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Serious Games juridiques

« Joue et tu deviendras sérieux »*

07/11/2019

Apprendre et exercer le droit avec le jeu, une alternative supplémentaire à la formation des juristes ? Retour sur la thèse défendue lors de la première édition de la Legal Games Week, à laquelle CMS Francis Lefebvre Avocats a participé.

Intérêt de l’approche

L’organisation de la première Legal Games Week le 20 septembre 2019 dans les locaux de l’école des avocats du Grand Est (ERAGE) à Strasbourg, en partenariat avec l’association Open Law* Le Droit ouvert, était l’occasion de réunir des étudiants et des professionnels du droit afin de leur faire découvrir des initiatives mêlant innovation pédagogique et monde juridique. Cet évènement a notamment posé la question de l’intégration du jeu dans l’univers du droit.

Si le concept de « serious games », ces jeux dont la fonction dépasse le simple divertissement, n’a rien de neuf, ses applications juridiques interrogent la pertinence d’une possible ludification (gamification) du droit, c’est-à-dire de l’usage du jeu dans l’enseignement de la matière, mais aussi dans la pratique professionnelle. Plusieurs secteurs allant du marketing au recrutement, en passant par l'évaluation professionnelle ou les estimations de biens ou de prestations, proposent en effet ce genre d’exercice. Pour convaincre de l’intérêt de cette approche, une série d’intervenants se sont d’abord penchés sur les fondamentaux de l’apprentissage, avant d’étayer leur propos avec plusieurs illustrations pratiques.

L’optimisation de l’apprentissage par le jeu

Scénariser et animer l’apprentissage du droit offre une piste nouvelle pour capter l’attention des étudiants, toujours plus sollicités par les écrans, et parfois rétifs aux cours magistraux. A cet égard, certains chercheurs en neurosciences soutiennent que l’utilisation d’outils ludiques est susceptible d’offrir une nouvelle façon d’enseigner et d’apprendre le droit, et surtout d’en mémoriser les subtilités sur le long terme.

Comment apprend-on ? Quatre piliers ont été identifiés par les chercheurs : l’Attention, qui doit être ciblée pour être efficace, l’Engagement, qui nécessite d’être actif (le principe des jeux vidéo est calqué sur ce besoin d’engagement : on apprend au fur et à mesure du jeu de nouvelles fonctionnalités – déplacements, actions, âges – pour avancer), le Feedback, qui requiert d’être testé et de corriger ses erreurs et la Consolidation, qui postule d’apprendre sur le long terme.

Or, il ressort du constat généralement observé par les intervenants une absence de « Feedback » dans les milieux universitaires, l’étudiant étant trop rarement testé, le privant ainsi de la possibilité de mettre en pratique ses acquis. Il y aurait ainsi un déficit dans la formation actuelle au niveau de ce Feedback. Le défaut de mise en situation laisse alors place à une « illusion de maîtrise », qui correspond à ce que l’on pense avoir retenu d’un cours magistral. C’est tout l’intérêt des jeux utilisant l'informatique cognitive de justement apporter ce Feedback descriptif.

A titre d’exemple, l’équipe du département juridique d’Ubisoft a expliqué la nécessité de prévoir en situation de jeu une difficulté adaptée, afin d’apprendre de ses erreurs pour continuer sans être bloqué (notion de « niveau de difficulté désirable »). Elle a également présenté la possibilité offerte au joueur de parcourir librement le contexte du jeu dans lequel il évolue, via un « mode découverte », afin d'en apprendre davantage sur l'histoire, la vie quotidienne, les particularités d’une époque, en se concentrant sur l'exploration sans avoir à combattre ni à subir la pression du temps ou les contraintes de jouabilité.

L’autre attrait du jeu est l’adhésion plus immédiate, ou en tout cas facilitée, par l’apprentissage ludique de nouveaux concepts, même si elle nécessite un certain travail de préparation pour être constructive. L'engagement du joueur est ici favorisé, en l’invitant à être immédiatement efficace, par opposition aux formations face à un intervenant durant lesquelles il n’est qu’auditeur passif.

Cette analyse tend ainsi à étayer le postulat que l’on apprend mieux en étant mis en situation, et que l’on retient mieux en s’amusant2. Mais en pratique, qu’en est-il du passage du virtuel au réel ?

Potentialités en milieux professionnels

Spontanément, l’idée de faire entrer le jeu au sein d’un cabinet d’avocats n’est pas évidente, dans la mesure où la notion de divertissement associé au jeu paraît peu compatible avec la rigueur qu’exigent, selon une opinion répandue, l’apprentissage et l’application du droit. Mais la matière ne se limite heureusement pas aux codes et aux manuels ; elle est aussi mise en application, adaptation aux besoins des parties, négociation, travail d’influence, plaidoirie, échange d’arguments, recherche. Autant d’aspects du droit qui peuvent être vécus lorsqu’on les pratique.

Comme on l’a vu, les jeux sont déjà utilisés dans de nombreux domaines très sérieux (simulateur de vols, santé, armée, normes sanitaires) et de nombreuses initiatives naissent dans les universités pour introduire des méthodes d’apprentissage nouvelles fondées sur une participation ludique des étudiants. Les résultats peuvent être très positifs : plus grande implication des participants, appropriation rapide des concepts, renforcement du sentiment d’équipe, image positive de l’organisation.

En guise d’illustration par la pratique, les ateliers de jeu sérieux proposés lors de la Legal Games Week ont permis de concrétiser ces réflexions. L’un d’entre eux consistait à appliquer les critères du RGPD (telle donnée relève-t-elle du Règlement et doit-elle être protégée ?). Un autre jeu consistait en une simulation de stage au Conseil constitutionnel et permettait au joueur de réviser les grands principes du droit constitutionnel. Un autre encore était centré sur les infox (fake news) et l’investigation. De façon générale, l’idée n’est jamais de jouer pour le pur plaisir (cela relève de la sphère privée de chacun) mais d’utiliser le jeu dans une optique d’apprentissage plus efficace.

En termes d’application professionnelle, cette méthode est susceptible d’offrir de l’interactivité dans la formation initiale ou continue des juristes, les séminaires de formation ou la présentation d’une activité ou d’une problématique juridique (retour sur le quotidien de l’avocat/juriste et de sa matière, détermination d’une réglementation applicable).

En effet, un certain nombre de jeux sérieux présentés consistent en des mises en situation, où le joueur/étudiant/professionnel vérifie qu’il sait manier les concepts qu’il a assimilés. A la manière des jeux-vidéos, les compétences de l’avatar que l’on manipule doivent être maîtrisées pour progresser dans les différents niveaux du jeu, jusqu’à son dénouement. D’une certaine manière, certains jeux sont ainsi des cas pratiques augmentés, où la résolution des questions posées par le joueur/étudiant/professionnel permet sa progression.

La multiplication de logiciels en marge de l’essor des Legal Tech (Gloomaps, ITyStudio) offre une panoplie d’outils pour coder de nouvelles idées. Ne reste plus qu’à travailler l’expérience utilisateur, pour offrir la meilleure immersion possible, et pourquoi pas envisager la possibilité pour plusieurs personnes de participer ensemble et simultanément à une même partie en multijoueur.

En définitive, le principal apport de cette méthode, outre l’aspect potentiellement ludique inhérent à sa pratique, se manifeste dans la liaison qu’il permet de faire entre apprentissage et pratique. En écho à Aristote, fondons donc l’espoir que les juristes, déjà très sérieux, deviennent à l’avenir un peu plus joueurs.

* Aristote

2 V. Apprendre le droit… en jouant ? Les jeux de rôle juridiques, Blog du Professeur B. Dondero.

Analyse juridique parue dans le magazine ODA le 25 octobre 2019


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