles de l'assiette des droits de donation.
Cette faculté résulte de l'article 15 de la loi de finances pour 2005, codifié à l'article 776 bis du CGI:
«I. Les dettes qui ont été contractées par le donateur pour l'acquisition ou dans l'intérêt des biens objets de la donation, qui sont mises à la charge du donataire dans l'acte de donation, et dont la prise en charge par le donataire est notifiée au créancier, sont déduites pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit , lorsque la donation porte sur : (...) 
b. des biens autres (tels que des actions) que ceux mentionnés au a, sous réserve que la dette soit contractée auprès d'une personne mentionnée au Titre I du Livre V du Code monétaire et financier (i.e. un établissement de crédit). 
II. Le bénéfice de la déduction mentionnée au I est subordonné à la condition que le donataire démontre qu'il a supporté le paiement effectif des dettes mises à sa charge, sans que cette démonstration puisse être requise par l'administration au-delà de la troisième année suivant celle de leur échéance telle qu'elle est mentionnée dans l'acte de donation.» 
Les dispositions de l'article 776 bis jouent sans restriction au cas particulier d'une donation de titres issus de stock options avec transfert de la charge de l'emprunt:

  • tant que le prêt transmis n'excède pas la valeur des titres au jour de la donation, le droit civil autorise à considérer l'opération comme une véritable donation
  • l'établissement bancaire doit être partie à l'acte de donation pour donner son accord exprès à la transmission de la dette.

Une première question est de savoir si l'existence d'une charge est susceptible de pousser l'administration à considérer que le donateur aurait, non pas donné le bien en bloc, mais l'aurait cédé à titre onéreux à hauteur de la charge transmise ou encore, plus radicalement, l'aurait cédé en bloc pour un prix représenté par le montant de la charge attachée.
Une telle analyse ne saurait prospérer, car les textes régissant l'imposition des plus-values (CGI art. 150-0A pour les titres) ne visent que les opérations qualifiées de cessions à titre onéreux, ce que ne sont pas, du point de vue fiscal, les donations, même consenties avec charge. Pour l'application de ce texte, l'administration n'a jamais requalifié une acte de donation en une cession à titre onéreux.
On relève au demeurant, à l'analyse de l'instruction du 27 juillet 2006 (7 G-7-06), commentant l'article 776 bis du CGI, que l'administration (appréciant les conséquences d'une donation avec charge sur l'imposition des plus-values de cession ultérieure des titres reçus) n'envisage nullement d'imposer le donateur au titre d'une quelconque "plus-value".
Commentant en revanche la situation du donataire, l'instruction précise que pour l'application du I de l'article 150-0D du CGI, lorsque les titres ont été acquis par le contribuable par voie de donation avec prise en charge des dettes satisfaisant aux conditions prévues à l'article 776 bis du CGI, le gain de cession est déterminé en retenant comme prix de revient la valeur vénale des biens (titres) transmis telle que prise en compte pour asseoir les droits de donation, avant déduction du montant des dettes. Et l'administration de préciser que la circonstance que les dettes soient déductibles de l'assiette des droits de donation est donc sans incidence sur la valeur d'acquisition à retenir pour la détermination du gain de cession.
Par cette analyse (conforme à celle que nous avons toujours soutenue), la logique rejoint le droit: la charge transmise exerce un effet réducteur non seulement sur le montant des droits de mutation frappant la donation, mais aussi sur l'enrichissement procuré au donataire par cette opération. Si la réduction obtenue sur les droits (CGI art. 776 bis) devait concourir à la naissance d'une plus-value, celle-ci serait, à rebours de toute logique, d'autant plus forte que l'enrichissement du cédant aura été faible!
A la lumière des avantages fiscaux qui s'attachent à une donation (assortie de la charge de l'emprunt) de titres issus de stock options, il est réaliste de penser que ce type d'opération sera étroitement surveillé par l'administration. On ne peut exclure, en cas d'apurement de l'emprunt bancaire à la faveur d'une cession réalisée peu après la donation, que l'administration ne prétende que le transfert de la charge n'aurait été que simulé, à l'instar de la donation des titres dont la vente aura permis de faire disparaître cette charge.
Un tel grief pourrait s'articuler sur une requalification des opérations liée aux circonstances de fait entourant leur ordonnancement, ou sur le fondement de la théorie de l'abus de droit.
De notre point de vue, il ne saurait raisonnablement prospérer, pour autant que:

  • la réalité de la dette soit incontestable (ce point ne devant pas soulever de difficulté majeure, s'agissant d'une dette bancaire visée à l'acte)
  • ses caractéristiques soient conformes aux pratiques du marché (en termes notamment de durée, de taux, de garantie...)
  • que les modalités de réalisation des opérations n'insinuent pas le doute sur leur réalité et l'ordre effectif de leur exécution.

Au delà de ces considérations générales, il conviendra de prêter une attention toute particulière aux caractéristiques de l'emprunt et de son remboursement, ainsi qu'aux impératifs financiers (règlement des droits de donation, service de l'emprunt, etc...) de nature à justifier la cession rapide des titres reçus.
Le contribuable non satisfait des multiples avantages attachés à la solution envisagée, pourra encore doser la donation (le cas échéant en démembrement), afin d'optimiser l'imputation du stock de moins-values dont il est le cas échéant titulaire, sur la plus-value d'acquisition recelée par la fraction des titres non transmis. 
1 TA Orléans 10 septembre 2002, n°99-2109; TA Nice 26 novembre 2002, n°98-4015; TA Toulouse 21 mai 2002, n°97-1328

Article paru dans la revue Option Finance du 2 octobre 2006

Authors:
Olivier de Saint Chaffray, Avocat Associé