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Compte courant d’associé : pas de possibilité de prorogation judiciaire du terme

01/09/2011


Un compte courant d’associé est destiné à enregistrer les sommes qu’un associé a versées à la société ou laissées à la disposition de celle-ci (notamment, des dividendes non réclamés), en sus de son apport. Fondamentalement, le compte constate l’existence d’un prêt consenti à la société, en sorte que l’expression « compte courant » très généralement utilisée est juridiquement contestable, ne serait-ce que parce que le législateur interdit expressément dans un certain nombre d’hypothèses (dirigeants ou associés personnes physiques dans les SARL ; dirigeants dans les sociétés par actions) que le compte puisse devenir débiteur.

Puisqu’on a affaire à un prêt, les sommes ont vocation à être remboursées. Parfois, la convention aménage les conditions de ce remboursement, prévoyant par exemple qu’un délai de préavis devra être respecté avant que les sommes soient restituées à l’associé. En revanche, lorsqu’aucune clause spécifique n’existe, une jurisprudence constante de la Cour de cassation exige que la société s’exécute immédiatement à la simple demande de l’associé. Et ce, quelles que soient les incidences que cette demande peut avoir pour la société. En d’autres termes, la circonstance que le créancier est, également, associé de la société débitrice n’autorise nullement cette dernière à différer son obligation.

Dans ces conditions, quelle parade utiliser lorsque la demande de remboursement est susceptible de mettre la société en difficulté ? Alors qu’une procédure de sauvegarde était déjà ouverte contre une société débitrice, l’article 1900 du Code civil a été invoqué pour retarder la restitution des sommes. Le texte indique que, lorsqu’un prêt est à durée indéterminée, « le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances ». Le mécanisme pouvait sembler particulièrement intéressant car il est admis que le juge, interprétant la volonté implicite des parties, va alors déterminer le terme du prêt et non à proprement parler accorder des délais de grâce. Il s’ensuit une conséquence pratique importante. Le juge statuant en vertu de l’article 1900 n’est pas tenu par le maximum de deux ans prévu en matière de délai de grâce (article 1244-1 du Code civil) : il pourrait très bien fixer un terme au-delà de cette limite.

Toutefois, la Cour de cassation vient de juger que les dispositions de l’article 1900 « ne sont pas applicables au compte courant d’associé, dont la caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d’être remboursable à tout moment » (arrêt du 10 mai 2011). Le raisonnement semble être le suivant : puisque, par construction (prétorienne), un compte courant d’associé est remboursable à tout moment, le juge n’a pas à déterminer le terme du contrat. L’article 1900 ne peut donc être invoqué pour retarder le moment du remboursement des fonds. En conséquence, la société ne pourra compter que sur les ressources de l’article 1244-1 du Code civil. Ce dernier n’est toutefois pas sans intérêt car il permet au juge, « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier », de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ; il permet même de réduire le taux d’intérêt éventuellement prévu dans la limite du taux légal, ou d’ordonner l’imputation prioritaire des remboursements partiels sur le capital. Et les tribunaux n’hésitent pas y recourir à l’occasion des demandes de remboursement de compte courant.


Arnaud Reygrobellet, Of CounseL? Professeur à l’université Paris X

Article paru dans la revue Option Finance du 18 juillet 2011

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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris