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Regard sur...Les montages contractuels complexes

04/11/2011


1) Quels sont les apports du décret du 25 août 2011 modifiant le Code des marchés publics en matière de contrats globaux ?

Le décret prévoit la possibilité de recourir aux marchés associant conception et/ou réalisation, exploitation, maintenance (articles 73 et 177 du Code des marchés publics modifié).

Il s’agit pour partie de mettre en œuvre les dispositions de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite Grenelle II, mais la performance énergétique n’est pas la seule hypothèse concernée : ces contrats comportent des objectifs de performance mesurables qui peuvent s’exprimer notamment en termes « de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique ».

Ils peuvent être conclus soit pour la réalisation, l’exploitation et la maintenance (REM), soit pour la conception, la réalisation ou l’exploitation et la maintenance (CREM). Cette dernière hypothèse vise les marchés de conception-réalisation, le cas échéant encadrés par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique (loi MOP). Il ne peut alors y être recouru que « pour la réalisation d’engagements de performance énergétique dans un ou des bâtiments existants » ou pour les traditionnels - mais restrictifs – « motifs d’ordre technique ».

Ces contrats globaux de performance permettent de déroger au principe d’allotissement obligatoire posé par le Code. En revanche, l’interdiction de paiement différé ou la séparation obligatoire de la rémunération des prestations de construction et d’exploitation/maintenance subsistent. Il ne s’agit donc pas d’un succédané de contrat de partenariat, en l’absence de préfinancement.

Quoi qu’il en soit et si de nombreuses dérogations sectorielles avaient déjà été aménagées par les textes (pour les immeubles affectés à la police et à la gendarmerie, les établissements pénitentiaires, les bâtiments affectés aux services de santé…), les dispositions du décret laissent augurer une relance des contrats globaux. En effet, si l’objectif initial est uniquement de faciliter le recours au contrat de performance énergétique, la formulation retenue va bien au-delà.

2) Que sont les contrats de partenariat avec valorisation foncière ?

Ce sont des contrats de partenariat, au sens de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, dans lesquels des biens appartenant au domaine privé de la personne publique sont loués ou cédés, générant ainsi des « recettes de valorisation» qui viennent en déduction du coût des ouvrages utilisés par ladite personne publique.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, la valorisation foncière du domaine privé d’une personne publique ayant recours au contrat de partenariat peut se réaliser sous forme de baux de droit privé, notamment ceux constitutifs de droits réels (baux emphytéotiques ou baux à construction), à la condition que la personne publique ait, au préalable, donné son accord sur chacun d’eux.

Si le texte évoque les « baux consentis au titulaire », il est évident qu’il s’agit là d’une erreur de rédaction et qu’il faut y lire « consentis par ». On peut, à cet égard, regretter que l’amendement, déposé par les sénateurs Gaudin et Gilles à l’occasion de la discussion de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, qui faisait état de cette erreur, n’ait été ni débattu, ni repris dans la loi. Ces baux et droits peuvent être d’une durée supérieure au contrat de partenariat. Mais dans ce cas, ils sont repris au terme du contrat par la personne publique, ainsi que le spécifie expressément le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-567 DC relative à la loi du 28 juillet 2008.

Cette autorisation expresse du législateur était nécessaire pour l’attribution, par le partenaire, de droits réels que seul un « plein propriétaire » peut normalement conférer. Elle ne doit pas conduire à jeter un doute sur la possibilité de procéder à la valorisation sous forme de cessions, par la personne publique, soit au partenaire, soit à des tiers avec l’aide de celui-ci : il résulte là encore de la lecture des travaux parlementaires que l’absence d’évocation de cette possibilité n’est pas la manifestation d’une intention du législateur de les interdire. Une valorisation foncière sous forme de cessions reste donc possible. D’ailleurs, dans bien des cas, celui du logement notamment, seule cette forme est en pratique envisageable.

3) Qu'en est-il des autres montages que l'on pourrait qualifier de complexes ?

Ils sont variés et bien vivaces, comme par exemple les marchés de travaux payés par cessions de terrains, les opérations de crédit-bail mobilier avec prestations de maintenance ou les schémas de partenariat public-public accompagnés d’un marché global subséquent, lancés sous l’égide de la Caisse des dépôts et consignations. Mais ces montages posent parfois des questions juridiques délicates.

Parmi eux, on peut s’attarder sur celui, assez fréquent et bien utile, de la cession de terrain contre remise de locaux à construire (parfois improprement qualifiée de dation en paiement).

Une collectivité vend un terrain et se fait céder certains équipements qui seront construits par le promoteur de l’opération globale, qui sera réalisée sur le terrain. Si les critères posés par la jurisprudence Région Midi-Pyrénées du Conseil d’État du 8 février 1991 sont remplis, la collectivité publique n’aura pas à en être maître d’ouvrage et n’aura donc pas à respecter la loi MOP, ni le Code des marchés publics. C’est notamment l’hypothèse d’une intégration fonctionnelle de l’ouvrage dans un ensemble global. De même, les cessions de terrains des collectivités publiques (hors l’État) n’ont pas, en principe, à être précédées d’une mise en concurrence (pour un arrêt récent, voir CAA Versailles 2 décembre 2010, Monsieur P. C., req. n° 09VE02711). Mais, selon le degré de description et la nature des ouvrages destinés à être remis à la personne publique ou encore leur importance par rapport à l’opération, une qualification éventuelle du montage en marché de travaux au sens du droit communautaire (et non du Code des marchés publics) pourra alors s’imposer. Cela impliquera le respect d’une procédure de mise en concurrence non seulement au-dessus des seuils communautaires, mais aussi en-deçà (CE 3 juin 2009, Commune de Saint-Germain-en Laye, req. n° 311798).

On le voit, la mise en place de schémas complexes, pour attrayante qu’elle soit, dépendra largement des paramètres en présence et exigera, en toute hypothèse, une analyse circonstanciée.


Par François Tenailleau, Avocat Associé

Interview paru dans BCJP online n°23 | Novembre 2011

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Portrait deFrancois Tenailleau
François Tenailleau
Associé
Paris