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Code des communications électroniques européen

Transposition imminente

17/12/2020

La directive (UE) 2018/1972 du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen a refondu les dispositions relatives aux communications électroniques au sein d’un même texte.

Sa transposition en droit interne doit intervenir avant le 21 décembre 2020.

La transposition de la directive (UE) 2018/1972 du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (CCEE) aura lieu par ordonnance : l’article 38 de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DADUE) habilite le Gouvernement à cet effet.

La Direction générale des entreprises (DGE) avait anticipé cette habilitation en procédant à une consultation publique sur un projet de texte de transposition, du 16 janvier au 16 mars 2020, qui a suscité seize contributions. Le projet était constitué de huit documents distincts, portant sur différentes thématiques et présentant des dispositions de nature aussi bien législative que réglementaire. Leurs principaux apports étaient synthétisés au début de chacun d’entre eux. La publication devrait intervenir rapidement, car la France est tenue de procéder à la transposition de la directive avant le 21 décembre 2020.

On notera cependant que la loi DADUE a déjà partiellement procédé à cette transposition, en modifiant ou en créant des dispositions du Code des postes et des communications électroniques (CPCE) relatives au service universel des communications électroniques, ainsi qu’à la couverture par la 5G de zones déterminées par le ministre chargé des communications électroniques.

Régulation

La nomination des membres de l’ARCEP ferait l’objet d’une procédure de sélection ouverte et transparente. Les modalités n’en sont toutefois pas précisées.

Définitions

La notion d’opérateurs de communications électroniques serait remaniée au profit d’une approche fonctionnelle, plus proche de la réalité du secteur et plus protectrice des consommateurs.

On retrouve classiquement dans cette définition les fournisseurs d’accès à Internet, les services de transmission de signal, ainsi que les services de communications interpersonnelles fondés sur la numérotation, c’est-à-dire les services téléphoniques. Concernant ces derniers, il convient de rappeler que certains prestataires de services de contournement (over the top ou OTT) comme Skype Out y sont inclus conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (CJUE, 5 juin 2019, C-142/18, Skype Communications Sàrl vs. IBPT , § 39, 41 et 46) ce qui correspond au demeurant à la position historique de l’ARCEP. La principale nouveauté concerne l’inclusion de services OTT de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation, comme WhatsApp ou Messenger, qui sont néanmoins soumis à un régime allégé.

En outre, cinq définitions seraient ajoutées afin de transposer correctement le CCEE et de préciser le champ d’application de dispositions existantes :

  • "gestionnaire d’infrastructure d’accueil d’accès sans fil à portée limitée" ;
  • "infrastructure d’accueil des points d’accès sans fil à portée limitée" ;
  • "ressources de numérotation" ;
  •  "réseaux à très haute capacité" (qui correspondent aux réseaux fibrés ou équivalents) ; et
  • "réseaux à très haut débit", ce qui signifie que le débit est supérieur à 30 Mbits/s.

La lecture des réponses à la consultation souligne les divergences existantes entre les définitions de droit interne et de droit européen. De manière générale, les définitions du CPCE sont plus larges, ce qui entraîne des incertitudes quant au champ d’application de ses dispositions. Par exemple, les services de communications électroniques ou de communications interpersonnelles comportent dans les textes européens un critère économique du service "fourni normalement contre rémunération", qui n’est pas présent dans le CPCE.

Autorisation générale et obligations légales

L’autorisation générale est un principe cardinal du droit des communications électroniques, en vertu duquel la fourniture de services de communications électroniques, ainsi que l’établissement et l’exploitation de réseaux, sont libres. Il existe toutefois des exceptions, lorsque les ressources sont rares, comme pour l’exploitation de fréquences mobiles, qui doit être préalablement autorisée (voir notre article sur l’attribution des fréquences 5G).

En dehors de ces hypothèses, seule une déclaration préalable auprès de l’ARCEP était jusqu’à présent nécessaire pour exercer ces activités en France. Cela n’était toutefois pas sans conséquences, comme l’illustre l’opposition précédemment mentionnée entre l’ARCEP et Skype au sujet de la qualification de Skype Out comme service de communications électroniques. Ce conflit a d’ailleurs conduit à la création du délit de fourniture d’un service de communications électroniques sans déclaration préalable (articles L.39 et L.39-10 du CPCE), ainsi qu’à l’introduction de la possibilité pour l’ARCEP de procéder d’office à cette déclaration (article L. 33-1, alinéa 4).

L’obligation de déclaration préalable serait supprimée, sans modification corrélative des obligations des opérateurs de communications électroniques. Les principaux opérateurs, soutenant en cela la position de la Fédération française des télécoms (FFT), se sont montrés fortement opposés à la suppression de la déclaration préalable, notamment parce que la liste des opérateurs déclarés, publiée sur le site de l’ARCEP, sert de référentiel pour les opérateurs. Ainsi la qualification d’opérateur entraîne-t-elle un certain nombre de droits et obligations, dont des droits d’accès aux réseaux ou d’interconnexion ; l’absence de déclaration préalable risquerait, selon ces opérateurs rétifs, d’entraîner une inflation de demandes non sérieuses ou malveillantes qui seraient difficiles à identifier en l’absence de ce référentiel.

Le texte tend par ailleurs à harmoniser les obligations relatives à la sécurité des réseaux et des services de communications électroniques avec le cadre résultant de la directive 2016/1148 du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d'information dans l'Union (directive NIS, pour Security of network and information services). Le projet modifie en outre les dispositions relatives aux appels d’urgence, renommés pour l’occasion "communications d’urgence" et dont le champ est élargi. Plusieurs opérateurs ont estimé que les communications d’urgence étaient définies trop largement et qu’il conviendrait d’en exclure celles qui ne sont pas fondées sur la numérotation. La FFT indiquait en outre que ces communications devraient être compensées par la "juste rémunération des coûts afférents", conformément à ce qui figure dans le CCEE.

Enfin, le texte de transposition imposerait, d’une part, la mise en place au plus tard le 21 juin 2022 d’un système d’alerte "aux publics" activable à la demande du Premier ministre ou d’un préfet (article D.98-8-7 du CPCE) et, d’autre part, l’obligation d’acheminer des communications d’intérêt général aux utilisateurs sur demande du Premier ministre ou d’un préfet, sur des questions déterminées à l’article D.98-8-8 du CPCE, telles que les atteintes aux droits en matière de protection des données, aux droits d’auteur, aux droits voisins, ou encore aux moyens de protection contre les risques d’atteinte à la sécurité individuelle ou à la vie privée.

Etat du réseau, planification des déploiements et demandes d’informations aux entreprises

La DGE indiquait que le principal apport du CCEE sur le sujet réside en son article 22, relatif aux relevés géographiques des déploiements de réseau. Le projet de texte de transposition prévoit en conséquence la mise en place d’un relevé géographique de la couverture existante et future des territoires par l’ARCEP, suivie du lancement d’un appel à manifestation d’intérêt à deux tours par le ministre chargé des communications électroniques et sous le contrôle de l’ARCEP, bénéficiant aux territoires où aucun débit descendant d’au moins 100 Mbps n’est déployé.

La transposition de ce dispositif a finalement été réalisée par le législateur, à l’article 40 de la loi DADUE, qui crée notamment un article L.33-12-1 au CPCE. Dans les zones identifiées par le ministre chargé des communications électroniques à la suite du relevé géographique de l’ARCEP, le ministre peut adresser un appel à manifestation d’intention aux opérateurs, y compris aux collectivités territoriales et à leurs groupements. En cas de déclaration d’intention d’un opérateur, celle-ci est portée à la connaissance du public, afin que les autres personnes intéressées puissent se manifester.

Service universel des communications électroniques

Ici encore, le législateur a pris les devants en transposant le CCEE sans attendre l’ordonnance, satisfaisant ainsi à la demande figurant dans la réponse de l’Association des maires de France lors de la consultation publique sur le projet de transposition.

Conformément au CCEE, l’article 39, qui crée notamment les articles L.35-1 à L.35-5 du CPCE, étend la définition du service universel à l’Internet haut débit, qui doit donc être disponible pour tous. Cette évolution fait écho aux débats sur l’accessibilité numérique des services publics, dont la dématérialisation s’accroît rapidement sans que nombre d’habitants des territoires ruraux ne jouissent d’un accès à une connexion suffisante.

Le législateur a également transposé les dispositions relatives à la surveillance et au niveau des prix de détail applicables aux prestations de service universel, en confiant cette mission à l’ARCEP. Lorsque ce prix demeure trop élevé pour les utilisateurs finals à faibles revenus ou ayant des besoins sociaux particuliers, les opérateurs doivent mettre en place "des options, des formules tarifaires ou des réductions tarifaires qui diffèrent de celles offertes dans des conditions normales d’exploitation commerciale". Le ministre chargé des communications électroniques peut également lancer un appel à candidatures auprès des opérateurs, voire désigner ceux d’entre eux qui devront proposer ces offres préférentielles, l’Etat compensant le coût de ces obligations de service universel.

Accès aux réseaux

La régulation symétrique de l’accès aux réseaux fixes n’est pas bouleversée dans le projet de texte de transposition, malgré les importants apports du CCEE, en raison de la précision du cadre régulatoire préexistant.

Le CCEE permet aux pouvoirs publics d’imposer la mutualisation des réseaux mobiles sous certaines conditions, notamment celle de leur caractère strictement nécessaire et la mention de cette obligation dans l’autorisation initiale d’exploitation du réseau. Cela fait écho aux obligations de partage d’infrastructures figurant dans les autorisations délivrées par l’ARCEP pour l’exploitation de réseaux mobiles et en dernier lieu de la 5G. Le texte de transposition prévoit, selon la DGE, que cette mutualisation peut être imposée par l’ARCEP pour le partage d’infrastructures passives et l’itinérance, sans que soit en revanche mentionnée l’hypothèse d’un partage d’infrastructures actives autre que l’itinérance. La FFT relevait toutefois que le dernier alinéa de l’article 42-1, II, 9° du CPCE, tel qu’il figure dans le projet de transposition, peut s’interpréter comme une obligation de partage d’infrastructures actives généralisée avant tout déploiement, ce qui porterait atteinte au libre établissement des réseaux.

La régulation asymétrique serait également renforcée, puisque les opérateurs "puissants" pourraient proposer à l’ARCEP de prendre des engagements de co-investissement, notamment dans le développement de réseaux de fibre optique, en échange d’un assouplissement de la régulation symétrique ou des mesures de régulation asymétrique adoptées par l’ARCEP à leur égard, ou encore dans le but de céder des installations et équipements de réseau d’accès local. La DGE envisageait, dans le cadre de la consultation publique, d’étendre ce dispositif à des hypothèses où aucun opérateur n’exerce d’influence déterminante sur un marché pertinent. Dans l’ensemble, les opérateurs se sont montrés soit défavorables, soit prudents sur cette perspective, évoquée sans proposition de texte à l’appui.

Spectre

L’attribution de blocs dans la bande de fréquences 3,4-3,8 GHz pour le déploiement de la 5G est fixée au 31 décembre 2020, sans qu’un texte de transposition ne soit nécessaire. Ces fréquences ont en effet été attribuées par plusieurs décisions du 12 novembre 2020 à la suite de l’appel d’offres organisé sous l’égide de l’ARCEP (voir notre article sur ce sujet).

En outre, afin de garantir une stabilité et une visibilité suffisantes pour les opérateurs, les autorisations d’utilisation des fréquences doivent être accordées pour quinze ans, avec une éventuelle prorogation de cinq ans. Cela correspond à la durée des autorisations du 12 novembre 2020.

Par ailleurs, la notion de "points d’accès sans fil à portée limitée" (traduction de small cells), mentionnée plus haut à propos des définitions, serait introduite afin de favoriser leur déploiement en sus des points d’accès classiques. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) regrettait, dans sa réponse à la consultation de la DGE, la limitation du droit d’accès à ces points à l’"exploitant de réseau ouvert au public à très haut débit", excluant donc les collectivités territoriales et leurs groupements.

Enfin, deux ensembles de dispositions intéressent l’Agence nationale des fréquences et les instances européennes. D’abord, la mise en place d’un système d’évaluation mutuelle des procédures d’attribution de fréquences entre Etats membres afin que ces derniers puissent partager leurs bonnes pratiques. Ensuite, la compétence accordée à la Commission européenne pour trancher les litiges entre Etats membres concernant la gestion des brouillages transfrontaliers.

Numérotation

Afin de satisfaire les besoins liés au développement de l’Internet des objets (the Internet of things  ou IoT), l’ARCEP pourrait désormais attribuer des numéros à des personnes morales autres que des opérateurs de communications électroniques, sous réserve que les besoins des opérateurs en ressources de numérotation soient par ailleurs satisfaits.

Cela concerne principalement l’utilisation de ressources de numérotation pour des services de communication machine to machine (ou M2M). Jusqu’à présent, les prestataires de services M2M devaient en effet :

  • soit se voir attribuer des blocs de numérotation par l’ARCEP comprenant un grand nombre de numéros qu’ils n’utilisaient pas, alors que cela faisait peser sur eux des redevances importantes ;
  • soit obtenir la mise à disposition de numéros par l’attributaire de blocs de numérotation.

La transposition en cours tend donc à favoriser le développement de la domotique, ainsi que d’autres usages du M2M, par exemple dans les transports avec les véhicules connectés ou dans l’énergie avec les réseaux intelligents (ou smart grids).

Par ailleurs, le droit à la portabilité des numéros ne serait plus conditionné à un changement concomitant d’opérateur et pourrait survivre un mois après la résiliation effective de l’abonnement téléphonique.

Droits des consommateurs

Diverses dispositions concernant les consommateurs devront enfin être transposées. On peut notamment citer l’indemnisation des consommateurs en cas de méconnaissance par l’opérateur des règles concernant le portage et le changement de fournisseur, ou encore en cas de non-présentation d’un fournisseur à un rendez-vous de service et d’installation. Cette indemnisation devrait intervenir dans les trente jours ; son montant est prévu dans le projet de texte de transposition. En premier lieu, selon le texte, l’indemnité ne pourrait être inférieure, en cas de perte de portage, "à vingt-quatre fois le prix mensuel toutes taxes comprises de l’abonnement au service souscrit par le consommateur chez le fournisseur responsable de la perte de la portabilité". En second lieu, dans l’hypothèse susmentionnée de retard, l’indemnisation ne pourrait être inférieure, "par jour de retard, au quart du prix mensuel toutes taxes comprises de l’abonnement au service souscrit par le consommateur".

En outre, les consommateurs seraient mieux informés au stade de la souscription des offres par un récapitulatif contractuel dont le modèle a été établi par la Commission européenne, ou encore dans le cadre de l’exécution des contrats sur le risque de "hors forfait". La résiliation des offres serait également mieux encadrée afin d’améliorer la mobilité des consommateurs, puisque les informations permettant la résiliation devraient être disponibles sans que le consommateur ait besoin de contacter son fournisseur ; cela permettrait de faire obstacle à certaines pratiques de fournisseurs d’accès à Internet dénoncées par les associations de consommateurs.

Enfin, on notera avec intérêt que les micro-entreprises, petites entreprises et organisations à but non lucratif bénéficieraient de certains droits des consommateurs, tandis que les prestataires de services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation seraient soumis à certaines des obligations applicables aux autres opérateurs de communications électroniques.

  

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