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Rupture brutale des relations commerciales

Possibilité de cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle

10/12/2018

Dans un arrêt récent, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions sur l’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies et sur le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle (Cass.com. 24 octobre 2018, n°17-25.672).

Le fondement de l’action : la rupture brutale des relations commerciales établies

En application de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, et respectant la durée minimale de préavis déterminée". 

Les faits à l’origine du litige

Au cas d’espèce, la société CRG, qui souhaitait participer au congrès annuel de l’Association dentaire française (ADF), avait adressé une demande d’admission assortie d’un acompte, encaissé par l’ADF. La société CRG s’est pourtant vu notifier un refus d’admission, malgré cet encaissement et la relation commerciale établie entre les deux sociétés depuis 1997.

Elle a donc assigné l’ADF pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

Elle lui reprochait, d’une part, d’avoir manqué à son engagement contractuel en refusant de lui attribuer un stand au congrès, et invoquait, d’autre part, la rupture brutale de la relation commerciale établie depuis 13 ans.

Approuvant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8 septembre 2014, la cour d’appel de Paris a confirmé :

  • la condamnation de l’ADF sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
  • la nature délictuelle de la responsabilité pour rupture brutale de la relation commerciale, sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5°,
  • le rejet de la demande indemnitaire présentée au titre de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, en se fondant sur le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle (CA Paris, 22 juin 2017, n° 14/26121).

La Cour a en effet déduit du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle que la société CRG, qui agissait sur le terrain de la responsabilité contractuelle et dont les demandes ont été partiellement accueillies, ne pouvait pas obtenir une indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle à raison des mêmes faits, analysés comme un seul et unique fait générateur, à savoir, le refus d’attribution d’un stand.

La société CRG s’est pourvue en cassation, soulevant ainsi la problématique des actions offertes au partenaire commercial victime d’une rupture brutale et notamment de la possibilité d’exercer concomitamment l’action en responsabilité fondée sur l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce et une action en responsabilité contractuelle.

La consécration d’un possible cumul des responsabilités pour rupture brutale des relations commerciales établies et contractuelle

La Cour de cassation a censuré l’arrêt au visa de l’ancien article 1147 du Code civil (aujourd’hui article 1231-1) et de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.

Elle a considéré que le principe de non-cumul "interdit seulement au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n’interdit pas la présentation d’une demande distincte, fondée sur l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, qui tend à la réparation d’un préjudice résultant non pas d’un manquement contractuel mais de la rupture brutale d’une relation commerciale".

Ainsi, l’action en responsabilité contractuelle peut se cumuler avec une action distincte fondée sur la rupture brutale d’une relation commerciale établie dès lors qu’elle repose sur une demande distincte et revendique un préjudice également distinct.

Que faut-il retenir de cette décision ? 

La Cour avait déjà eu l’occasion de juger que le principe de non-cumul "interdit seulement au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle" (voir en ce sens : Cass. com., 13 juillet 2010, n°09-14.985 ; Cass. Com., 12 juillet 2004, n°02-16.034). Dans ces affaires, la Cour de cassation avait censuré des cours d’appel pour avoir considéré à tort qu’il était interdit de formuler une demande subsidiaire, fondée sur la responsabilité délictuelle, dès lors qu’une demande principale avait été intentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

L’essentiel reste de réparer intégralement le préjudice, mais de ne pas le réparer deux fois (CA Paris, 30 septembre 2016, n°14/03616).

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Cet article a été publié dans notre Lettre des Affaires Commerciales de décembre 2018. Découvrez ci-dessous les autres articles de cette lettre.


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Auteurs

Brigitte Gauclere
Anne-Sophie Metiner