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Un seuil de caducité automatique en offre publique ?

27/08/2012

L'idée d'imposer un seuil dit de caducité en deçà duquel l'initiateur infructueux d'une offre publique volontaire verrait son offre frappée de caducité n'est pas nouvelle.

Elle doit se comprendre, en premier lieu, comme la garantie stipulée en faveur des actionnaires (et plus généralement du marché) que l'offre qui leur est faite ne pourra se concrétiser que par une prise de contrôle de l'émetteur par l'initiateur ou, à défaut, par le maintien de la situation actionnariale préexistante à l'offre. En cela, elle contribue au respect des principes directeurs des offres publiques notamment de transparence et d'intégrité.

En second lieu, elle constitue la sanction inhérente d'un initiateur qui ne réussirait pas à convaincre les actionnaires d'un émetteur dont il poursuit la prise de contrôle. Il s'en déduit son caractère automatique à la publication des résultats de l'offre. Ce mécanisme est ainsi de nature à inciter l'initiateur à proposer un prix comportant une prime de contrôle élevée à même de convaincre une majorité d'actionnaires dans un cadre, celui des offres volontaires, où le régulateur n'exerce pas de contrôle véritable du prix offert.

En troisième lieu, elle amorce une démarche d'harmonisation de la réglementation nationale des offres publiques avec le modèle britannique, qui connaît depuis fort long temps un seuil de caducité fixé à 50 % et applicable tant aux offres volontaires qu'aux offres obligatoires. Le modèle outre-Manche qui, même s'il repose sur une pratique différente de la régulation financière, a le mérite de l'ancienneté et de l'expérience, doit alors faire l'objet d'une analyse approfondie avant de s'en écarter.

La récente proposition de l'AMF d'introduire un seuil de caducité automatique de 50 % à l'issue de toute offre volontaire relevant de la procédure normale s'est inscrite dans cette démarche. Son champ a été limité à la procédure normale à dessein ; la procédure simplifiée de l'offre volontaire supposant en effet un contrôle préexistant par l'initiateur de l'offre. S'agissant par ailleurs de l'offre publique obligatoire, un seuil de révocabilité n'est pas apparu adapté à l'AMF, chaque actionnaire devant pouvoir monétiser sa détention s'il le souhaite à raison du changement de contrôle intervenu ou en passe d'intervenir. Elle laissait toutefois à l'initiateur la possibilité de stipuler un seuil de renonciation supérieur à 50 % sans toutefois dépasser, conformément à la doctrine du régulateur, un seuil raisonnable (2/3) au-delà duquel le sérieux de l'offre apparaît discutable. Cette proposition a surpris. Non dans son principe qui nous paraît fondé mais davantage par
Fincomplétude de son champ d'application et des dispositifs modifiés.

Force est de constater que pour un initiateur qui franchirait à l'issue de l'offre le seuil de 30 % sans atteindre celui de 50 %, une telle réglementation n'empêcherait pas la prise de contrôle de fait sans en payer nécessairement le prix et, en l'état actuel de la loi, d'atteindre en quelques années le seuil de 50 % sous réserve de s'abstenir d'un excès de vitesse d'acquisition. Pour pallier ce risque, la réglementation britannique a fini par interdire tout accroissement de participation entre 30% et 50 % sans déclenchement d'une offre publique obligatoire. Soulignons ici qu'un alignement du cadre français nécessiterait une modification de niveau législatif.

De surcroît, étant limitée aux seules offres volontaires, elle est de nature à susciter des stratégies de contournement aisées, par exemple, en franchissant le seuil déclencheur d'offre publique obligatoire à un prix dénué de prime de contrôle (par déclaration de concert ou par achat de bloc). Là aussi, la cohérence du modèle britannique plaide davantage pour un champ unifié aux offres publiques, volontaires et obligatoires.

Bien entendu, l'automaticité d'un seuil de caducité en offre publique doit recevoir certains tempéraments. Il en va ainsi de situations d'impossibilité légale ou conventionnelle d'obtention d'une détention majoritaire qui pourraient constituer autant de cas de dérogations. Mais de façon plus prégnante encore, le sort de l'initiateur d'une offre publique obligatoire n'ayant pas atteint 50 % de droits de vote devra être déterminé. Nous sommes d'avis que, plutôt que d'attenter au droit de propriété par une obliga tion de cession de la partie excédant le seuil de 30 %, une privation de droits de vote attachés à la fraction excédentaire constituerait une sanction plus adaptée.

Là encore, le législateur devra se prononcer. Au résultat, il faut saluer la décision de l'AMF de revoir son projet et d'ouvrir une nouvelle phase de réflexion enrichie de propositions nouvelles issues de la consultation. Elle est le signe d'une régulation moderne faite de dialogue et de transparence, dont il faut se féliciter.

Auteurs

Bruno Zabala