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EGALIM 2 et les négociations commerciales

loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021

28/10/2021

Née du constat d’échec de la loi Egalim I à atteindre ses objectifs, la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 dite « loi Egalim 2 » ambitionne à son tour de renforcer la transparence dans les relations commerciales du secteur agroalimentaire afin d’améliorer la rémunération des agriculteurs.

De nombreux apports de ce nouveau texte vont avoir un impact significatif sur le déroulement des négociations commerciales 2022 dans l’agroalimentaire, déjà en cours pour certaines, mais aussi, plus généralement, dans les relations fournisseurs/distributeurs.

Nous vous présentons ici les principales contraintes auxquelles les acteurs économiques vont devoir s’adapter rapidement, si ce n’est dans l’urgence - certaines dispositions étant d’application immédiate (20 octobre 2021) ou légèrement différée au 1er novembre 2021 ou au 1er janvier 2022 - que ce soit en matière de conditions générales de vente (CGV), de convention récapitulative, de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles entrant dans la composition des produits alimentaires ou de pénalités logistiques, pour ne citer qu’elles. 

Transparence dans l’agroalimentaire, sanctuarisation du prix des matières premières agricoles, encadrement des contrats MDD et nouvelle pratique restrictive

I. Une partie des CGV dédiée aux matières premières agricoles (art. L. 441-1-1 nouveau C. com ; art. 4, I 1° et 16, II de la loi)

▶ Triple option

Afin d’assurer la transparence du prix des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles entrant dans la composition des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie (ci-après les « produits transformés »), les CGV devront indiquer, au choix du fournisseur, sans que l’acheteur puisse interférer dans cette décision (art. L. 441-1-1, I nouveau C. com. et art. 16, II 1° de la loi) :

• Option 1 : pour chaque matière première agricole et chaque produit transformé qui entre dans la composition du produit alimentaire, sa part en pourcentage en volume et en pourcentage du tarif
fournisseur dans cette composition (pourcentage unitaire).

• Option 2 : la part agrégée, en pourcentage en volume et en pourcentage du tarif fournisseurde l’ensemble des matières premières agricoles et produits transformés
qui entrent dans la composition du produit alimentaire (pourcentage agrégé).

• Option 3 : l’évolution du tarif du fournisseur du produit alimentaire concerné par rapport à l’année N-1. En l’absence de précisions, on suppose que cette évolution devra être exprimée en pourcentage. S’il choisit cette option, le fournisseur devra, à ses frais, avoir recours à l’intervention d’un tiers indépendant, chargé de certifier que la négociation n’aura pas porté sur la part de l’évolution résultant de celle du prix des matières premières agricoles (i.e prix payé pour la livraison de produits agricoles par un premier acheteur, par une organisation de producteurs avec transfert de propriété ou par une coopérative agricole ; art. L. 441-1-1, III nouveau C. com.) ou des produits transformés entrant dans la composition du produit. Cette option, qui évite comme l’option 2 au fournisseur de révéler dans ses CGV le prix détaillé payé en amont et partant la marge réalisée sur un produit, conduit de facto à interdire la négociation du prix des matières premières agricoles et des produits transformés composant le produit vendu, interdiction expressément consacrée par l’article L. 443-8, II nouveau du Code de commerce (voir ci-dessous II).  

Le fournisseur devra transmettre au tiers indépendant les pièces nécessaires à cette certification qui devra intervenir au plus tard dans le mois suivant la conclusion du contrat. En l’absence de certification, les parties souhaitant poursuivre leur relation contractuelle devront nécessairement modifier leur contrat dans les deux mois de sa signature.

Dans les options 1 et 2, l’acheteur pourra également, mais à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant (tenu au secret professionnel) pour attester (et non certifier) l’exactitude des éléments figurant dans les CGV. Le fournisseur devra dans ce cas transmettre à ce tiers, sous dix jours, les pièces justificatives. En cas d’inexactitude ou de tromperie volontaire du fournisseur sur la part agrégée des matières premières agricoles (volume du produit ou tarif) rendant impossible la délivrance d’une attestation, les frais de l’intervention seront alors supportés par ce fournisseur (art. L. 441-1-1, II nouveau C. com.). 
 

La liste des professions présumées présenter les garanties pour exercer la mission de tiers indépendant pourra être fixée par décret. A noter que le recours à un tiers indépendant ne dispense pas le fournisseur de conserver un exemplaire des pièces justificatives afin de répondre, le cas échéant, aux demandes de l’Administration (art. L. 441-1-1, II et VI nouveaux C. com.).  

▶ Exclusion

Cette nouvelle obligation ne sera applicable ni aux grossistes au sens du II de l’article L. 441-4 pour leurs actes d’achat et de revente, ni à certains produits alimentaires, catégories de produits alimentaires ou produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, dont la liste doit être définie par décret, pris après concertation avec les organisations interprofessionnelles concernées, en raison des spécificités de leur filière de production. La référence aux spécificités des filières de production devrait limiter le nombre de produits alimentaires susceptibles d’être concernés par cette exclusion.   

En visant à la fois les actes d’achat et les actes de revente des grossistes, la loi écarte donc du périmètre de la nouvelle obligation les CGV des grossistes. Il reste à déterminer si la référence aux actes d’achat des grossistes permet d’écarter également leurs fournisseurs.  Une clarification est attendue rapidement car bon nombre de fabricants ont pour seuls acheteurs des grossistes auxquels la loi assimile, rappelons-le, les centrales d'achat ou de référencement de grossistes.

▶ Dérogation possible

Les produits alimentaires et produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie dont la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés ne dépasse pas 25 % pourront être dispensés du respect de cette obligation par décret (art. L. 441-1-1, I nouveau C. com.).

▶ Sanction administrative

Tout manquement à la nouvelle règle de transparence sera passible d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, ces montants pouvant être doublés en cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation devenue définitive (art. L. 441-1-1, I nouveau C. com.).
A noter que les CGV devront également indiquer - sans que cette obligation ne soit assortie de la même sanction – s’il existe déjà un contrat de vente, conclu en application du nouvel article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime (obligation de contractualisation écrite des ventes de produits agricoles livrés sur le territoire français applicable à une date fixée par décret au plus tard le 1er janvier 2023) portant sur les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l’alimentation des animaux de compagnie (art. L. 441-1-1, IV nouveau C. com).  

▶ Entrée en vigueur

Ces nouvelles dispositions sont applicables à toutes les CGV concernant des produits alimentaires et des produits alimentaires pour animaux domestiques communiquées à compter du 1er novembre 2021 (art. 16, I 1°). En d’autres termes, toutes les CGV concernées communiquées à compter de cette date devront être conformes pour pouvoir servir de socle aux négociations commerciales de 2022.

Sur la communication des CGV à l’acheteur, voir ci-dessous II.

II. Une nouvelle convention récapitulative spécifique aux produits alimentaires (Art. L. 443-8 nouveau C. com. ; art. 4, I 2° de la loi)  


▶ Champ d’application

La loi Egalim 2 impose, dans les relations fournisseur/acheteur, la conclusion d’une nouvelle convention écrite, spécifique aux produits alimentaires et aux produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie dont les CGV sont soumises à la nouvelle obligation de transparence (voir ci-dessus I).

Le périmètre de cette nouvelle « convention produits alimentaires » dépassant le cadre des seules relations fournisseurs/distributeurs, la loi prévoit que lorsque cette convention est conclue avec un distributeur, elle doit également respecter le formalisme de la convention produits de grande consommation ou PGC qui englobe déjà les produits alimentaires (respect des articles L. 441-3 et L. 441-4 C. com.) (art. L. 443-8, I al. 3 nouveau C. com.).

Déjà exclus du champ d’application de la convention PGC, les grossistes ne devraient pas non plus être concernés par cette convention dans la mesure où la nouvelle obligation de transparence dans les CGV ne leur est pas applicable (voir ci-dessus I). Cependant, reste à trancher la question de savoir, lorsque les grossistes s’approvisionnent auprès de fournisseurs, si ces derniers peuvent valablement échapper à la nécessité de régulariser cette convention (voir ci-dessus I).

▶ Communication et réception des CGV

Comme lorsqu’elles servent de base à la conclusion des conventions classique et PGC, les CGV doivent être communiquées par le fournisseur à l’acheteur au plus tard le 1er décembre de l’année N-1 (art. L. 443-8, V nouveau C. com.).

La loi prévoit qu’à compter de leur réception, le « distributeur » dispose d’un délai d’un mois pour (art. précité) :
 

• soit motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus des CGV ou, le cas échéant, les dispositions des CGV qu’il souhaite soumettre à la négociation.  

• soit notifier leur acceptation. Même si l’on peut imaginer une erreur de plume des auteurs de la loi, la lettre du texte ne visant expressément que le distributeur, l’exigence d’une motivation rigoureuse n’est pas applicable aux autres acheteurs concernés par la nouvelle convention produits alimentaires, tels que les transformateurs.

Même si l’on peut imaginer une erreur de plume des auteurs de la loi, la lettre du texte ne visant expressément que le distributeur, l’exigence d’une motivation rigoureuse n’est pas applicable aux autres acheteurs concernés par la nouvelle convention produits alimentaires, tels que les transformateurs.​

▶ Négociation commerciale

Afin d’éviter certains effets déflationnistes artificiels, la loi consacre la non-négociabilité de la partie du tarif fournisseur représentant le prix des matières premières agricoles et des produits transformés (art. L. 443-8, II al. 1 nouveau C. com.). Sur l’obligation de faire figurer ce prix dans la convention, voir ci-dessous. 

Etant exclus du champ d’application de la convention, les grossistes ne devraient pas être concernés par cette interdiction. Cependant, compte tenu des incertitudes qui demeurent sur le champ d’application du texte à l’égard des grossistes, ce point devra être confirmé lorsque les grossistes s’approvisionnent auprès de fournisseurs (voir ci-dessus).

▶ Contenu de la convention

La convention produits alimentaires devra mentionner chacune des obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale ainsi que leur prix unitaire (art. L. 443-8, I al. 2 nouveau C. com.).

Lorsque le fournisseur recourt dans ses CGV aux options 1 et 2 (voir ci-dessus I), la convention devra indiquer, en vue de la détermination du prix convenu, la part du prix unitaire ou agrégé des matières premières agricoles et des produits transformés qui entrent dans la composition du produit alimentaire, tel qu’il figure dans les CGV (i.e pourcentage unitaire ou pourcentage agrégé). La convention devra en outre préciser les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du prix convenu (art. L. 443-8, III nouveau C. com.). Cette exigence devrait permettre de vérifier que la non-négociabilité de ce prix a bien été respectée.

En toute hypothèse la convention devra comporter une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l’alimentation des animaux de compagnie. Les parties seront libres de déterminer, selon la durée du cycle de production, la formule de révision et les indicateurs utilisés. Toutefois, lorsque l’achat de la matière première agricole aura fait l’objet d’un contrat écrit, en application du I du de l’article L. 631-24 nouveau du Code rural et de la pêche (entrée en vigueur prévue par décret au plus tard le 1er janvier 2023), la clause devra obligatoirement inclure les indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture (art. L. 443-8, IV nouveau C. com.).

Remarque : Afin tenir compte de l’instauration de cette nouvelle clause de révision automatique des prix en fonction de l’évolution de celui des matières premières agricoles, la loi (art. 5 d’application immédiate) revoit l’objet de la clause de renégociation de l’article L. 441-8 du Code de commerce applicable aux contrats vente de plus de trois mois de certains produits agricoles et alimentaires (produits - dont la liste était fixée par décret -  dont les prix de production sont significativement affectés par les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires et des coûts de l’énergie).

La renégociation tarifaire ne pouvant plus porter sur les matières premières agricoles, la clause de l’article L. 441-8 est ainsi élargie. Dorénavant elle est requise pour l’ensemble des produits agricoles et alimentaires concernés (suppression de la liste restrictive) et doit intégrer la fluctuation des autres sources de coûts : prix de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages.

▶ Forme et régime de la convention

A l’instar de la convention générale (art. L. 441-3 C. com.) ou de la convention PGC (art. L. 441-4 C. com.), la convention produits alimentaires pourra être (art. L. 443-8, I, V et VI nouveau C. com.) :

• établie dans un document unique ou dans un ensemble formé par un contrat-cadre et ses contrats d’application ;
• conclue, pour une durée d’un andeux ans ou trois ansau plus tard le 1er mars de l’année N ;
• révisée par voie d’avenant écrit qui mentionne l’élément nouveau le justifiant.  

▶ Sanction administrative

Tout manquement à ce nouveau dispositif sera passible d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, ces montants pouvant être doublés en cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation devenue définitive (art. L. 443-8, VII nouveau C. com.).

▶ Entrée en vigueur

Ces dispositions sont applicables :

– aux conventions conclues avant le 1er janvier 2022 sur la base de CGV conformes aux nouvelles règles de transparence (i.e CGV communiquées à compter du 1er novembre 2021) (art. 16, II 2°) ;
– aux conventions conclues à compter du 1er janvier 2022 (art. 16, II 3° a). A compter de cette date, aucune convention ne pourra plus être conclue sur la base d’anciennes CGV communiquées avant le 1er novembre 2021 ;
– au plus tard le 1er mars 2023 aux conventions en cours au 1er janvier 2022 (art. 6, II 3° b) (i.e conventions pluriannuelles en cours au 20 octobre 2021 et conventions conclues avant le 1er janvier 2022 sur la base de CGV communiquées avant le 1er novembre 2021).

 

Au résultat : seules peuvent échapper au nouveau formalisme les conventions conclues avant le 1er janvier 2022 sur la base de CGV communiquées avant le 1er novembre 2021. Toutefois, ces conventions devront en tout état de cause être mises en conformité avant le 1er mars 2023.  

III. Un encadrement des contrats relatifs aux marques de distributeur (MDD) (art. L. 441-7 modifié C. com. ; art. 6 et 16, II bis de la loi)  

▶ Nouveau cadre  

En dépit de leur importance croissante, favorisée par l’augmentation de 10 % du seuil de revente des produits alimentaires autorisée par la loi Egalim I, les produits MDD ne font l’objet que d’un encadrement limité comparativement aux produits des marques nationales.

La loi Egalim 2 souhaite corriger ce déséquilibre impactant directement la rémunération des agriculteurs. Elle prévoit ainsi, lorsque la vente des produits agricoles entrant dans la composition du produit alimentaire fait l’objet d’un contrat écrit, les obligations suivantes dans les contrats MDD :

• Tenir compte dans la détermination du prix des efforts d’innovation réalisés par le fabricant à la demande du distributeur ;
• Insérer une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole ou des produits transformés entrant dans la composition du produit supportée par le fournisseur. Les parties ont le choix de la formule de révision mais celle-ci devra tenir compte des indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture.   

A noter que si le distributeur entend s’assurer de la réalité de cette variation il pourra, à ses frais, demander au fabricant de mandater un tiers indépendant chargé d’attester l’effectivité de la variation ; 

• Prévoir un engagement de volume prévisionnel de production sur une période donnée et un délai raisonnable de prévenance permettant au fabricant d’anticiper d’éventuelles variations de volume.  

A noter qu’en cas de recours aux appels d’offres, ces derniers doivent également comporter un engagement du distributeur relatif au volume prévisionnel qu’il souhaite faire produire.

• Indiquer un préavis minimal à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle ainsi que le sort et les modalités d’écoulement des emballages et des produits finis en cas de cessation de contrat ;
• Prévoir une clause de répartition entre le distributeur et le fournisseur des différents coûts additionnels survenant au cours de l’exécution du contrat.
• Etablir un système d’alerte et d’échanges d’informations périodiques entre le distributeur et le fabricant afin d’optimiser les conditions d’approvisionnement et de limiter les risques de rupture.

Par ailleurs,  aucune dépense liée aux opérations promotionnelles d’un produit MDD ne peut être mise à la charge du fabricant.

▶ Sanction administrative 

Tout manquement à ce nouveau dispositif sera passible d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, ces montants pouvant être doublés en cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation devenue définitive (art. L. 443-8, VII nouveau C. com.).

▶ Entrée en vigueur

Ce nouveau dispositif entre en vigueur le 1er janvier 2022.

Les conventions en cours à cette date devront être mises en conformité avant le 1er janvier 2023.

IV. Une nouvelle pratique restrictive de concurrence spécifique au secteur agroalimentaire (art. L. 442-1, 4° nouveau C. com. ; art. 8 et 16, II de la loi)  

▶ Nouvelle interdiction

Devient source de responsabilité civile pour son auteur, le fait, s’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, soumis à l’obligation de transparence (voir ci-dessus I), de pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires sans contreparties réelles prévues par la convention produits alimentaires en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

On comprend de cette rédaction qu’un simple désavantage ou avantage dans la concurrence (et non un déséquilibre significatif au détriment de l’un des cocontractants) suffit pour que l’absence de contreparties réelles soit sanctionnable.

Ce texte réintroduit donc l’interdiction des pratiques discriminatoires qui avait été supprimée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dite LME.

▶ Entrée en vigueur

Cette interdiction s’applique :

● aux conventions conclues avant le 1er janvier 2022 sur la base de CGV conformes à la nouvelle obligation de transparence (art. 16, II 2°);
● à toutes les conventions conclues à compter du 1er janvier 2022 (art. 16, II 3° a) et aux conventions en cours à cette date au plus tard le 1er mars 2023 (art. 16, II 3° b).

Dispositions générales : convention PGC et pénalités logistiques

I. La motivation du refus des CGV communiquées dans le cadre d’une convention PGC (art. L. 441-4, VI modifié C. com. ; art. 4, I 3° de la loi)

L’obligation de motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, un refus des CGV ou, le cas échéant, le souhait de soumettre certaines dispositions des CGV à la négociation, prévue en matière de conventions produits alimentaires (voir ci-dessus II)s’appliquera également au distributeur dans le cadre de la conclusion d’une convention PGC.

Si l’article 16, II de la loi Egalim 2 prévoit des conditions d’entrée en vigueur spécifiques pour cette obligation, il n’apporte en réalité aucune précision à ce sujet. La nouvelle exigence devrait donc être immédiatement applicable

II. L’encadrement des pénalités logistiques (art. L. 442-1, I 3° modifié, art L. 441-17, L. 441-18 et L. 441-19 nouveaux C. com. ; art. 7 de la loi)

▶ Rappel

La loi ASAP n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 avait allongé la liste des pratiques restrictives de concurrence en interdisant, aux côtés de l’avantage sans contrepartie ou disproportionné et du déséquilibre significatif, le fait (art. L.441-2 I, 3° nouveau C. com.) :

● d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ;
● ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non‑respect d’une date de livraison, à la non‑conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.

Pour le législateur de 2020, l’introduction combinée dans la loi de l’interdiction de la déduction d’office et d’une règle de proportionnalité spécifique aux pénalités visait à rendre plus efficaces le contrôle et la sanction des mauvaises pratiques en la matière (voir notre flash).

La loi Egalim II remanie cet encadrement des pénalités logistiques qui avait été souhaité par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC).

▶ Nouveau dispositif

L’article L. 442-1, I 3° du Code de commerce interdit désormais, au titre des pratiques restrictives de concurrence, le fait « d'imposer des pénalités ne respectant pas l’article L. 441-17 ».

Pénalités infligées au fournisseur

L’article L. 441-17, I al. 1 pose le principe selon lequel le contrat peut prévoir la fixation de pénalités infligées au fournisseur en cas d’inexécution d’engagements contractuels. Il doit alors prévoir une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues et un délai suffisant doit être respecté pour informer l’autre partie en cas d’aléa.

On comprend de ce premier aliéna que tout contrat est potentiellement visé. Or, rien n’est moins sûr, le reste du texte laissant comprendre que seules les relations fournisseurs/distributeurs seraient concernées. En d’autres termes aucune pénalité logistique ne pourrait être infligée aux fournisseurs par leurs autres clients (transformateurs notamment). C’est d’ailleurs ce qui semble ressortir des travaux parlementaires, dans lesquels seules les pratiques de distributeurs se trouvent stigmatisées (notamment Rapport Sénat n° 828 p. 55 s.).

Le nouveau dispositif prévoit ainsi que :

• les pénalités infligées aux fournisseurs par les distributeurs ne peuvent dépasser un pourcentage du prix d’achat des produits concernés et doivent être proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ;  
• le refus ou le retour de marchandises est interdit (sauf non-conformité ou non-respect de la date de livraison) ;
• la preuve du manquement doit être apportée par le distributeur (par tout moyen), le fournisseur disposant d’un délai raisonnable pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief correspondant ;  
• la déduction d’office du montant de la facture des pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’un engagement contractuel est interdite ;  
• l’application de pénalités logistiques est réservée aux seules situations ayant entrainé des ruptures de stocksà moins que le distributeur ne puisse démontrer et documenter par écrit l’existence d’un préjudice ;  
• l’application des pénalités logistiques doit tenir compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties. En cas de force majeureaucune pénalité logistique ne peut être infligée ;
• le délai de paiement des pénalités ne peut pas être inférieur au délai de paiement des marchandises.

Pénalités infligées par le fournisseur

De manière symétrique, l’article L. 441-18 prévoit la possibilité pour le fournisseur d’infliger des pénalités au distributeur en cas d’inexécution par celui-ci d’un engagement contractuel. Ici aussi, ces pénalités ne pourront pas dépasser un montant correspondant à un pourcentage du prix d’achat des produits concernés et devront être proportionnées au préjudice subi au regard de l’inexécution d’engagements contractuels. La preuve du manquement devra être apportée par le fournisseur par tout moyen, le distributeur disposant d’un délai raisonnable pour vérifier et, le cas échéant, contester la réalité du grief correspondant.

Remarque : une lecture combinée de l’article L. 441-18 et de l’article L. 442-1, I 3° rend perplexe. En effet dans la mesure où ce second texte conditionne la validité des pénalités logistiques au respect du seul article L. 441-17, lequel vise exclusivement les pénalités infligées par un distributeur à son fournisseur, on voit mal comment l’article L. 441-18 pourrait trouver à s’appliquer.

Un éclaircissement viendra peut-être du guide des bonnes pratiques pour l’application des articles L. 441-17 et L. 441-18 qui sera publié et actualisé régulièrement par la DGCCRF (art. L. 441-19 nouveau C. com.). Pour autant, ce guide n’aura pas force de loi.  

▶ Entrée en vigueur

Les dispositions relatives aux pénalités logistiques sont d’application immédiate. 
Il en résulte, à la lettre des textes, que seules sont aujourd’hui autorisées les pénalités logistiques infligées par un distributeur à un fournisseur dès lors qu’elles répondent aux conditions posées par le nouvel article L. 441-17. 


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