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Zoom sur le bail à construction à l'envers

Nos avocats rappellent les spécificités du bail à construction à l’envers

12/04/2010

Quelle est la spécificité du bail à construction à l’envers ?

Le bail à construction (CCH art. L 251 s) oblige à titre principal le preneur à édifier des constructions sur le terrain du bailleur, confère au preneur un droit réel immobilier, librement cessible et librement hypothécable. Il est consenti pour une durée comprise entre 18 et 99 ans et confère au preneur la propriété des constructions édifiées et l’obligation de les conserver en bon état d’entretien et d’en supporter les charges et réparations et peut stipuler le paiement d’un prix sous diverses formes, loyer en numéraire, remise de locaux en cours de bail, en fin de bail, avec ou sans indemnité.

A défaut de stipulation contraire, le bailleur à construction accède à la propriété des constructions édifiées par son preneur sans indemnité et profite des améliorations. Moins fréquemment, le bailleur préfère récupérer son terrain après démolition des constructions que son preneur s’était à l’origine obligé à réaliser.

Dans le cadre de ce que la pratique dénomme « bail à construction à l’envers » le bail prévoit dès l'origine au contraire qu'il prendra fin par l’acquisition définitive de la propriété du terrain par le preneur.

Depuis quand ce dispositif existe-t-il ?

Il existe depuis la création du bail à construction par la loi du 16 décembre 1964. Le « bail à construction à l’envers » faisait partie du dispositif légal fiscal (art. 26 II de la loi du 26.12.1964 devenu art. 151 quater du CGI) destiné à encourager dans un contexte de fort besoin de foncier constructible la mise sur le marché de terrains qui auraient été autrement conservés par leur propriétaire : ces derniers ne voulant pas vendre à un promoteur ou un aménageur tant que cette vente entraînait taxation des plus-values immobilières réalisées à cette occasion.

Quel attrait pour ce « bail à construction à l’envers » ?

Ce type de bail prévoit le transfert de propriété du terrain au preneur moyennant un supplément de loyer échelonné sur la durée du bail ; ce supplément de loyer est fiscalement considéré comme le prix de cession du terrain et non pas comme un loyer imposable en tant que revenu foncier.

Quand la plus-value réalisée à cette occasion est imposée selon le régime des plus-values des particuliers (lorsque le bailleur est un particulier ou une société de personnes relevant de l’impôt sur le revenu), le principal attrait de ce dispositif réside dans le fait que la durée de possession alors prise en compte est la période comprise entre la date d’acquisition du terrain par le bailleur et la date de transfert de propriété en fin de bail. De ce seul fait, dès lors que ce type de bail est nécessairement d’une durée d’au moins dix-huit ans, l’exonération de la plus-value pour durée de détention est nécessairement acquise.

Comment ce dispositif s’inscrit –il dans le Pass-Foncier© ?

Le bail à construction est utilisé dans le cadre du dispositif du Pass-Foncier© entré en vigueur le 1er janvier 2007, mais uniquement pour la construction ou l’acquisition de maisons individuelles. L’utilisation de cette technique dans le cadre d’immeuble collectifs dans lesquels auraient coexisté des accédants classiques et des primo-accédants s’est avérée source potentielle de trop de complexité dans la structure et la gestion des ensembles immobiliers (qu’il aurait fallu diviser en volume) ce qui a conduit à ne pas retenir cette technique dans ce cadre (1).

Dans le cadre du dispositif du Pass-Foncier© une entité désignée par un comité interprofessionnel du logement (CIL) ou une chambre de commerce et d'industrie (CCI) acquiert les terrains pour les donner à bail à construction aux primo-accédants. Ce bail est assorti d’une promesse par le bailleur d'une cession du foncier au preneur accédant, sous condition suspensive du paiement du prix du terrain. L'accédant peut lever l’option d’acquisition du terrain par anticipation ou au terme du bail en versant au bailleur le prix du terrain, indexé. Chaque année, en fonction de la durée effective du portage, soit au taux de 1.5 % pour les salariés d'entreprises du secteur assujetti à la participation des employeurs à l'effort de construction (le "1 %" logement), soit au taux de l'inflation compris entre 2 % minimum et 4.5 % maximum pour les autres catégories d'accédants. L'accédant n’a donc pas à supporter l'intégralité des frais financiers de portage du terrain ni à supporter une hausse des prix du foncier. Dans cette première phase le dispositif ne présente donc pas d’analogie avec le « bail à construction à l’envers ». Le terrain est « porté » par le bailleur durant toute la période durant laquelle le primo-accédant rembourse l’emprunt relatif à la construction de sa maison ; il s’agit soit de l’emprunt ayant financé, soit le prix de son contrat de construction de maison individuelle, soit le prix de son contrat de vente en l’état futur d’achèvement.

En revanche à l’issue de cette première phase, le primo-accédant dispose aussi de la possibilité de demander la prorogation du bail, un supplément de loyer est alors payé pendant toute la durée de cette dernière ; le preneur devient propriétaire du terrain à l'issue de cette prorogation . Durant cette deuxième phase le Pass-Foncier© peut être considéré comme une variété de " bail à construction à l’envers ", même si seul un « surloyer » est payé à titre de paiement du prix. Le paiement du prix du terrain est ainsi transformé en un versement de loyer complémentaire, qui est versé annuellement, il n’en demeure par moins que dans ce cadre, le recours à cette technique procède d’une démarche très spécifique : elle vise à permettre au primo-accédant qui, à fin de la durée initiale du bail, ne pourrait avoir un accès au crédit pour payer le prix de l’achat du terrain, ou seulement dans des conditions médiocres, de bénéficier à l’issue de la première phase d’une facilité de financement de la part de son bailleur à construction.

L'usage croissant du Pass-Foncier© va-t-il conduire à la généralisation de l'usage du " bail à construction à l'envers "?

Le bail à construction à l’envers a été, et demeure occasionnellement, utilisé par des promoteurs vendeurs d’immeubles collectifs. A l’occasion des ventes en l’état futur d’achèvement, une quote-part indivise du droit au bail à construction à l’envers est transmise aux acquéreurs ; la copropriété est assise sur ce droit commun indivis sur le sol. Ce droit confère aux copropriétaires en fin de bail la propriété définitive du terrain. Faute d’avoir été organisée par les textes, l’analyse juridique exacte de cette situation est encore relativement variable, et le fonctionnement de l’immeuble en copropriété pendant la durée du bail se heurte à de nombreuses interrogations non résolues. Cela explique qu’en matière d’immeubles collectifs le dispositif soit demeuré confidentiel.

Quant à envisager que la pratique du bail à construction à l’envers dans le cadre du Pass-Foncier© encourage le développement de cette technique hors de ce cadre spécifique, cela semble peu probable dans la mesure où l’intérêt du dispositif du Pass-Foncier© réside dans le fait que le primo-accédant n’a pas à porter le terrain, mais cela suppose d’avoir des bailleurs publics ou parapublics car il est difficile d’envisager que des opérateurs privés puissent assurer un tel portage dans des conditions raisonnablement rentables.

(1) Le Pass-Foncier© existe également dans le collectif, mais c'est un dispositif purement financier, qui ne recoure pas à la technique du bail à construction.

Entretien avec Jean-Luc Tixier, avocat associé spécialiste en droit immobilier et droit public, Chargé d'enseignement à l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne

Paru dans la Revue Etudes Foncières n°143 | Janvier - Février 2010


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