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Flash info Contrats Publics | Parution du décret du 25 août 2011 : réforme des procédures de marchés publics

30/08/2011

Le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique est paru au Journal officiel du 26 août 2011.

Il concerne les contrats soumis au Code des marchés publics mais également ceux soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005 et ses décrets d’application (décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 pour les entités adjudicatrices et décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005, pour les pouvoirs adjudicateurs, qui ne sont pas soumis au Code).

Ses apports principaux sont les suivants.

I – Dispense de mise en concurrence des marchés à procédure adaptée

Pour les marchés soumis au Code, la dispense de publicité et de mise en concurrence en deçà du seuil de 4.000 euros hors taxes est maintenue. Les références résiduelles au seuil de 20.000 euros sont par la même occasion supprimées du Code par le décret (pour mémoire, un décret du 19 décembre 2008 avait, dans une optique de relance de l’économie, remplacé ce seuil de 4.000 euros par un seuil de 20.000 euros hors taxes. Mais le Conseil d’Etat avait jugé cette modification contraire aux principes d’égalité d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement et de transparence des procédures, et l’avait annulé, à compter du 1er mai 2010 - CE, 10 février 2010, n° 329100).

Cette dispense de formalités peut toujours se justifier dans les cas prévus à l’article 35 II du Code.

Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur peut dorénavant se dispenser d’une procédure de publicité et de mise en concurrence si ces formalités sont « impossibles ou manifestement inutiles, notamment en raison de l’objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré » (article 9 du décret, modifiant l’article 28 du Code des marchés publics, cette rédaction est en réalité la reprise de CE, 7 octobre 2005, n° 278732, dit « Louvre II »). Est ainsi précisé le cas d’ouverture où « les circonstances » pouvaient justifier une dispense de publicité et de mise en concurrence.

Une proposition de loi déposée par le député Warsmann envisage de relever ce seuil à 15.000 € (proposition de loi n° 3706 déposée à l’Assemblée nationale le 28 juillet 2011 relative à la simplification du droit et à l’allègement des procédures administratives, article 88).

Pour les marchés de l’ordonnance du 6 juin 2005, il n’existe toujours pas de dispositions similaires, même s’il est clair qu’en deçà du seuil des procédures formalisées, les principes de la commande publique s’appliquent. Partant, une relative incertitude sur les possibilités de dispense de publicité et de mise en concurrence subsiste toujours pour ces marchés.

Enfin, le nouvel arrêté du 27 août 2011 prévoit que les acheteurs publics ne sont plus tenus d’utiliser le modèle national d’avis d’appel public à la concurrence pour les marchés passés selon une procédure adaptée (MAPA) d’un montant inférieur à 90.000 euros HT.

II – Modification de certaines procédures de passation

2.1 Règles applicables à toutes les procédures

Tout d’abord, en matière de dématérialisation des procédures de marchés publics, la rédaction de l’article 56 du Code des marchés publics est clarifiée (article 19 du décret). 
Mais les véritables changements proviendront sans doute de l’arrêté du 28 août 2006 pris en application du I de l’article 48 et de l’article 56 du Code, qui sera prochainement refondu pour tenir compte des évolutions techniques et des nouveaux impératifs liés à la dématérialisation, notamment pour intégrer le référentiel général de sécurité.

Concernant les possibilités de reconduire un marché public, les modalités de la reconduction, lorsque celle-ci a été initialement prévue lors de la conclusion du contrat sont modifiées, s’agissant toujours des marchés soumis au Code : au lieu de la nécessité d’une décision par écrit – donc expresse – de la personne publique, la reconduction, sauf stipulation contraire du marché initial, s’opère tacitement, sans que le titulaire du marché ne puisse s’y opposer (article 5 du décret, modifiant l’article 16 du Code).

Ensuite, le régime des variantes est assoupli. On rappellera qu’il s’agit des modifications, à l’initiative des candidats, de certains spécifications des prestations décrites dans le cahier des charges ou, plus généralement dans le dossier de consultation, que ces spécifications soient techniques ou d’une autre nature. Dans le cas des procédures formalisées lancées par les pouvoirs adjudicateurs, elles doivent être expressément autorisées. L’article 16 du décret, modifiant l’article 50 du Code, supprime l’exigence, qui était uniquement posée par le Code des marchés publics, que les variantes soient proposées avec l’offre de base : dès lors, elles peuvent être présentées sans offre de base, tant dans le cadre des procédures du Code que de celles de l’Ordonnance. Cette innovation est susceptible d’être d’une portée pratique importante.

L’article 80 du Code, l’article 44 du décret du 30 octobre 2005 et l’article 46 du décret du 30 décembre 2005, sont également réécrits après la censure par le Conseil d’Etat du dispositif précédent (CE, 1er juin 2011, Sté Koné, n° 346405). En effet, il était prévu que le pouvoir adjudicateur était dispensé de respecter le délai minimum dit « de stand still » de 16 jours – 11 jours en cas de transmission électronique –, courant à compter de l’envoi de la notification aux candidats évincés du rejet de leur offre, lorsque le marché était attribué au seul candidat « ayant présenté une offre répondant aux exigences indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation ». La dispense de respecter le délai minimum de 16 jours – ou de 11 jours – ne s’applique plus, désormais, que dans le cas où un seul candidat a participé à la consultation (aucun autre n’ayant donc remis de candidature ou d’offre).

Sur ce même thème, on peut par ailleurs regretter que subsiste l’exclusion des marchés passés après procédure adaptée de cette obligation d’information (le Conseil d’Etat ayant jugé que l’obligation ne s’appliquait pas en MAPA : CE, 19 janvier 2011, Grand Port maritime du Havre, n° 343435 ; certaines juridictions ne se rallient cependant pas à cette interprétation : CAA Bordeaux, 7 juin 2011, n° 09BX02775).

2.2 Adaptation de certaines procédures

Le système d’acquisition dynamique, auparavant limité aux fournitures courantes, et d’ailleurs peu utilisé, peut désormais être mis en œuvre en matière de services courants (article 23 du décret, modifiant l’article 78 du Code).

Concernant les marchés de maîtrise d’œuvre, on relèvera, notamment, la possibilité de recourir à la procédure de dialogue compétitif pour la réalisation de projets urbains et d’opérations de réhabilitation d’ouvrages, lorsqu’ils sont complexes. Ces nouvelles dispositions précisent également le rôle du jury.

Pour les travaux soumis à la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique du 12 juillet 1985 (loi « MOP »), le recours à un marché de conception-réalisation est désormais possible « si un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique » le rend nécessaire (article 11 du décret, modifiant l’article 37 du Code – articles 38 et 44 du décret modifiant l’article 41-1 des décrets du 20 octobre 2005 et du 30 décembre 2005). Ce cas d’ouverture s’ajoute aux « motifs d’ordre technique » permettant habituellement le recours à ce type de marché. Elle doit se lire en lien avec l’ouverture faite aux « contrats de performance énergétique » et autres contrats globaux.

III - Contrats globaux sur performance : marchés associant conception et/ ou réalisation, exploitation, maintenance (articles 73 et 177 du Code des marchés publics modifié)

Il s’agit pour partie de mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », mais la performance énergétique n’est pas la seule hypothèse concernée : ces contrats comportent des objectifs de performance mesurables, qui peuvent s’exprimer notamment en termes « de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique ».

Ils peuvent être conclus, soit pour la réalisation, l’exploitation et la maintenance (« REM »), soit pour la conception, la réalisation ou l’exploitation et la maintenance (« CREM »). Dans ce dernier cas, il s’agit de marchés de conception-réalisation, le cas échéant encadrés par la loi MOP. Comme précisé ci-dessus (II), il ne peut alors y être recouru que « pour la réalisation d’engagements de performance énergétique dans un ou des bâtiments existants, ou pour des motifs d’ordre technique ».

Les contrats autorisés par cet article permettent de déroger au principe d’allotissement obligatoire posé par le Code. Ainsi, il s’agit bien de « contrat globaux ». Ceux-ci peuvent d’ailleurs être également mis en place par les pouvoirs adjudicateurs soumis à l’Ordonnance du 6 juin 2005, même en l’absence de dispositions spécifiques, qui n’étaient pas nécessaires en l’absence de principe d’allotissement obligatoire, et sous réserve des possibilités de recourir aux dérogations à la loi MOP, lorsqu’elle trouve à s’appliquer (cf. II ci-dessus).

En revanche, l’interdiction de paiement différé (cas des personnes publiques soumises au Code et des établissements publics de l’Etat à caractère industriel et commercial, soumis à l’Ordonnance) subsiste. Il ne s’agit donc pas d’un succédané au contrat de partenariat, en l’absence de préfinancement. La rémunération pourra en revanche être modulée selon les performances réalisées ou non par le titulaire.

Quoiqu’il en soit, et si de nombreuses dérogations sectorielles avaient déjà été aménagées par les textes (pour les immeubles affectés à la police et à la gendarmerie, les établissements pénitentiaires, les bâtiments affectés aux services de santé…), les dispositions du décret laisse augurer une relance des « contrats globaux ». En effet, si à l’origine, il s’agissait uniquement de faciliter le recours au « contrat de performance énergétique », la formulation retenue va bien au-delà.

Sauf exception dûment listée par le décret, les nouvelles dispositions sont applicables pour les contrats en vue desquels une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication postérieurement à la date d’entrée en vigueur du décret, c’est-à-dire à compter du 27 août 2011.

Le décret du 25 août 2011 sera prochainement complété par une circulaire relative au Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics (abrogeant la circulaire du 29 décembre 2009), qui fait actuellement l’objet d’une concertation.

Références

Contact :

François Tenailleau, avocat associé

Jean-Luc Tixier, avocat associé

Auteurs

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François Tenailleau
Associé
Paris
Jean-Luc Tixier