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Vente internationale de marchandises, délais de paiement et facturation

La CEPC se positionne à nouveau

08/09/2021

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) s’est prononcée sur l’application de la réglementation française sur les délais de paiement et la facturation à un contrat de vente international. Au cas particulier, ce contrat conclu entre un fournisseur étranger et un distributeur français était soumis à un droit étranger et à la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises - CVIM (avis CEPC n° 21-9 du 9 juillet 2021).

Quelques semaines à peine après avoir publié un vade-mecum sur l’application des délais de paiement dans les relations commerciales internationales fournisseur français/acheteur étranger (avis n° 21-3 du 2 avril 2021, voir notre article "Délais de paiement dans les relations commerciales internationales : à propos d’un avis de la CEPC"), la CEPC a rendu un nouvel avis, cette fois sur le schéma inverse - fournisseur étranger/acheteur français - en matière de délais de paiement mais aussi de facturation.

Contexte de la saisine

Un fabricant étranger de produits et matériels d’optique et lunetterie établi dans l’Union européenne (UE) a conclu avec des distributeurs européens des contrats-types de vente aux termes desquels ces derniers s’engagent sur un volume d’achat ferme au cours d’une période de 12 mois. En contrepartie de cet engagement, le fabricant a accepté que le paiement des produits soit effectué par ses clients en 12 mensualités du même montant, quelle que soit la quantité de produits livrée au cours du mois concerné, une facture d’acomptes étant émise chaque mois. Les contrats sont soumis à un droit étranger et à la CVIM. Le juge compétent désigné par le contrat en cas de litige est le juge étranger.

Souhaitant proposer ce type de contrat également à ses clients situés en France, ce fabricant a décidé de saisir la CEPC pour s’assurer de la compatibilité du système de règlement échelonné ainsi mis en place avec les dispositions du Code de commerce relatives à la facturation (art. L.441‑9) et aux délais de paiement (art. L.441-10).

Après avoir rappelé que les questions relatives à la facturation et aux délais de paiement ne font pas partie des matières couvertes par la CVIM, la CEPC a pris la position suivante. 

Non-application de la règlementation sur les délais de paiement mais… interdiction des abus manifestes

La CEPC confirme la position retenue dans de précédents avis selon laquelle, lorsque le contrat relève de la CVIM, les délais de paiement plafonds prévus par le Code de commerce ne devraient pas s’appliquer (avis n°16-12 du 16 juin 2016 et n°21-3 précité).

Pour autant, elle rappelle que "les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit" (avis n°16-12 précité).

En l’espèce, elle estime que les modalités de paiement ne paraissent pas devoir être qualifiées d’"abus manifeste à l’égard du créancier" dans la mesure où elles sont déterminées par le créancier et communes à tous les contrats de vente conclus avec ses clients européens.

Non-application des règles relatives à la facturation mais… obligation de facturation

L’article 59 de la CVIM indique qu’aucune demande ou formalité supplémentaire, telle que l’émission d’une facture, n’est obligatoire pour obtenir le paiement convenu au contrat.

Cela étant, la remise d’une facture peut faire partie des obligations du vendeur au titre des documents se rapportant aux marchandises, comme cela ressort de l’article 30 de la CVIM aux termes duquel "le vendeur s’oblige dans les conditions prévues au contrat et par la présente Convention à livrer les marchandises, à en transférer la propriété et, s’il y a lieu, à remettre les documents s’y rapportant". 

Cette obligation peut également s’inférer d’un usage au sens de l’article 9 de la Convention mais aussi résulter d’une réglementation impérative s’imposant aux parties dans les situations internationales.

A cet égard, la CEPC relève que toutes les opérations commerciales effectuées au sein de l’Union européenne sont soumises à TVA, de sorte que les professionnels sont tenus d’une obligation de facturation (art. 220 de la directive n°2006/112/CE et art. 289 CGI).

Par ailleurs, elle estime que l’obligation de facturation prévue à l’article L.441-9 du Code de commerce pour "tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle" pourrait parfaitement s’imposer à une vente intracommunautaire.

En effet, par analogie avec la disposition du Code de commerce relative à l’obligation de conclure une convention unique (avis n° 19-7 du 18 avril 2019), ce texte peut s’analyser en une loi de police en vertu des règles de droit international privé (art. 9§1 Règ. Rome I) : norme impérative ; finalité visant à favoriser la transparence des relations commerciales entre professionnels pour en assurer la loyauté et l’équilibre ; texte dont le respect est crucial pour le législateur qui a prévu des sanctions pénales puis administratives en cas de manquements dont sont passibles à la fois l’acheteur et le vendeur.

En l’espèce, la CEPC considère que l’exécution de la relation commerciale sur le territoire français justifie l’application immédiate de l’obligation de facturation (lien de rattachement suffisant).

En revanche, l’article 34 de la CVIM prévoyant expressément que la détermination du moment, du lieu et de la forme des documents se rapportant aux marchandises relève de la volonté des parties, ces dernières peuvent donc choisir librement les modalités de facturation.

En d’autres termes, la CVIM n’impose pas l’établissement d’une facture ni ne l’interdit : elle se contente de tirer les conséquences de l’obligation d’établir une facture lorsque celle-ci est prévue par le contrat, les usages ou une loi de police.

La CEPC en déduit en l’espèce qu’il n’y pas lieu pour elle d’analyser la conformité aux autres dispositions du Code de commerce des modalités de facturation prévues puisque ces dispositions ne paraissent pas applicables à un contrat soumis à la CVIM.

Soulignons que l’appréciation de la CEPC s’appuie sur le précis de jurisprudence de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) concernant la CVIM.


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