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Crédit d’impôt recherche : l’irrésistible besoin de changement.

29/03/2011


Le crédit d’impôt recherche devait être très légèrement amélioré par le projet de loi de finances. Il fait en définitive l’objet d’un durcissement, en particulier à l’encontre des entreprises qui sous-traitent une partie de leurs travaux de recherche.


Dans son intervention devant les députés, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, rappelait que le crédit d’impôt recherche (CIR) avait été modifié chaque année depuis 25 ans, jusqu’à la grande réforme de 2007 qui avait permis à la fois une simplification du régime (fin de la part en accroissement) et un triplement des montants accordés. Mme le Ministre se prononçait clairement contre toute nouvelle modification d’un système « équilibré et surtout stabilisé ». C’était sans compter sur la soif de changement et la chasse aux abus qui animaient à la fin de l’année dernière nos députés. Ainsi le texte qui, à l’origine, se contentait de pérenniser le principe du remboursement immédiat du crédit d’impôt recherche pour les PME s’est transformé en texte « anti-abus », principalement dirigé contre les sociétés qui sous-traitent leurs dépenses de recherche et celles qui font appel à des consultants. La loi modifie aussi le calcul des dépenses de fonctionnement et limite l’avantage accordé aux entreprises qui bénéficient du CIR pour la première fois depuis cinq ans.

A l’exception de deux d’entre elles (a et h ci-dessous), ces modifications prennent effet pour le calcul du CIR afférent aux dépenses qui seront exposées à compter du 1er janvier 2011.

a. Remboursement immédiat de la créance

On se souvient de la bonne nouvelle : il y a deux ans et encore l’an dernier, toutes les entreprises avaient obtenu immédiatement le remboursement du crédit d’impôt recherche excédant l’impôt dû, alors que normalement le CIR s’impute seulement sur l’impôt des trois années suivant celle de la constatation de la créance, le remboursement du solde n’intervenant qu’au terme de ce délai. Cette mesure temporaire n’a pas été reconduite cette année. Mais la loi ajoute à la liste des entreprises admises traditionnellement au bénéfice de ce remboursement immédiat (entreprises nouvelles, jeunes entreprises innovantes et entreprises en difficulté ou liquidées) les PME entendues au sens communautaire (entreprises de moins de 250 personnes, dont le chiffre d’affaires annuel de l’exercice précédent n’excède pas 50 M € ou dont le total du bilan n’excède pas 43 M €).

b. Dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement ont été jusqu’à présent retenues pour un montant fixé à 75 % des dépenses de personnel.

Elles représenteront désormais le total formé par 75 % des dotations aux amortissements prises en compte pour le calcul du CIR (biens acquis à l’état neuf directement affectés aux opérations de recherche) et 50 % des dépenses de personnel susvisées.

c. Dépenses de sous-traitance

Il s’agit là de la modification du régime la plus sensible. En matière de sous-traitance, des limitations existent déjà puisque les dépenses sous-traitées à des organismes de recherche privés agréés ou à des experts agréés ne peuvent être retenues que dans la limite d’un plafond annuel de 10M € pour celles sous-traitées à des organismes indépendants et de 2M € pour celles sous-traitées à des organismes liés.

La loi fixe, indépendamment de ces plafonds inchangés, une nouvelle limite à la prise en compte des dépenses de recherche sous-traitées. Désormais, ces dépenses ne seront prises en compte qu’à hauteur de trois fois le montant total des autres dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt.

Pour les entreprises qui ont des filiales dédiées aux opérations de recherche du groupe, c’est donc toute l’organisation du groupe qu’il convient de revoir, l’absence ou la faiblesse des dépenses réalisées en direct empêchant désormais en pratique la moindre prise en compte des dépenses sous-traitées.

d. Dépenses de conseil

Plus anecdotiques, ces dépenses ont fait l’objet des débats les plus enflammés et des réactions les plus scandalisées. En ligne de mire des parlementaires, le marché du CIR, en particulier lorsque les intermédiaires sont uniquement rémunérés par un pourcentage du crédit d’impôt obtenu. Il est vrai qu’au cours des débats des taux de rémunération impressionnants, représentant 40% du crédit d’impôt obtenu, ont été avancés. En définitive, les dépenses exposées auprès de tiers au titre de prestations de conseil pour l’octroi du bénéfice du CIR devront être déduites des bases de calcul du crédit d’impôt recherche (et non comme il avait été envisagé un temps du CIR lui-même) à concurrence :

  • des facturations fixées en fonction du CIR dont peut bénéficier l’entreprise,
  • et des facturations qui excèdent le plus élevé des deux montants suivants : 15 000 € HT ou 5 % du total des dépenses de recherche HT, minoré des subventions publiques.

Sont donc clairement visées les rémunérations déterminées en fonction du résultat, alors que les rémunérations fixées indépendamment du CIR obtenu ne seront déduites des bases de calcul du CIR que lorsqu’elles excèderont un niveau jugé raisonnable par les parlementaires.

e. Première option depuis cinq ans

On sait que le taux de CIR est fixé à 30 % des dépenses de recherche. Mais les entreprises n’ayant pas bénéficié du crédit d’impôt recherche au cours de la période de cinq ans antérieure ont bénéficié jusqu’à présent d’un CIR au taux de 50 % pour sa première année d’application et de 40 % pour sa seconde année d’application à condition qu’aucune société unie à elles par un lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 du CGI n’ait elle-même bénéficié du crédit au cours de la période susvisée de cinq ans. Ce lien de dépendance est caractérisé chaque fois qu’une entreprise détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre entreprise, ou exerce en fait le pouvoir de décision, ou lorsque les deux entreprises sont placées l’une et l’autre sous le contrôle d’une tierce personne.

Ces taux sont respectivement ramenés à 40 % et 35 % au titre des première et deuxième année d’application. L’entrée en vigueur du texte est telle que les entreprises qui ont bénéficié du taux de 50 % au titre de leurs premières dépenses exposées en 2010 ne bénéficieront que du taux de 35 % au titre de leurs dépenses exposées en 2011, au lieu des 40 % escomptés lors de leur entrée dans le régime.

La loi ajoute une condition supplémentaire à l’application de ces taux majorés : le capital de l’entreprise ne doit pas être détenu à 25 % au moins par un associé détenant ou ayant détenu au cours des cinq dernières années au moins 25 % du capital d’une autre entreprise n’ayant plus d’activité effective et ayant bénéficié du crédit d’impôt au cours de la même période de cinq années.

f. Dépenses excédant 100 M €

Là encore, les débats ont été animés, et c’est seulement en commission mixte paritaire qu’une position favorable aux entreprises a été trouvée. On rappelle que les entreprises qui engagent plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche ont droit au crédit d’impôt sur l’excédent mais au taux de 5% seulement (au lieu de 30%). Paradoxalement, alors qu’au cours des débats étaient pointées du doigt les entreprises qui multiplient le nombre de leurs filiales pour éviter d’atteindre le montant de 100 M€, c’est sur celles, vertueuses, qui acceptent de conserver à leur charge ces fortes dépenses que s’était abattue la menace d’une suppression complète du crédit au-delà du chiffre fatidique de 100 millions. Le bon sens a en définitive prévalu et les quelques entreprises qui engagent ces très importantes dépenses conserveront le bénéfice du CIR au taux de 5 % pour la part de leurs dépenses excédant 100M €. Elles devront toutefois désormais joindre à leur déclaration de CIR un état décrivant la nature de leurs travaux de recherche en cours, l’état d’avancement de leurs programmes, les moyens matériels et humains, directs ou indirects, qui y sont consacrés et la localisation de ces moyens. Le défaut de production de cet état sera sanctionné par une amende de 1500 € (CGI, article 1729 B- I).

g. Liens entre le ministère de la recherche et le ministère de l’économie

Les services du ministère chargé de la recherche communiqueront les informations mentionnées dans la déclaration de CIR dont ils sont destinataires aux services chargés de la réalisation d’études économiques relevant du ministère chargé de l’économie et de l’industrie

h. Lutte contre la fraude

Enfin, dans le but de lutter contre la fraude, la loi exige désormais (dépenses exposées à compter du 1er janvier 2010) que les entreprises de moins de 2 ans remettent, à l’appui de leur demande de remboursement immédiat, un certain nombre de documents authentiques attestant de leur ancienneté, de leur constitution, de leur objet social et de la nature de leurs activités de recherche et développement.


Par Emmanuelle Féna-Lagueny, Avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre

Article paru dans la revue Option Finance du 7 février 2011

Auteurs

Portrait deFena-Lagueny-Emmanuelle
Emmanuelle Fena-Lagueny
Counsel
Paris