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Droits à déduction dans les relations entre un siège et sa succursale

31/03/2017

La Cour de justice va de nouveau se prononcer sur les modalités de détermination des droits à déduction dans une relation « siège/succursale ».

Le Conseil d’Etat a décidé de surseoir à statuer dans un litige qui oppose la banque Morgan Stanley à l’administration fiscale pour soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) les questions préjudicielles suivantes :

« 1° Dans l’hypothèse où les dépenses supportées par une succursale établie dans un premier Etat membre sont exclusivement affectées à la réalisation des opérations de son siège établi dans un autre Etat membre, les dispositions des articles 17 paragraphe 2,3,5 et 19 paragraphe 1 de la sixième directive 77/388/CEE, reprises aux articles 168, 169 et 173 à 175 de la directive 2006/112/CE, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles impliquent que l’Etat membre de la succursale applique à ces dépenses le prorata de déduction de la succursale, déterminé en fonction des opérations qu’elle réalise dans son Etat d’immatriculation et des règles applicables dans cet Etat, ou le prorata du siège, ou encore un prorata de déduction spécifique combinant les règles applicables dans les Etats membres d’immatriculation de la succursale et du siège, en particulier au regard de l’existence éventuelle d’un régime d’option pour l’imposition des opérations à la taxe sur la valeur ajoutée ?

2° Quelles règles convient-il d’appliquer dans l’hypothèse particulière où les dépenses supportées par la succursale concourent à la réalisation de ses opérations dans son Etat d’immatriculation et à celle des opérations du siège, notamment au regard de la notion de frais généraux et de prorata de déduction ? ».

Dans cette affaire suivie par notre cabinet, le Conseil d’Etat invite ainsi la Cour de justice à clarifier sa jurisprudence (en particulier l’articulation entre l’arrêt Le Crédit lyonnais Aff. C-388/11 et l’ordonnance ESET, Aff. C-393/15) sur les modalités de détermination des droits à déduction d’un assujetti unique constitué d’un siège et d’un (ou plusieurs) établissement(s) dépourvu(s) d’autonomie au titre des dépenses que supporte l’un ou l’autre et qui peuvent concourir aux opérations que réalise soit la partie de l’entité qui supporte les dépenses, soit celle établie à l’étranger, soit l’ensemble des opérations que réalise l’assujetti.

La banque Morgan Stanley ayant opté pour la taxation à la TVA de ses opérations bancaires et financières, la Cour de justice devra également se prononcer sur la portée territoriale de cette option pour les besoins de la détermination des droits à déduction.

On notera que le Conseil d’Etat n’a pas suivi la suggestion de son rapporteur public qui, à l’audience, préconisait la cassation immédiate pour erreur de droit de la cour d’appel de Versailles du 27 janvier 2015 sur le fondement duquel le pourvoi a été introduit.

Suivant son analyse, les opérations internes entre un siège et une succursale n’ont pas à être prises en compte pour la détermination des droits à déduction de l’assujetti qui s’apprécient au regard des seules opérations qu’il réalise avec des tiers. La Cour d’appel ne pouvait donc pas limiter le droit à déduction de la succursale à raison des règles applicables aux assujettis partiels.

Le Conseil d’Etat ne renvoyant pas de question à la Cour à cet égard, il y a tout lieu de penser qu’il partage sur ce point l’analyse proposée par son rapporteur public sur le fondement d’une argumentation aussi claire que dépourvue du moindre doute. Une cassation immédiate sur ce motif de droit aurait néanmoins permis d’écarter immédiatement la thèse d’un assujettissement partiel sans avoir à attendre que la Cour de justice ait répondu aux questions qui lui sont posées.

La procédure devant la Cour de justice prendra vraisemblablement entre 18 et 24 mois.

Conseil d’Etat, n° 389105 du 29 mars 2017, sté Morgan Stanley & Co international PLC