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Loi DADUE : Volet Consommation

La loi DADUE comporte un certain nombre de dispositions intéressant les relations professionnels/consommateurs

14/01/2021

La loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (UE) en matière économique et financière (loi DADUE) comporte un certain nombre de dispositions intéressant les relations professionnels/consommateurs :

• les unes visent à habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnances plusieurs directives européennes ;
• les autres doivent permettre l’application effective de certains règlements européens.

Nous vous signalons ci-après les principales incidences pour les entreprises.

Contrats de vente de biens et contrats de fourniture de contenus et de services numériques (art. 1er)

Le Gouvernement est autorisé à transposer par voie d’ordonnances, d’ici le 4 octobre 2021, les directives (UE) 2019/771 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens et 2019/770 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

Pour mémoire, le premier de ces textes tend à moderniser et à renforcer la portée de la garantie légale de conformité (d’une durée minimale de deux ans) en l’étendant et en l’adaptant aux contrats de vente de biens meubles corporels comportant des éléments numériques (comme les objets connectés). Le second instaure un régime analogue à la garantie de conformité des biens physiques pour les contenus (musique, vidéos en ligne) et services numériques (stockages dans le cloud) ne relevant pas du contrat de vente d’un bien. Les deux textes sont d’harmonisation maximale atténuée (sur certains points les Etats membres sont autorisés à aller au-delà, notamment pour maintenir un niveau de protection plus élevé existant) ; ils s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022.

Voir notre flash dédié aux nouvelles directives sur la garantie légale de conformité.

Protection des consommateurs (art. 2)

Le Gouvernement devra transposer en droit interne, d’ici le 4 février 2022, pour une application à compter du 28 mai 2022, la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs (directive Omnibus).

La directive Omnibus modifie les quatre directives suivantes : la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ; la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs ; la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats ; la directive 98/6/CE relative à l’indication des prix.

La directive Omnibus entend améliorer la protection des consommateurs, essentiellement par :

• une harmonisation et un renforcement des sanctions notamment pour les clauses reconnues abusives par le juge (amendes civiles), les manquements à l’encadrement des annonces de réductions de prix (amendes administratives) et pour les infractions affectant plusieurs Etats membres de l’UE et de nombreux consommateurs (« infraction de grande ampleur » sanctionnable à hauteur d’au moins 4 % du chiffre d’affaires de la société ou de 2 millions d’euros lorsque les informations relatives au chiffre d’affaires ne sont pas disponibles) ;  

• une transparence accrue des annonces de réduction de prix (indication du « prix antérieur », défini comme le prix le plus bas appliqué par le professionnel au cours d’une période minimale de trente jours précédant l’application de la réduction de prix) ;
• un renforcement de la lutte contre les faux avis en ligne, en qualifiant de pratique commerciale trompeuse notamment le fait d’affirmer que les avis postés sur un produit émanent de consommateurs ayant utilisé ou acheté le produit sans avoir pris des mesures raisonnables et proportionnées pour le vérifier ;
• la possibilité d’encadrer plus strictement les visites non sollicitées au domicile d’un consommateur par un professionnel ;
• des mesures pour mieux lutter contre les différences de qualité de produits de consommation vendus au sein de l’UE sous une même marque (aménagement sur ce point des règles interdisant les pratiques commerciales trompeuses) ;
• de nouvelles obligations d’information des consommateurs imposées aux plateformes en ligne (notamment principaux paramètres de classement des offres et indication de la qualité du cocontractant, professionnel ou non-professionnel).  

Sanctions du géoblocage (art. 3 et 4)

La loi DADUE met en conformité le droit national avec le règlement (UE) 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients (consommateurs et professionnels) au sein de l’UE. Elle étend par ailleurs ce dispositif d’interdiction aux pratiques de géoblocage mises en œuvre sur le seul territoire national, mais en le limitant aux pratiques visant des consommateurs.

Les nouvelles dispositions sont applicables depuis le 5 décembre 2020.

Géoblocage intra-européen (art. 3). La loi DADUE vise à répondre à une mise en demeure de la Commission européenne adressée à la France le 26 juillet 2019 (2019/2195) par la création, dans le Code de la consommation, d’un régime de sanctions administratives et d’une habilitation expresse des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGGCRF) pour en contrôler l’application.

Bien que d’application directe, le règlement entré en vigueur le 3 décembre 2018 laissait aux Etats membres le soin de prendre certaines mesures garantissant son effectivité (désignation des organismes en charge du contrôle de son application et détermination des sanctions applicables aux manquements) ; ce que la France avait omis de faire.

Pour rappel, afin de favoriser le commerce électronique au sein de l’UE, le règlement 2018/302 interdit, sans possibilité de justification, les discriminations directes ou indirectes suivantes :

• accès aux interfaces en ligne : blocage, limitation de l’accès ou redirection du client sans son accord vers une autre version du site, sauf pour se conformer à une exigence légale applicable aux activités du professionnel ;
• accès aux biens et aux services : application de conditions générales d’accès aux biens ou aux services discriminatoires lorsque le client cherche à acheter des biens livrés dans un Etat membre vers lequel la livraison est proposée ou retirables dans un lieu convenu, si cette option est prévue, à obtenir des services fournis par voie électronique (sauf services permettant l’accès à des contenus protégés par le droit d’auteur) ou à obtenir des services sur le territoire d’un État membre dans lequel le professionnel exerce son activité ;
• motifs liés aux moyen de paiement : discriminations liées aux moyens de paiement lorsque celui-ci est réalisé par voie électronique, par virement, prélèvement ou utilisation d’un instrument de paiement lié à une carte au sein de la même marque et catégorie de paiement.

Pour plus de précisions sur ces interdictions, voir notre article dédié

Le non-respect de ces interdictions est désormais passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale (art. L.132-24-1 nouveau C. cons.).

La recherche et la constatation des infractions sont confiées aux agents de la DGCCRF (art. L.511-7, 25° nouveau C. cons.).

Géoblocage interne (art. 4). Alors que le règlement 2018/302 exclut de son champ d’application les situations purement internes à un Etat membre, la loi DADUE étend l’interdiction du géoblocage injustifié aux pratiques mises en œuvre exclusivement sur le territoire français.

Cette extension, applicable à l’ensemble du territoire national, tient compte d’une recommandation de l’Autorité de la concurrence invitant à renforcer la protection des consommateurs des territoires ultramarins face à de possibles pratiques discriminatoires de la part de professionnels installés en métropole (avis ADLC n°19-A-12 du 4-7-2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en outre-mer).

Les pratiques interdites à l’échelon national sont quasiment identiques à celles visées par le règlement européen (art. L.121-23 nouveau C. cons.). Elles sont constatées et sanctionnées de la même manière (art. L.511- 5 modifié et art. L.132-24-2 nouveau C. cons.).

Mais contrairement au règlement européen, le bénéfice de cette protection est réservé aux consommateurs et non pas au « client », notion pouvant faire référence au consommateur ou au professionnel lorsqu’il acquiert un bien ou un service dans le but unique de son utilisation finale. 

Extension des pouvoirs de la DGCCRF (art. 5 et 7)

La loi DADUE étend les pouvoirs de la DGCCRF à plusieurs égards.

Contenus illicites en ligne (art. 5). Afin de mettre en conformité le droit français avec plusieurs règlements européens, la loi DADUE dote la DGCCRF de nouveaux moyens d’actions pour lutter contre les pratiques illégales en ligne.

La DGCCRF voit ses pouvoirs généraux d’injonction étendus aux situations de contenus illicites relevés sur une interface en ligne.

Une interface en ligne s’entend de tout logiciel, y compris un site Internet, une partie de site Internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose (art. L.521-3-1 nouveau C. cons.).

Lorsque ses enquêteurs constatent sur une telle interface une infraction portant atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ou un manquement aux règles relatives à la sécurité des produits, la DGCCRF peut prendre, si l’auteur de la pratique ne peut pas être identifié ou s’il n’a pas déféré aux injonctions de mise en conformité prises en application des articles L.521-1 et L.521-2 du Code de la consommation, les deux types de mesures suivantes (art. L.521-3-1 nouveau C. cons.) :

1°) quelle que soit la gravité de l’infraction, ordonner aux opérateurs de plateformes, aux fournisseurs d’accès à Internet ou aux personnes exploitant des logiciels permettant d'accéder à une interface en ligne l'affichage d'un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu'ils accèdent au contenu manifestement illicite ;

2°) pour les infractions passibles d'une peine d’emprisonnement minimale de deux ans et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs :

• notifier aux opérateurs de plateformes en vue de leur 
déréférencement les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites ;
• notifier ces mêmes adresses aux opérateurs de plateformes, aux fournisseurs d’accès à Internet ou aux hébergeurs afin qu'ils prennent toute mesure utile destinée à en limiter l'accès ;
• ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de noms de domaine de prendre une mesure de blocage d'un nom de domaine, d'une durée maximale de trois mois. Cette mesure sera renouvelable une fois, avant la suppression ou le transfert du nom de domaine à l'autorité compétente si l’infraction persiste.

Ces mesures doivent être mises en œuvre dans un délai minimal de 48 heures, fixé par la DGCCRF.

Le non-respect des mesures ordonnées ou devant être appliquées aux adresses électroniques notifiées est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende pénale de 250 000 euros (1 250 000 euros pour les personnes morales déclarées pénalement responsables) (art. L.532-5 nouveau C. cons.).

Non-respect d’un accord transactionnel (art. 5). La loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 a institué une procédure de transaction administrative en droit de la consommation qui permet à la DGCCRF, en même temps qu'elle informe par écrit le professionnel concerné de la sanction envisagée à son encontre pour manquement au Code de la consommation ou inexécution d’une injonction, de lui adresser une proposition de transaction ; celle-ci indique le montant de la somme à verser au Trésor (art. L.552-9-1 al. 1 et 2 C. cons).

Désormais, la DGGCRF peut reprendre la procédure de sanction classique non seulement en l'absence d'accord mais aussi en cas de non-versement au Trésor du montant prévu (art. L.552-9-1 al. 5 modifié C. cons).

Contrôles de conformité des produits non alimentaires (art. 7). La loi DADUE adapte le Code de la consommation, pour tenir compte de l’entrée en vigueur du règlement n° 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits. Elle dote ainsi la DGCCRF de nouveaux pouvoirs en matière de sécurité des produits non alimentaires soumis aux règlements et directives d’harmonisation listés à l’annexe I du règlement.

Désormais, les agents de la DGCCRF ont compétence pour rechercher et constater les manquements à ces dispositions (art. L.511-12, 5° nouveau C. cons.).

Ils sont également habilités à communiquer spontanément les informations et documents détenus ou recueillis dans l'exercice de leurs missions à la Commission européenne ou aux autorités des autres Etats membres de l'UE compétentes pour contrôler la conformité des produits à l'obligation générale de sécurité ou aux exigences des législations figurant à l'annexe I du règlement 2019/1020 (art. L.512-20, 3° modifié C. cons.).

Cette possibilité existait déjà en matière de sécurité et conformité des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux.

La loi DADUE prévoit par ailleurs que le secret de l’enquête ou de l’instruction (art. 11 du Code de procédure pénale) et le secret professionnel ne font pas obstacle à la notification aux plateformes en ligne, par la DGCCRF, d’informations relatives à un contenu illicite (art. L.512-22 nouveau C. cons).


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