Home / Publications / Flash Concurrence - Projet de loi de modernisation...

Flash Concurrence - Projet de loi de modernisation de l'Economie (n° 842)

Délais de paiement et Politique commerciale (Sénat)

11/07/2008

Le Sénat vient d’adopter à son tour les dispositions du projet LME relatives aux délais de paiement (art.6) et aux questions de politique commerciale (art. 21 et 22) en apportant au dispositif retenu par l’Assemblée Nationale (cf. nos précédents flash info concurrence des 12 juin et 3 juillet derniers) les principaux aménagements suivants :

Délais de paiement

  • Point de départ : Les Sénateurs ont validé le principe du plafonnement à 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture des délais contractuels ainsi que la possibilité d’étendre par décret à l’ensemble d’un secteur les accords interprofessionnels réduisant ce plafond. En revanche, contre l’avis défavorable de la Commission spéciale et du Gouvernement, ils ont supprimé la faculté pour un secteur d'activité de déroger, sur la base d'un accord interprofessionnel, à la règle de computation du délai en retenant comme point de départ de ce délai la date de réception de la marchandise ou d'exécution de la prestation (art.6 I, 1° modifié).
  • Dérogations sectorielles provisoires : L’article 6 III reconnaissait la possibilité à des accords interprofessionnels de prévoir dans un secteur déterminé, pour une durée n'excédant pas le 1er janvier 2012, un délai de paiement maximal supérieur aux 60 jours calendaires, sous réserve de plusieurs conditions. Le Sénat a étendu et assoupli ce mécanisme dérogatoire en prévoyant (art. 6 III bis nouveau) : 
    - La validité immédiate des accords sans attendre leur homologation, laquelle devra toutefois intervenir, sous peine de caducité de l’accord, avant le 1er mars 2009 ; 
    - La possibilité d’étendre par décret le délai dérogatoire à tous les acteurs du secteur économique concerné comme pour les accords fixant un délai moindre que le délai légal ; 
    - L’ouverture d’une ultime voie de recours aux secteurs qui échoueraient à conclure un accord interprofessionnel d'ici la fin 2008 mais qui seraient néanmoins prêts à améliorer immédiatement les délais de paiement pour les PME, par une intervention du ministre de l’Economie. (amendement adopté malgré la demande de retrait du Gouvernement). NB : La Commission spéciale du Sénat a invité le Gouvernement à ne pas précipiter le passage à la seconde étape législative annoncée et consistant à ramener le plafond légal de paiement à 30 jours.
  • Responsabilité civile : Les sénateurs ont voulu clarifier la nouvelle disposition introduite à l’article L. 442-6 I 7° C. com. en distinguant clairement les deux cas qui engagent la responsabilité du créancier : dépassement du délai légal de paiement et obtention du débiteur qu'il diffère la date d'émission de la facture (art. 6 II modifié). 
    - Article L. 442-6 I, 7° modifié : Constitue une pratique restrictive le fait « de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l’article L. 441-6 [60 jours calendaires]) ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6 [délai supplétif de 30 jours]. Est notamment abusif le fait, pour le débiteur de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture». 
  • Secteur viticole : Le délai maximal fixé, à défaut d'accords interprofessionnels, serait ramené au plafond de droit commun (45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ; art. L. 443-1 4° C. com. modifié et art. 6 bis A nouveau). Par ailleurs, il est prévu d’imposer à l’acheteur, sauf accord interprofessionnel contraire, le versement au moment de la conclusion du contrat de vente d’un acompte minimal de 15% du montant de la commande, le solde devant être réglé dans le délai plafond. En cas de non-versement de cet acompte le vendeur pourrait se tourner vers le juge des référés pour obtenir la délivrance d’une injonction de payer, le cas échéant sous astreinte (art. L. 664-8 nouveau C. rur. ; art. 6 bis B nouveau). 
  • Contrôle des pratiques : Le champ de l'obligation pour les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes de publier des informations sur les délais de paiement pratiqués avec leurs partenaires économiques a été restreint aux sociétés dont le nombre moyen de salariés permanents au cours de l’exercice dépasse un seuil fixé par décret. Rappelons que ces informations devront faire l'objet d'un rapport du CAC qui serait adressé au ministre de l'Economie s'il démontre, de façon répétée, des manquements significatifs en la matière (art. 6 bis).

Politique commerciale

  • Convention annuelle / Coopération commerciale / Services distincts (art. 21 II). Les Sénateurs n’ont pas apporté de bouleversements majeurs au dispositif adopté par les députés. Toutefois, en revendiquant un souci d'une meilleure lisibilité, ils ont retenu une nouvelle rédaction pour l’article L. 441-7 I : 
    « I. – Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale. Établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat‑cadre annuel et des contrats d'application, elle fixe : « 1° Les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu'elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l'article L. 441‑6 ; « 2° Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services s'oblige à rendre au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, en précisant l'objet, la date prévue, les modalités d'exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ; « 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution. « Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu. « La convention unique ou le contrat‑cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier. « Le présent I n'est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa de l'article L. 441‑2‑1. ». 
  • La notion de « service distinct » est donc remplacée par celle d’ « autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services », ces obligations concourant, avec les conditions de l’opération de vente, à la détermination du prix convenu. Le principe d’une rémunération des services qui ne relèvent pas de la définition de la coopération commerciale (2°) sous forme de réduction de prix sur la facture du fournisseur est donc indirectement maintenu, sans que les incertitudes sur la conformité de ce texte aux règles facturation (TVA et droit économique) soient levées. On relève également que le texte ne prévoit pas l’obligation d’indiquer la rémunération propre à chaque obligation relevant du 3°, contrairement à ce qui est prévu pour les services de coopération commerciale. Selon le rapporteur au Sénat, cette nouvelle rédaction devrait écarter le risque de « facturologie » car selon lui, il ne s'agit pas d'un détail ligne à ligne sur la facture : il y aurait, d'un côté, la convention, qui décrit les obligations, et, de l'autre, une facture qui établit un prix, sans attribuer une valeur à chaque obligation. 
  • Responsabilité civile (art. 22 I) : Le Sénat allonge la liste des pratiques restrictives énumérées à l’article L. 442-6, I en y intégrant le fait « de refuser de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous marque de distributeur le nom et l'adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformément à l'article L. 112‑6 du code de la consommation ». Il fait de même avec la liste des clauses noires frappées de nullité en y ajoutant celle prévoyant la possibilité pour un opérateur économique « d'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui directement ou indirectement par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence post-contractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à 2 ans » (art. L. 442-6 II e nouveau). Cette interdiction ne vise que les relations avec les distributeurs indépendants et ne concerne pas les contrats de franchise. S’agissant du plafond de l’amende civile qui pourrait être porté au triple du montant des sommes indûment versées, le Sénat a supprimé la référence à l’évaluation de ce montant par la juridiction (art. L. 442-6, III). 
  • Relevés de prix (art. 22 quater A nouveau) : Le Sénat a introduit parmi les règles relatives à la transparence, une disposition prévoyant que « dans le respect de l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs, les relevés des prix entre commerçants concurrents, y compris par les moyens informatiques, sont possibles » (art. L. 441-1-1 nouveau). L’adoption de cette disposition a été justifiée par le constat que des relevés de prix sont pratiqués depuis toujours et que depuis quelques mois certaines enseignes tenteraient de les interdire. Cet amendement a été adopté contre l’avis du Gouvernement, dont les réticences se fondaient sur le risque d’ententes pour alignement des prix que peut générer un dispositif de surveillance des prix.

-------------------------------------------------------------------------------- 

Calendrier

La Commission mixte paritaire, chargée de l’élaboration d’un texte commun aux deux Assemblées, devrait se réunir le 15 juillet prochain.

Auteurs

Portrait deNathalie Pétrignet
Nathalie Petrignet
Associée
Paris
Portrait deDenis Redon
Denis Redon
Associé
Paris