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Pour qu’une relation commerciale soit établie

La stabilité est de mise !

26/06/2019

Sans stabilité des relations d’affaires, pas de continuité des relations commerciales. Sans continuité des relations commerciales, pas de rupture brutale. C’est ce que vient de rappeler a Cour de cassation dans une décision du 27 mars 2019. 

Les faits : la rupture d’une relation d’affaires

Une enseigne de prêt-à-porter réduit sensiblement son volume d’affaires avec un grossiste dans le domaine de l’habillement en 2011 (déférencement partiel) puis cesse toute commande en 2012 (déférencement total).

Le grossiste, qui estimait entretenir une relation commerciale établie depuis 17 ans avec l’enseigne, l‘assigne en rupture brutale sur le fondement de l’ancien article L.442-6, I, 5° du Code de commerce et demande des dommages-intérêts. L’enseigne de prêt-à-porter, de son côté, soutient qu’il n’y a pas eu de rupture brutale puisqu’il n’existait pas de relations commerciales établies.

La solution retenue par les juges : pas de rupture brutale en l’absence de relation commerciale établie

Après être avoir été débouté en première instance et en appel, le grossiste forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, confirme la solution retenue par la Cour d’appel (Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047).

Elle considère que "l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en [sa] continuité", empêche de qualifier ladite relation commerciale d’établie, et donc de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le terrain de la rupture brutale.

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel de Paris fondé sur l’existence d’un faisceau d’indices traduisant l’absence de relations stables pouvant inférer la croyance légitime en la continuité de la relation et de ce fait, caractériser une relation commerciale établie. 

L’instabilité des relations commerciales

Analysant les paramètres propres à la relation, les juges avaient relevé que :

  • les parties n’étaient liées par aucun accord cadre comportant un engagement de commandes minimal  ;
  • le grossiste était intervenu principalement pour effectuer de l’actualisation ou du réassortiment sur un faible nombre de références de vêtements pour la période considérée ;
  • le chiffre d’affaires était fluctuant et irrégulier entre 2003 et 2012 et nul en 2008.

Les relations ne revêtaient donc pas un caractère suivi, stable et habituel de sorte que la relation était empreinte d’une certaine précarité.

Une instabilité inhérente au secteur d’activité du prêt-à-porter

Les juges ont constaté que la fluctuation des commandes est une particularité du secteur de la vente de vêtements, caractérisé par un changement permanent des collections d’une saison à l’autre afin de s’adapter aux attentes des consommateurs. Cette fluctuation est conforme aux usages courants dans la profession.

Ce n’est pas la première fois que les juges prennent en compte les pratiques et spécificités d’un secteur d’activité pour conforter leur analyse quant au caractère précaire ou non de la relation. Ainsi, rappelons-nous l’affaire France télévisions contre sociétés Planète Prod et Press Planète (Cass. com., 18 mai 2010, n° 08-21.681 et surtout Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-24.425).

Toutefois, dans cette affaire, après un arrêt de renvoi, la Cour de Cassation avait affirmé, le 25 septembre 2012, qu’aucune distinction ne devait être faite entre les prestations contractuelles. Ainsi, si certains secteurs d’activité peuvent être marqués plus que d’autres par l’aléa et le caractère temporaire des relations, tel le secteur de la production audiovisuelle, ils ne doivent pas échapper au jeu de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce en raison de leur caractère saisonnier ou de la rotation fréquente qui peut les caractériser.

Au cas particulier, il nous semble que si le secteur de l’habillement peut être marqué par une certaine précarité des relations liée au caractère saisonnier des produits et aux phénomènes de mode, c’est surtout le fait que la relation n’était pas suffisamment suivie et consistante. Elle donnait lieu à des commandes fluctuantes. Les juges ont ainsi pu constater que la relation n’était pas stable.

L’instabilité d’une relation commerciale empêche la croyance légitime en sa continuité

La Cour de cassation déduit logiquement de l’absence de stabilité de la relation commerciale établie, l’impossibilité de la croyance légitime en sa continuité.

Ainsi, cette décision, qui se situe dans un courant jurisprudentiel désormais classique, rappelle que la stabilité constitue un prérequis indispensable à l’établissement d’une relation commerciale établie au sens de l’article L.442-6 5° du Code de commerce et, depuis le 26 avril 2019, au sens de l’article L.442-1 I, la nouvelle disposition retenant la même notion.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des affaires commerciales de Juin 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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