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Actualités 07 May 2025 · France

Délai quinquennal de prescription pour l'action en réduction et l'action en délivrance de legs

10 min de lecture

Sur cette page

Le délai de prescription applicable à l’action en réduction, pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, et à l’action en délivrance de legs est le délai de prescription de droit commun de cinq ans.

Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, no 22-19365, FS–B (cassation partielle sans renvoi CA Bastia, 25 mai 2022) : DEF 6 févr. 2025, n° DEF223y5, note S. Gaudemet ; GPL 21 janv. 2025, n° GPL472f1, note L. Marteaux ; DEF 21 nov. 2024, n° DEF222x9 

Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, no 22-20367, FS–B (cassation CA Versailles, 14 juin 2022) : DEF 6 févr. 2025, n° DEF223z0, note A. Chamoulaud-Trapiers ; GPL 21 janv. 2025, n° GPL472d4, note A. Depret 

1. Deux décisions rendues le même jour par la Cour de cassation font application de la prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil

2. La première affaire (Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, n° 22-19.365) portait sur l’action en réduction de donations. Le 18 avril 2001, un époux marié sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts décède, laissant pour lui succéder son conjoint et quatre enfants. Dans le cadre d’une action en liquidation et partage de la succession intentée seulement le 6 septembre 2016, soit plus de 15 ans après le décès, deux des enfants réclament la réduction de donations d’immeubles et de donations déguisées sous la forme d’assurances sur la vie dont auraient bénéficié les deux autres enfants. 

La cour d’appel de Bastia considère que l’action en réduction était soumise à un délai de prescription de 30 ans.

L’arrêt est cassé au motif que « l’action en réduction, que l’article 921, alinéa 1er, du Code civil reconnaît à ceux au profit desquels la loi fait la réserve et à leurs héritiers ou ayants cause, présente le caractère d’une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du même code, quand bien même elle aurait pour effet de résoudre la question de l’existence d’un droit réel sur les biens donnés ou légués » (pt 11 de l’arrêt). La Cour de cassation en déduit que « le délai de prescription de l’action en réduction relative à une succession ouverte avant le 1er janvier 2007, ramené de trente à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a expiré au plus tard le 18 juin 2013 à 24 heures » (pt 12).

3. La seconde affaire (Cass. 1re civ., 23 oct. 2024, n° 22-20.367) était relative à la délivrance d’un legs universel. Le défunt, décédé le 8 décembre 2008, a laissé pour lui succéder son fils unique et un tiers légataire universel. Le légataire demande la délivrance de son legs seulement le 12 mai 2014, soit plus de cinq ans après le décès.

Confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Versailles sur ce point, la Cour de cassation énonce que « l’action en délivrance du legs, qui présente le caractère d’une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du [Code civil] » (pt 8) ; la demande de délivrance du legs était donc prescrite et son legs était privé de toute efficacité.

4. Dans ces deux affaires, le litige portait sur le délai de prescription applicable, qui dépendait de la nature de l’action menée. Dans les deux cas, la Cour de cassation a qualifié de personnelle l’action engagée et a, dès lors, appliqué le délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du Code civil..

5. S’agissant de l’action en réduction, un délai spécial de prescription, instauré par la réforme des successions de juin 2006, est prévu à l’article 921, alinéa 2, du Code civil : pour être recevable, l’action en réduction doit être intentée dans les cinq ans à compter du décès ou, au-delà, jusqu’à dix ans après le décès à condition d’être exercée dans les deux ans qui ont suivi la découverte de l’atteinte à la réserve 1. Cependant, ce délai ne vise que les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007. Pour les successions antérieures, comme celle de la première espèce, le délai de prescription était initialement de 30 ans 2. Cependant la réforme de la prescription du 17 juin 2018 a modifié les règles applicables en matière de prescription extinctive. Le délai des actions mobilières et personnelles est passé à cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de la réforme. Les actions réelles immobilières restaient soumises à la prescription trentenaire.

S’agissant de l’action en réduction, sa nature faisait débat : si la majorité des auteurs qualifiait l’action en réduction d’action personnelle 3, certains auteurs soutenaient qu’elle était une action réelle immobilière 4, toujours soumise au délai de prescription de 30 ans. À l’occasion d’un contentieux international, la Cour de cassation avait apporté en 2021 un début de réponse en qualifiant de « mobilier » l’action en réduction, y compris lorsqu’elle concerne une donation portant sur un bien immobilier 5 : il s’agissait cependant d’une action en réduction relative à un décès postérieur au 1er janvier 2007.

L’arrêt du 23 octobre 2024 tranche clairement le débat en retenant la nature personnelle de l’action en réduction et en prenant le soin de préciser que cette nature ne change pas, même si elle a pour effet de résoudre une question liée à l’existence d’un droit réel sur les biens donnés ou légués. Il en découle que le délai pour agir en réduction est passé de trente à cinq ans à compter de la réforme de la prescription de juin 2008. Sauf éventuelle cause de suspension ou d’interruption (dans la limite du délai butoir de 20 ans prévu à l’article 2232 du Code civil), le délai pour agir en réduction contre des donations consenties par des personnes décédées avant le 1er janvier 2007 a donc expiré en juin 2013. L’action des demandeurs au cas particulier était donc prescrite.

À noter que comme le conflit opposait des enfants du défunt, on s’étonne que les demandeurs n’aient pas plutôt formulé une demande de rapport des donations puisque, contrairement à l’action en réduction, le rapport à la masse à partager a lieu de plein droit et est imprescriptible tant que le partage n’a pas eu lieu 6.

6. Concernant l’action en délivrance de legs, l’enjeu lié à la nature de l’action est double. Comme pour l’action en réduction, la nature de l’action en délivrance de legs permet de déterminer si le délai de prescription pour les décès anciens est passé de trente à cinq ans avec la réforme de la prescription de 2008. Parallèlement, elle permet également de trancher un autre débat qui est né à la suite de la réforme du droit des successions de juin 2006. Le législateur a en effet fait passer en 2006 de trente à dix ans le délai de prescription de l’option successorale (C. civ., art. 780)). Certains auteurs ont alors estimé que l’action en délivrance de legs devait être soumise au même délai que le délai d’option, soit dix ans à compter du décès 7. D’autres auteurs ont souligné que la délivrance était distincte de l’option successorale : la délivrance se limite à reconnaître l’existence du droit du légataire, là où l’option lui permet d’accepter ou non son legs. Ces auteurs estimaient donc que l’action en délivrance devait être soumise au délai de droit commun de cinq ans, et non au délai spécial de dix ans prévu pour l’option successorale 8. Enfin, d’autres encore pensaient que le délai de prescription dépendait de l’objet du legs : mobilier ou immobilier 9.

Là encore, l’arrêt du 23 octobre 2024 tranche le débat doctrinal : comme pour la réduction, la Cour de cassation qualifie de « personnelle » l’action en délivrance de legs et la soumet à la prescription de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du Code civil. Au cas particulier, l’action du légataire était donc prescrite.

On peut remarquer que la cour d’appel avait fixé le point de départ du délai de l’action en délivrance au jour du décès du testateur. Ce choix est surprenant car l'article 2224 du Code civil  fixe le point de départ de la prescription quinquennale du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Selon nous, le délai de prescription ne devrait donc commencer à courir que du jour où le légataire est informé de l’existence du testament par le notaire en charge du règlement de la succession. En effet, dans certains cas, il peut potentiellement s’écouler des mois avant que cette information n’ait lieu, le temps de retrouver le bénéficiaire. Par ailleurs, même dans l’hypothèse où, du vivant du testateur, le légataire avait pu être au courant de l’existence du testament en sa faveur, il ne pourra être sûr que ce testament n’a pas été révoqué et est bien le dernier en date que lorsque le notaire l’aura informé du legs en sa faveur. En définitive, compte tenu de la diminution du délai d’action par la réforme de la prescription de 2008 et de l’incertitude concernant son point de départ, les légataires soumis à l’obligation de délivrance devront être vigilants et devront, en pratique, demander dès que possible la délivrance du legs, l’accepter et en réclamer le paiement 10


1 –  Cass. 1re civ., 7 févr. 2024, n° 22-13.665. 
2 –  Cass. 1re civ., 24 nov. 1987, n° 86-10.635. 
3 –  Not., M. Grimaldi, Droit des successions, 8e éd., 2020, LexisNexis, n° 905, p. 719 ; F. Sauvage, RJPF 2017-4, p. 42 
4 –  Not., Dr. famille 2017, comm. 165, obs. M. Nicod. 
5 –  Cass. 1re civ., 14 avr. 2021, n° 19-24.773, FS-P. 
6 –  Cass. 1re civ., 22 mars 2017, n° 16-16.994, F-PB. 
7 –  Not., M. Nicod, « Prescription de l’action en délivrance d’un legs », Dr. famille 2015, comm. 128 ; JCl. Civil Code, art. 1003 à 1013, fasc. 20, D. Vigneau. 
8 –  Not., M. Grimaldi, Droit des successions, 8e éd., 2020, LexisNexis, n° 436, p. 348 ; F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, 5e éd., 2024, Dalloz, n° 842 ; C. Brenner et P. Malaurie, Droit des successions et des libéralités, 11e éd., 2024, LGDJ, n° 419, EAN : 9782275143088. 
9 –  En ce sens, C. Jubault, Droit civil. Les successions. Les libéralités, 2e éd., 2010, Montchrestien, n° 903. 
10 –  Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, n° 19-22.693. 


Article paru dans la Gazette du Palais le 25 mars 2025