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Contrat d’agent commercial

nécessité d’une faute grave pour résilier sans indemnité

10/12/2018

Mandant, attention ! Il faut caractériser la faute grave de votre agent si vous entendez mettre fin au contrat d’agent commercial sans avoir à lui verser d’indemnité de fin de contrat.

C’est une position constante que la Cour de cassation vient de rappeler par un arrêt du 26 septembre 2018 (Cass. com., 26 septembre 2018, n° 17-17.743). L’indemnité de cessation de contrat due à l’agent commercial est de principe en cas de résiliation par le mandant, cette règle ne cédant qu’en cas de justification d’une faute grave. En l’absence d’une telle preuve, l’indemnité est due, comme ce fut le cas en l’espèce.

Le contexte : la rupture d’un contrat d’agent commercial sans indemnité 

Un mandant met fin au contrat d’agence commerciale qui le liait à son agent et invoquant une faute grave de sa part, refuse de lui verser l’indemnité de cessation de contrat réclamée.

Sur le fondement des articles L.134-12 (la cessation du contrat ouvre droit à indemnité compensatrice) et L.134-13 du Code de commerce (la faute grave de l’agent est une cause de résiliation du contrat), l’agent l’assigne en paiement d’une indemnité compensatrice. Condamné à payer en première instance et en appel, il se pourvoit en cassation.

Les griefs du mandant : une faute grave de son agent 

Le mandant avance divers arguments pour tenter de caractériser la faute grave. Il rapporte tout d’abord des courriers de clients se plaignant de la trop faible fréquence des passages de l’agent dans leur magasin. Il avance ensuite que l’agent n’aurait pas d’activité effective du fait de la baisse de ses résultats constatée plusieurs mois avant la cessation du contrat. Enfin, il argue d’un comportement déloyal de l’agent qui aurait vendu des produits concurrents sans l’en informer.

La position de la Cour d’appel sur la rupture du contrat d’agent commercial

Aucun de ces griefs n’est retenu. En effet, les manquements allégués avaient été tolérés par le mandant qui n’avait pas transmis à son agent les plaintes des clients. Il ne lui avait fixé aucun objectif de rendement et, de manière générale, ne lui avait adressé aucun reproche, ce d’autant plus qu’aucun écrit ne formalisait la relation entre les parties. La Cour note également que l’agent n’était tenu à aucune exclusivité et pouvait donc vendre des produits concurrents.

La confirmation de la Cour de cassation : l’existence d’une faute grave de l’agent doit pouvoir se prouver

La Cour de cassation retient que la Cour d’appel "s’est référée à l’absence de contrat écrit et de lettre de dénonciation des griefs imputés à l’agent préalablement à la rupture, aux seules fins de constater que M. X n’avait pu violer des obligations auxquelles il ne s’était pas engagé ni se voir reprocher des manquements qui avaient été tolérés, et qui, après les avoir analysés, a retenu, soit qu’ils n’étaient pas établis, soit qu’ils ne caractérisaient pas une faute grave".

En l’espèce, la preuve de la faute ne pouvait pas être apportée puisque le mandant n’avait pas expressément reproché à son agent les manquements prétendus et ne pouvait, en l’absence de contrat, invoquer des inexécutions précises à des obligations. Le mandant connaissait par ailleurs l’activité de vente de produits concurrents de son agent. N’ayant pas présenté d’éléments circonstanciés caractérisant la faute grave invoquée, le mandant ne pouvait donc s’exonérer du paiement de l’indemnité compensatrice réclamée par l’agent.

Rappelons que la preuve de la faute grave de l’agent, qui incombe au mandant (Cass. com., 17 octobre 2000, n° 98-10.299), est définie comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel (Cass. com., 15 octobre 2002, n° 00-18.122).

Des comportements connus et tolérés du mandant pendant l’exécution du contrat, s’ils peuvent être fautifs, ne peuvent toutefois constituer une faute grave puisqu’ils n’ont justement pas rendu impossible le maintien du lien contractuel (Cass. com., 7 avril 2009, n° 08-12.832). En ce qui concerne la baisse de chiffre d’affaires, les juges ont relevé qu’aucun objectif ne lui avait été fixé. Au demeurant, il a déjà été jugé que même en présence d’un objectif, la non-réalisation de celui-ci ne constitue pas une faute pour l’agent (Cass. com., 28 mai 2002, n° 00-16.857).

Moralité : la résiliation pour faute de son agent commercial ne s’improvise pas

Il est impératif de vérifier si des reproches circonstanciés et formalisés, d’une gravité suffisante, peuvent être invoqués.

Les manquements aux obligations contractuelles et au devoir de loyauté et d’information de l’agent à l’égard de son mandant devront être contraires à la finalité commune du mandat d’intérêt commun pour pouvoir valablement mettre fin au contrat d’agence sans que soit encouru le risque d’être condamné à verser l’indemnité de fin de contrat. Indemnité qui, rappelons-le, est en principe égale à deux ans de commissions, calculée sur la moyenne des commissions perçues au cours des trois dernières années d’exécution du contrat.

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Cet article a été publié dans notre Lettre des Affaires Commerciales de décembre 2018. Découvrez ci-dessous les autres articles de cette lettre.


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