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Vers la fin du "monopole" des dépositaires centraux d'instruments financiers ?

Arnaud Reygrobellet, Of Counsel, Professeur à l'université Paris X

18/12/2008

Depuis plusieurs d'années, les distorsions existant, au sein de l'Union européenne, entre les différents mécanismes de compensation et règlement-livraison d'instruments financiers sont pointées du doigt. La commission Giovannini avait, dès 2003, recensé trois séries d'obstacles - techniques, juridiques et fiscaux - à un fonctionnement efficient de ces mécanismes. Une des difficultés les plus délicates à résoudre réside évidemment dans l'absence d'un cadre normatif harmonisé entre les différents Etats membres. Sans parler des différences qui subsistent en matière de droit des sociétés ou de droit des titres financiers, les normes régissant l'environnement post-marché demeurent, en l'état, largement incompatibles. Ces obstacles juridiques rendent la détention transfrontalière de titres particulièrement complexe et augmentent en conséquence le coût des opérations. Ils sont également source d'incertitude pour les investisseurs lorsque ceux-ci ont à exercer leurs droits dans des opérations sur titres à l'étranger.

On comprend alors que, pour l'élaboration d'une future directive-cadre sur la compensation et le règlement-livraison de titres, la Commission européenne ait fait appel à différents groupes d'experts et, en particulier, s'agissant des problèmes juridiques, à un «groupe sur la sécurité juridique» (Legal Certainty Group). Parmi les préconisations figurant dans le deuxième avis du groupe rendu le 30 août dernier, une proposition mérite une attention particulière. La recommandation n° 15 suggère de déconnecter, d'une part, le lieu où l'émetteur est installé ainsi que le lieu d'implantation du marché sur lequel ses titres sont négociés et, d'autre part, le pays où sont localisées les infrastructures de post-négociation. Cette proposition tend donc à laisser aux émetteurs le choix de leur dépositaire central de titres ; liberté qui «renforcerait considérablement la concurrence et la possibilité de consolider les infrastructures de post-négociation».

Le paradoxe est que la directive MIF ainsi que les normes subséquentes (Code européen de bonne conduite sur la compensation et le règlement du 7 nov. 2006 ; Lignes directrices sur l'accès et l'interopérabilité du 28 juin 2007) s'attachent déjà à améliorer la situation. Spécialement, l'article 34 de la directive fait obligation aux Etats membres de garantir aux entreprises d'investissement le droit d'accéder aux infrastructures post-marché de leur choix et garantit pareillement aux membres de marché la possibilité de désigner librement leur système de règlement-livraison. Toutefois, le dispositif est, en l'état, insuffisant. D'abord, il vise principalement les teneurs de comptes, alors que, pour garantir une réelle concurrence entre les prestataires, il importe de donner aux émetteurs eux-mêmes la possibilité de déterminer le lieu de localisation de leurs titres. Ensuite, l'intégration européenne des infrastructures post-marché restera nécessairement incomplète tant que certains Etats - ce n'est pas le cas de la France - pourront imposer que les titres émis par des sociétés localisées sur leur territoire soient conservés par des entités également localisées sur ce territoire. La possibilité, admise par la directive, de mettre en place des liens entre infrastructures maintiendra fatalement les différences entre systèmes empêchant une véritable mise en concurrence.

Il apparaît donc nécessaire d'aller au-delà et d'affirmer véritablement le principe du libre choix, par les émetteurs, de leur dépositaire central de titres. La Commission a accueilli favorablement la proposition.

Article paru dans la revue Option Finance le 10 novembre 2008

Auteurs

Arnaud Reygrobellet
Of Counsel