Home / Publications / Fonds communs de placement

Fonds communs de placement

Vers des règles de commercialisation enfin unifiées en Europe

05/06/2019

Le 16 avril 2019, le Parlement européen a donné son accord provisoire à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter la distribution transfrontière des fonds communs de placement et, dans le même objectif, aux projets de directive modifiant la directive 2009/65/CE (« UCITS ») ainsi que la directive 2011/61/UE (« AIFMD ») (ensemble, la « Proposition »).

Pour rappel, cette Proposition vise ainsi tant (i) les produits, à savoir, les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (« OPCVM ») soumis à UCITS et les fonds d’investissements alternatifs soumis à l’AIFM (les « FIA » et, avec les OPCVM, les « Fonds »), y compris ceux relevant du label EuSEF ou EuVECA que (ii) leurs gérants (les « Gérants »).

Le Parlement a apporté un certain nombre d’inflexions au travers de la Proposition qui, si elles ne changent pas drastiquement la version du Conseil, en affectent réellement la substance.

1. La documentation commerciale

La version du Parlement reprend le principe de la Commission selon lequel il est exigé des gérants de fonds communs de placement qu’ils identifient clairement les communications publicitaires à destination des investisseurs. A cette occasion est rappelé le triptyque classique imposant de vérifier que ces informations soient correctes, claires et non trompeuses.

La version élaborée par le Parlement maintient également la règle, induisant une différence de traitement, en vertu de laquelle l’obligation incombant aux Gérants de vérifier que les communications publicitaires ne contredisent pas ou ne diminuent pas la portée des informations fournies dans les documents d’information sur un Fonds ne concerne que ceux pour lesquels un tel document est exigé, que cela soit en vertu du Règlement (EU) 2017/1129 dit « Règlement prospectus » ou des textes nationaux qui lui sont applicables. Cette obligation ne serait donc applicable à un autre FIA de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier (« CMF ») dont l’offre de titres financiers ne requiert pas un prospectus en vertu du Règlement éponyme alors même que sa société de gestion serait réglementée par l’Autorité des marchés financiers (« AMF »). En effet, le règlement issu de la Proposition serait d’application directe en droit français. Par conséquent, à moins que le législateur français surajoute au texte européen, l’obligation de vérification ne serait pas applicable à des véhicules (les autres FIA) dont l’offre de titre peut être réalisée sous un régime d’offre au public « sans prospectus ».

En revanche, la version du Parlement introduit une obligation frappée au coin du bon sens compte tenu de l’évolution des moyens de communication : l’obligation de faire figurer dans la documentation publicitaire, et de mettre à disposition des investisseurs, un hyperlien pointant vers un résumé des droits des investisseurs dans le fonds et, le cas échéant, explicitant les mécanismes de recours au niveau de l’Union ou national.

La Proposition prévoit la possibilité pour les autorités compétentes des Etats membres de se voir communiquer les communications publicitaires des OPCVM ou des FIA avant leur mise à disposition auprès des clients de détail, ces autorités disposant alors de 10 jours pour exiger des Gérants toute modification jugée utile. A propos de cette obligation, le Parlement prend soin de préciser que sa mise en œuvre peut être exigée de manière systématique ou en conformité avec d’autres pratiques de vérification et qu’elle est prescrite sans préjudice d’autres pouvoirs de surveillance visant à vérifier a posteriori les communications publicitaires. Si cette modification a pour vertu de rappeler le caractère optionnel de cette obligation, on peut regretter qu’en lui laissant un caractère subsidiaire, des pratiques très différentes puissent être constatées entre les opérateurs qui l’appliquent systématiquement et les autres.

2. Le régime de pré-commercialisation

Si le Parlement a repris le concept de pré-commercialisation et les règles envisagées par le Conseil, il les a très sensiblement modifiés. Il convient à cet égard de suivre avec attention cette évolution.

A ce jour, la définition donnée au concept de pré-commercialisation dans la Proposition est :

« la fourniture d’informations ou la communication, directe ou indirecte, sur des stratégies d’investissement ou des idées d’investissement par un gestionnaire établi dans l’Union, ou pour son compte, à des investisseurs professionnels potentiels domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union afin d’évaluer l’intérêt de ces derniers pour un [Fonds] ou un compartiment qui n’est pas encore établi ou qui est établi mais qui n’est pas encore notifié en vue de sa commercialisation conformément à l’article ( …), dans l’État membre où les investisseurs potentiels sont domiciliés ou ont leur siège statutaire, et qui, en tout état de cause, n’équivaut pas à un placement auprès de l’investisseur potentiel ou à une offre d’investissement dans des parts ou actions de ce [Fonds] ou de ce compartiment ; »

Il faut noter à cet égard que le Parlement limite le bénéfice du régime de la pré-commercialisation aux seuls gestionnaires établis dans l’Union européenne (« UE ») ; ce qui constitue un changement très important par rapport tant à la proposition du Conseil qu’à la réglementation actuelle de l’AMF qui s’applique aussi aux gestionnaires hors de l’UE.

Plus encore, le Parlement exclut le bénéfice du mécanisme de pré-commercialisation si les informations présentées aux investisseurs professionnels potentiels :

  • sont suffisantes pour permettre aux investisseurs de s’engager à acquérir des parts ou des actions d’un Fonds donné ;
  • équivalent à des formulaires de souscription ou à des documents similaires, que ce soit sous forme de projet ou sous forme définitive ;
  • équivalent à des actes constitutifs, à un prospectus ou à des documents d'offre d’un Fonds non encore établi sous une forme définitive.

Ainsi, le mécanisme de pré-commercialisation serait exclu dès lors qu’un prospectus final existe. En ce sens, la Proposition considère qu’un tel document ne peut être utilisé dans un régime de pré-commercialisation que si :

  • il ne contient pas suffisamment d'informations pour permettre aux investisseurs de prendre une décision d’investissement ; et
  • il indique qu’il ne constitue pas une offre d’actions ou de parts du Fonds.

Par ailleurs, au mécanisme simple du Conseil, le Parlement substitue un régime de contrôle relativement détaillé :

Selon la version du Parlement, un gestionnaire qui souhaite initier une activité de pré-commercialisation doit en informer son autorité de tutelle dans les deux semaines à compter du début de cette activité en précisant (i) les pays où ces activités ont lieu ou ont eu lieu, (ii) les périodes de ces activités, (iii) une description des activités conduites et des stratégies ainsi, le cas échéant, qu’une liste des fonds concernés. L’autorité de l’Etat d’origine en informe alors les autorités des Etats membres où sont conduites les activités de pré-commercialisation, lesquelles qui peuvent demander des informations complémentaires sur ces activités.

A cet égard, la Proposition reprend la règle de droit français selon laquelle les souscriptions dans un Fonds postérieurement à une activité de pré-commercialisation ne peuvent intervenir que pour autant que ledit Fonds ait bien fait l’objet d’une autorisation de commercialisation conformément à la réglementation applicable. De ce point de vue, la nouvelle version du texte crée une présomption selon laquelle toute souscription par des investisseurs professionnels, dans un délai de dix-huit mois à compter du début de la pré-commercialisation est considérée comme résultant d’une commercialisation.

3. Le danger pour les conseillers en investissements financiers

Les modifications ci-dessus sont certes impactantes. Toutefois, elles ne bouleverseraient pas, si la Proposition est adoptée, le paysage français de la commercialisation de Fonds. Une dernière évolution potentielle, en revanche, serait susceptible d’affecter sensiblement les acteurs. En effet, la Proposition envisage de limiter drastiquement les cas dans lesquels un tiers pourraient entreprendre des activités de pré-commercialisation pour le compte d’un gestionnaire agréé établi dans l’UE : seuls pourraient intervenir un tiers agréé comme entreprise d’investissement au sens de la directive 2014/65/UE (« MIF 2 »), comme établissement de crédit au sens de la directive 2013/36/UE, comme société de gestion d’OPCVM, ou comme gestionnaire de fonds d’investissement alternatif de FIA, ou encore un tiers agissant comme agent lié conformément à la directive 2014/65/UE. Dès lors, les acteurs tels que les apporteurs d’affaires ou purs tiers introducteurs, voire les conseillers en investissement financiers, ne pourraient plus conduire ces activités.

4. Un renforcement des pouvoirs au niveau européen

Si, comme pour tous les textes européens en ce domaine, la Proposition donne à l’ESMA des pouvoirs normatifs, elle introduit également des obligations pour les autorités compétentes de l’UE de rendre compte à cette dernière. L’objectif est de permettre au régulateur européen de constituer une base de données centrale recensant tous les FIA et OPCVM commercialisés de manière transfrontalière, ainsi que les gestionnaires des organismes de placement collectif concernés et les États membres dans lesquels a lieu la commercialisation. 

En conclusion : La Proposition telle que formulée par le Parlement introduit un renforcement au niveau européen du contrôle des activités de pré-commercialisation. Elle doit être suivie avec attention car elle diffère des textes de l’AMF en ce que :

  • elle renforce les pouvoirs de contrôles ex-ante des autorités de tutelle sur les documents commerciaux ;
  • elle encadre plus strictement les activités de pré-commercialisation et interdit le bénéfice de ce régime aux gérants hors de l’UE ; et
  • elle exclut les prestataires non-réglementés, tels que les CIF, du bénéfice du régime de la pré-commercialisation.

Article paru dans le magazine Option Finance - Innovation et Transformation le 27 mai 2019


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

expertise banque & finance

Expertise : Banque & Finance

expertise tokenisation 330x220

Fonds commun de placement : notre accompagnement

Auteurs

Portrait deJérôme Sutour
Jérôme Sutour
Associé
Paris