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Pas de prescription trentenaire pour les bons de caisse

Analyse d’une décision de la Cour de cassation

22/05/2012

Les bons de caisse sont des titres qui, juridiquement, sont plutôt déroutants. On sait ce qu'ils ne sont pas : ce ne sont pas des instruments financiers (C. mon. fin., art. L. 211-1, II, 3°, qui exclut les effets de commerce et les bons de caisse de la catégorie des titres financiers donc de celle des instruments financiers) ; ce ne sont pas non plus des effets de commerce selon la Cour de cassation (arrêt de 1995). Mais on peine à dire ce qu'ils sont exactement.

Ce n'est pas la décision rendue le 23 mars 2012 par la chambre commerciale de la Cour de cassation qui va contribuer à résoudre l'énigme.

En l'occurrence, un litige s'est noué entre une banque et une personne. Celle-ci retrouve dans le cadre d'une succession des reçus de trois bons de caisse émis en 1977 et 1978 pour un montant de 90 000 euros. En 2006, elle décide d'assigner la banque pour obtenir paiement de cette somme. Techniquement, le débat a alors été de savoir si devaient s'appliquer les règles de prescription de droit commun (dix ans à l'époque ; désormais, cinq ans) ou si pouvait trouver à jouer le dispositif spécial prévu à l'article L. 1126-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPP). Le texte prévoit que sont, notamment, acquis à L'Etat les actions, obligations, et autres valeurs mobilières « lorsqu'elles sont atteintes par la prescription trentenaire ou conventionnelle ». L'action n'était ainsi pas prescrite si l'article L. 1126-1 était jugé applicable.

Après la cour d'appel, la Cour de cassation décide que l'action en remboursement des bons de caisse était atteinte par la prescription. La justification est que les bons de caisse ne sont pas des valeurs mobilières « mais des titres exprimant une reconnais sance de dette de la banque qui a reçu les fonds dans le cadre de son activité ». Larrèt précise que, pour appliquer cette solution - prescription de droit commun, donc -, il importait peu que les bons de caisse aient été laissés en dépôt à la banque : passé le délai de dix ans, le porteur des reçus constatant ce dépôt ne pouvait en toute hypothèse prétendre au remboursement des bons de caisse.

La solution ne nous paraît pas entièrement convaincante. Il n'est pas douteux, certes, qu'il faille distinguer entre valeurs mobilières et bons de caisse : la Cour de cassation l'avait affirmé... dès 1927 et la conclusion se déduit aujourd'hui de l'article L. 211-1 mentionné plus haut.

On peut admettre volontiers qu'un bon soit regardé comme une reconnaissance de dette. Mais l'exclusion de la prescription trentenaire qui en est déduite semble contestable. En effet, l'article L. 1126-1 du CGPP englobe dans ce champ les « dépôts de titres et, d'une manière générale, tous avoirs en titres dans les banques... ».

Or, si les bons ne sont pas des « titres de créances » au sens de l'article L. 211-1, ils méritent incontestablement la qualification de titres négociables (à ordre ou au porteur) ; ce qui devrait rendre applicable la prescription trentenaire.

Par ailleurs, il convient d'indiquer, bien que la question ne se soit pas posée dans l'arrêt commenté, que le point de départ de la prescription, dix ans donc, doit être fixé non au jour de l'émission des bons, mais à celui de leur échéance conventionnelle de remboursement.

Article paru dans la revue Option Finance du 21 mai 2012


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Arnaud Reygrobellet
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Paris