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Brésil : Quel choix pour une politique de prix de transfert ?

04/08/2011


La législation brésilienne sur les prix de transfert contient des règles qui n’existent pas dans le standard OCDE et se combinent difficilement avec la législation française.


Le Brésil a adopté une législation sur les prix de transfert dès 1996. Une instruction normative du 13 novembre 2002 en a précisé les modalités d’application. Contrairement aux règles suivies par les Etats membres de l’OCDE, organisation dont on rappelle que le Brésil n’est pas membre, la loi brésilienne fixe des prix plafonds pour les importations et des prix planchers pour les exportations. Les particularités de la législation brésilienne se combinent difficilement avec la législation française. L’expérience montre qu’un nombre significatif d’entreprises françaises méconnaissent cette situation et sont mal préparées à surmonter les difficultés qui en résultent.

I. La législation brésilienne a un champ d’application plus large que l’article 57 du CGI sur les transferts indirects de bénéfices à l’étranger

La législation brésilienne sur les prix de transfert s’applique à toutes les transactions entre entreprises liées, cette notion visant non seulement les liens résultant d’une participation d’au moins 10 % en direct ou par un actionnaire commun mais aussi le simple statut d’agent, de distributeur ou de licencié exclusif d’une société étrangère sans nécessité de lien capitalistique. La notion brésilienne d’entreprise associée est ainsi nettement plus extensive que celle de l’article 57 du CGI.

Par ailleurs, il existe au Brésil une disposition qui, dans l’esprit, ressemble à l’article 238 A du CGI (paiements à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié), combiné avec l’article 57 du CGI. Ainsi, une transaction effectuée par un résident du Brésil avec un contribuable résident d’un pays qui n’a pas institué l’impôt sur les sociétés ou prélève cet impôt à un taux inférieur à 20 %, est soumise aux règles de prix de transfert alors même que les deux parties à la transaction sont indépendantes. La liste de ces pays est publiée par le ministère des finances, la dernière mise à jour datant de 2010.

II. Les méthodes sont proches de celles de l’OCDE mais imposent des marges fixes

Si le prix d’un produit importé excède le prix plafond fixé par la loi, la dépense correspondante ne sera pas déductible. De la même manière, il existe un prix minimum pour les exportations. La notion de prix de marché n’est pas au Brésil une notion pertinente en la matière.

S’agissant des importations, le prix plafond est déterminé selon les trois méthodes suivantes : la méthode du prix comparable sur le marché, la méthode du prix de revente et la méthode du cost plus. Ces méthodes ressemblent à celles de l’OCDE avec quelques différences.

La méthode du prix comparable sur le marché doit prendre en compte la moyenne arithmétique des prix de vente de produits ou services similaires ou comparables tels qu’ils ressortent des transactions conclues avec des tiers indépendants sur le marché brésilien ou sur un marché étranger et aux mêmes conditions financières. Le commentaire de l’administration précise les critères de comparabilité et indique les ajustements à effectuer en fonction des conditions financières de la transaction comme les délais de paiement, les garanties octroyées, le contrôle qualité, les dépenses de publicité, l’assurance et le transport. Il faut savoir toutefois en pratique que les seuls prix acceptés sont ceux du marché brésilien et que l’administration a du mal à accepter des comparables étrangers.

Pour le prix de revente, une marge de 20 % doit être calculée sur le prix (60 % lorsque le bien importé est semi fini et destiné à être incorporé dans un processus de fabrication). Pour la méthode du cost plus, la marge est également de 20%, mais la définition des coûts à prendre en compte est extrêmement précise et il convient de se conformer à la nomenclature qu’elle prévoit. Cela implique de préparer en amont des tableaux spécifiques reprenant les postes de coûts tels que prévus dans la circulaire de l’administration. Au surplus, en pratique, l’administration fiscale brésilienne pourra demander à vérifier la réalité des coûts engagés par le vendeur de produits ou de services (par définition situé à l’étranger), ce qui peut aller jusqu’à la production des pièces comptables.

En revanche, il n’y a pas de recommandation concernant l’utilisation de la meilleure méthode. Le contribuable peut recourir l’une de ces trois méthodes, voire en utiliser plusieurs, auquel cas il pourra retenir celle qui donne le prix le plus élevé.

En ce qui concerne les exportations effectuées par les sociétés brésiliennes, elles sont soumises aux règles des prix de transfert lorsque le prix moyen du bien ou service exporté sur l’année fiscale est inférieur à 90 % du prix normal pratiqué par l’entreprise sur le marché domestique pour le même bien ou service. Lorsque la règle des 90 % n’est pas respectée, l’entreprise doit alors justifier son prix à l’exportation en utilisant l’une des méthodes suivantes : prix de vente comparable avec des tiers, resale minus avec application d’une marge fixe de 15% pour la vente en gros et de 30% pour la vente au détail, ou enfin le cost plus avec application d’une marge de 15%. Enfin, il est dérogé à l’application de ces marges fixes, lorsque soit le chiffre d’affaires dans l’année avec des sociétés liées représente 5 % ou moins du chiffre d’affaires total de la société brésilienne, soit la valeur absolue des exportations avec les entreprises liées d’une année n’excède pas 5 % du bénéfice net de la société brésilienne calculé sur la moyenne de l’année considérée et, le cas échéant, des deux années précédentes.

Ici encore, les entreprises peuvent retenir l’une des méthodes recommandées sans devoir justifier si elle est adaptée ou non au type de transactions concerné.

III. Des règles spécifiques s’appliquent aux redevances

En premier lieu, la déduction fiscale des redevances est soumise à une limitation d’application générale : 5 % du chiffre d’affaires résultant de la vente du produit donnant lieu à redevance. Autrement dit, le taux maximum de la redevance susceptible d’être facturée à une société brésilienne est de 5 %. Figurent dans cette enveloppe de 5% non seulement les redevances de marques mais également celles afférentes aux brevets et au transfert de technologie.

En outre, lorsque la redevance est payée à des non résidents du Brésil, le taux maximum des redevances admises en déduction est encadré par une circulaire très ancienne du ministère des Finances et qui n’a jamais été actualisée, en fonction des secteurs d’activités.

IV. La convention fiscale franco-brésilienne est elle une aide ?

Elle contient, comme les conventions modèles OCDE, un article sur les bénéfices des entreprises associées (article 9) qui fait expressément référence aux prix pratiqués entre entreprises indépendantes. Elle prévoit par ailleurs une procédure amiable (article 25) au terme de laquelle les Etats s’efforcent par voie d’accord amiable de résoudre les difficultés auxquelles peut donner lieu l’application de la convention dans les cas où un contribuable estime que les mesures prises par un Etat contractant entraînent une imposition non conforme à la convention.

La convention contient donc des dispositions qui pourraient trouver à s’appliquer dans le domaine des prix de transfert se référant à la norme OCDE. Cela étant, force est de constater qu’en pratique la procédure amiable ne fonctionne pas et que jamais l’article 9 n’a pu être appliqué. Se pose alors la question délicate de la hiérarchie des normes : la convention a-t-elle une autorité supérieure à celle de la loi interne ? Le débat est complexe au Brésil : le code des impôts brésilien prévoit le principe de supériorité des traités internationaux par rapport aux lois nationales postérieures. Toutefois, ce code n’est qu’une source secondaire du droit fiscal, la Constitution Fédérale du Brésil de 1988 contenant un chapitre entier consacré à la fiscalité. Vu la multiplicité des normes législatives ayant des degrés différents d’application, il existe un débat entre praticiens pour savoir si la supériorité prévue par le code des impôts est réellement un principe d’application générale ou non. Toujours est-il que jusqu’à présent, force est de constater que le législateur brésilien n’a pas jugé bon de respecter les dispositions des conventions fiscales lorsqu’il vote un texte fiscal et qu’il n’a pas non plus été censuré par les Cours Suprêmes brésiliennes.

Les flux (tant matériels qu’immatériels) allant croissant avec le Brésil, et les administrations fiscales tant française que brésilienne étant de mieux en mieux formées aux prix de transfert, le risque de matérialisation d’un contrôle fiscal d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique devient réel. En la matière, les entreprises françaises doivent donc accepter de faire du Brésil un cas particulier et, avec l’appui de spécialistes, tenter de trouver la moins mauvaise politique qui leur permettra de maîtriser les risques fiscaux tant en France qu’au Brésil.


Par Agnès de l’Estoile Campi, , avocat associé

Article paru dans la revue Option Finance du 4 juillet 2011

Auteurs

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Agnès de L'Estoile-Campi
Associée
Paris