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Intégration fiscale : trois solutions favorables

29/05/2012


Deux décisions juridictionnelles et un rescrit administratif apportent d'intéressantes précisions en matière d'intégration fiscale sur les sujets suivants : groupe créé par une société nouvelle, sortie de groupe et amendement Charasse.


Deux décisions juridictionnelles et un rescrit administratif apportent d’intéressantes précisions en matière d’intégration fiscale.

I - Groupe formé par une société nouvellement créée

Agissant en qualité de gérant d’une EURL en voie de formation et pour le compte de celle-ci, un particulier a acquis, le 8 décembre 1995, 100% des titres de deux sociétés anonymes et institué l’EURL tête du groupe formé par elle-même et ses deux filiales. Conformément à la règle qui exigeait à l’époque la notification de l’option avant l’ouverture de l’exercice de prise d’effet de l’intégration, l’option a été exercée le 12 décembre 1995 en vue de produire effet au 1er janvier 1996, date d’ouverture par les filiales de leur prochain exercice. L’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés n’a toutefois été obtenue que le 3 janvier 1996.

Appliquant la doctrine administrative alors en vigueur selon laquelle une société nouvelle ne peut faire partie d’un groupe fiscalement intégré que si son immatriculation au RCS est antérieure à la date commune d’ouverture des exercices des sociétés du groupe, le vérificateur a contesté l’existence du groupe fiscal pour l’exercice 1996 et a assujetti les deux filiales à l’impôt sur les sociétés sur leurs résultats de cet exercice.

Saisi du pourvoi exercé par l’administration contre la décision de la CAA Marseille qui avait rétabli l’imposition groupée revendiquée par les trois sociétés concernées(1), le Conseil d’Etat conclut qu’aucune erreur de droit n’a été commise par la Cour.

Les conditions que doit respecter une société qui entend se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe qu’elle forme doivent être remplies à la date du fait générateur de l'imposition qui, pour l'imposition des bénéfices d'un exercice, est celle de sa clôture. Lorsque :

  • 95 % au moins du capital d'autres sociétés ont été acquis avant le début d'un exercice par une personne physique au nom d'une société en formation, pour le compte de laquelle une option pour le régime de l'intégration fiscale a été présentée dans le délai légal,
  • que cette société reprend rétroactivement, après son immatriculation au cours de l'exercice, ces engagements, qui sont ainsi réputés avoir été souscrits initialement par elle,
  • et qu'elle conserve les titres acquis jusqu'à la clôture de l'exercice,

cette société doit être regardée comme ayant détenu le capital des autres sociétés du groupe de manière continue depuis la date d'ouverture de l'exercice jusqu'à la date de sa clôture (arrêt CE du 7 mars 2012 n° 335047).

Comme on le sait, une intégration fiscale n’est possible qu’entre sociétés dont les exercices comportent une date d’ouverture et une date de clôture harmonisées. La décision analysée ci-dessus montre que le Conseil d’Etat interprète cette exigence de façon souple, en ce qui concerne la date d’ouverture, à l’égard d’une société qui constitue un groupe alors qu’elle est encore en formation. L’exercice de la société intégrante est ainsi considéré comme s’ouvrant au 1er janvier alors que cette société n’avait pas encore la personnalité morale à cette date. Si cette flexibilité doit être approuvée, elle ne dispense pas, selon nous, les fondateurs d’une société en formation de prévoir, dans les statuts ou dans un document annexé à ceux-ci, la date d’ouverture et de clôture de l’exercice social en vue de la reprise par la société des actes faits en son nom par ses fondateurs.

Dans le cadre des dispositions actuelles qui fixent la date limite de l’option pour la constitution du groupe à la date requise pour le dépôt de la déclaration du résultat de l’exercice précédant celui au titre duquel l’intégration est appelée à prendre effet, l’administration estime qu’une société créée en vue d’acquérir au moins 95 % du capital d’une filiale ne peut former avec cette société un groupe fiscal qu’à compter de son deuxième exercice d’existence (BOI du 19 juillet 2005, 4 H-2-05 n° 9). Cette solution nous paraît nettement condamnée par la volonté qu’exprime le Conseil d’Etat de faire sauter les obstacles à l’intégration d’une société qui n’a pas encore obtenu son immatriculation au début du premier exercice d’application de ce régime et serait ainsi dans l’incapacité d’établir un premier arrêté de ses comptes. Le nouvel arrêt nous semble aussi autoriser l’intégration, en tant que filiale, d’une société qu’une société membre du groupe a constituée avant la clôture d’un exercice sans en avoir encore obtenu l’immatriculation à l’ouverture de l’exercice suivant. Mais il faut que la société en formation ait déjà pris corps au travers de décisions impactant son patrimoine prises par sa fondatrice agissant pour son compte, notamment celle qui consiste à donner d’avance son accord à l’inclusion dans le périmètre du groupe.

II - Filiale cédée le dernier jour de l’exercice

La loi subordonne l’intégration d’une filiale à la condition que la détention de 95 % de son capital soit continue au cours de l’exercice. Toute cession en cours d’exercice faisant tomber au-dessous de 95 % le taux de la participation de la société mère dans le capital d’une filiale entraîne la sortie de celle-ci du périmètre du groupe à compter de l’ouverture de l’exercice. L’administration vient toutefois d’admettre que, lorsque les titres de la filiale sont, en tout ou partie, cédés le dernier jour de l’exercice, cette filiale puisse être maintenue dans le groupe au titre de cet exercice, sous réserve que toutes les autres conditions posées par l’article 223 A du CGI soient remplies.

Cette décision vise à permettre le maintien dans le résultat d’ensemble des résultats de la filiale sortante pour l’exercice au dernier jour duquel son capital est, en tout ou partie, cédé hors du groupe tout en autorisant la société du groupe cédante à constater le bénéfice tiré de cette cession dès la clôture du même exercice. Mais il s’agit là d’une simple faculté : le groupe ne perd pas le droit de renoncer à l’incorporation du résultat de la filiale cédée le dernier jour de l’exercice.

Le second mérite de cet assouplissement porte sur le cas où la filiale dont les titres sont cédés détient elle-même une ou plusieurs filiales figurant elles aussi dans le périmètre du groupe. Dès lors qu’à l’issue de la cession, son capital est réparti de telle sorte qu’aucune société soumise à l’impôt sur les sociétés ne la détient, directement ou indirectement, à 95 % au moins, la filiale sortante sera en droit de constituer sous son égide un nouveau groupe d’intégration fiscale dès l’ouverture de l’exercice qui s’ouvre au lendemain de la cession. La filiale cédée et ses propres filiales seront ainsi passées sans transition de leur groupe d’origine à un nouveau groupe (rescrit n° 2012/20 publié le 27 mars 2012).

III- Amendement Charasse

Dans le cas où l’achat des titres d’une société membre a été effectué auprès de l’actionnaire extérieur qui a le contrôle du groupe, la loi rend non déductible une fraction des charges financières du groupe pendant une période qui s’étend de l’exercice d’acquisition des titres jusqu’au huitième exercice suivant (quatorzième exercice suivant s’agissant des acquisitions réalisées au cours des exercices ouverts avant 2007 : dispositif dit amendement Charasse, CGI, art. 223 B, al. 7). Cette limitation est toutefois exclue « si la cession est opérée entre sociétés membres du même groupe ».

Une intégrante a, en 1994, cédé à une de ses filiales intégrées les titres de trois autres filiales membres du groupe. S'agissant d'une cession intragroupe, l'amendement Charasse ne trouvait pas donc à s'appliquer. Quelques années plus tard, la société cessionnaire, à l'occasion de son entrée en bourse, a constitué avec ses trois filiales un nouveau groupe d'intégration dont la société cédante ne faisait pas partie. L’administration a alors entendu mettre en œuvre le dispositif de l'amendement Charasse à l’encontre du nouveau groupe en décidant de lui faire subir les réintégrations de charges financières à compter de sa constitution. Sa position avait été approuvée par le Tribunal administratif de Montreuil(2).

La CAA Versailles, saisie en appel, juge au contraire que les dispositions qui excluent l’application de l’amendement Charasse en cas de cession intragroupe s’appliquent en considération de la seule situation existant à la date de la cession. Les restructurations susceptibles d’affecter l’existence ou le périmètre d’intégration du groupe postérieurement à la cession ne sauraient donc, faute de disposition législative en ce sens, remettre en cause le bénéfice de l’exclusion prévue en faveur des cessions intragroupe. Cette exclusion n’est notamment pas subordonnée au maintien des sociétés cédante et cessionnaire dans le même groupe jusqu’au terme de la période légale d’application des réintégrations.

L’administration paraît s’être rangée à l’avis de la Cour car elle s’est abstenue de se pourvoir en cassation (arrêt CAA Versailles du 29 novembre 2011 n° 10VE00785).


1. Arrêt du 3 novembre 2009, n° 07MA01104

2. Jugement n°07-749 du 7 janvier 2010, SA Otor


Par Jean-Yves Mercier, avocat associé et Emmanuelle Féna-Lagueny, avocat,

Article paru dans la revue Option Finance du 28 mai 2012

Auteurs

Portrait deFena-Lagueny-Emmanuelle
Emmanuelle Fena-Lagueny
Counsel
Paris