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Egalim III et les relations commerciales fournisseurs / distributeurs

Flash info Concurrence

05/04/2023

Loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs

Après les lois Egalim I en 2018 et Egalim II en 2021, c’est aujourd’hui au tour de la loi dite Descrozaille (ou Egalim III), du 30 mars 2023, de tenter de remettre les partenaires économiques sur un pied d’égalité.

Si la loi nouvelle - dont la version définitive a sensiblement évolué depuis son passage en première lecture devant l’Assemblée nationale (voir Négociations commerciales et Egalim III (Texte AN), au point même de changer d’intitulé - cible plus particulièrement le rééquilibrage des relations commerciales, au bénéfice des industriels, dans le secteur des produits de grande consommation (PGC), plusieurs de ses dispositions ont toutefois une portée générale couvrant toutes les relations commerciales.

Nous vous présentons ici les principaux apports du nouveau dispositif.

►    Entrée en vigueur du dispositif

La loi est d’application immédiate à l’exception des dispositions étendant l’encadrement des promotions aux PGC (art. 7, II qui prévoit une entrée en vigueur le 1er mars 2024). Elle s’applique donc aux nouveaux contrats, c’est-à-dire aux contrats conclus à partir du 1er avril 2023.

En revanche, faute de règles spéciales d’application dans le temps, elle n’a pas vocation à régir les contrats en cours.

Toutefois, la loi nouvelle pourra s’appliquer :

  • aux pratiques mises en œuvre après son entrée en vigueur qui engagent la responsabilité civile extracontractuelle de leurs auteurs. Cette responsabilité est en effet soumise à la loi en vigueur au jour du fait générateur de responsabilité (Cass. com. 12 mai 2021, n°20-12.670, F-P) ;
  • aux effets à venir des contrats (Cass. 3e civ. 11 avril 2019, n°18-16.121, FS-P+B+R+I) lorsque soit la disposition en cause revêt un caractère d'ordre public (ce qui est désormais le cas du Titre IV du Livre IV C. com.) et répond à « un motif impérieux d'intérêt général » (ce qu’il revient au juge d’apprécier à l’aune de l’intention du législateur), soit cette disposition constitue « un effet légal du contrat » (effet du contrat sur lequel les parties n’ont pas de prise).  

Pour rappel les sanctions administratives applicables sont celles en vigueur au jour du manquement (sauf sanction plus douce au jour où le juge statue).

►    Application territoriale du titre IV du Livre IV du Code de commerce (art. 1er Egalim III)

Destiné principalement à contrer la pratique de contournement de la loi par certains distributeurs, grâce à l’implantation de centrales d’achat à l’étranger permettant une délocalisation de la négociation commerciale, le nouvel article L. 444-1 A C. com. consacre deux principes emblématiques de portée générale :

  • D’une part, il affirme le caractère d’ordre public des dispositions des chapitres Ier, II et III du Titre IV du Livre IV du Code de commerce (dispositions relatives à la transparence, aux pratiques commerciales déloyales et aux produits agricoles et denrées alimentaires) et indique qu’elles s’appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur, lorsque les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français.

    Le rapport du Sénat n°326 précise que « L'intention du législateur est de considérer ces dispositions comme des lois de police, tout en laissant le soin aux juges de les consacrer effectivement comme telles, conformément à la pratique juridique ».
  • D’autre part, il affirme la compétence exclusive des tribunaux français pour l’application de ces dispositions, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et du droit international et de la possibilité de recourir à l’arbitrage.

    Face aux règles de conflit de juridictions, la question de cette compétence exclusive ne devrait pas manquer d’être source de nouveaux contentieux dans les relations commerciales présentant un caractère d’extranéité.

 ►    Prorogation et aménagement du relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP majoré) et de l’encadrement des promotions
(art. 2 et 7 Egalim III)

Initialement instituées à titre expérimental jusqu’au 15 avril 2023, pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, ces deux mesures sont finalement prorogées respectivement de deux et trois ans, soit jusqu’au (art.125 modifié de la loi ASAP n°2020-1525) :

  • 15 avril 2025 pour le SRP majoré, et
  • 15 avril 2026 pour l’encadrement des promotions.

Cette prorogation s’accompagne d’un aménagement des deux dispositifs.

1.    SRP+ ou SRP majoré

  • Exclusion: Les fruits et légumes frais sont désormais exclus par principe du champ du dispositif (art. 125, I ter nouveau loi ASAP). Certains produits pourront toutefois en bénéficier, par dérogation accordée par arrêté du ministre de l’Agriculture, sur demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés lorsqu’elle existe ou, à défaut, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs. Il s’agit de permettre à la filière de se prononcer sur la possibilité de bénéficier ou non du SRP+.
  • Nouvelle obligation pour les distributeurs de PGC : chaque distributeur devra transmettre aux ministres de l’économie et de l’agriculture, avant le 1er septembre de chaque année, un document présentant la part du surplus de chiffre d’affaires enregistré à la suite de la mise en œuvre du SRP+, qui s’est traduite par une revalorisation des prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès de leurs fournisseurs. Ce document non public est destiné à la commission chargée des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat (art. 125 IV bis nouveau Loi ASAP).
  • Rapport annuel d’évaluation : de son côté, le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1er octobre de chaque année, un rapport analysant notamment l’usage fait par les distributeurs, depuis 2019, du surplus de chiffre d’affaires généré par la mise en œuvre du SRP +. Ce rapport détaillé sera établi en association avec l’Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires et après consultation de l’ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire (art. 125, IV al. 1 modifié loi ASAP). Il s’agit de s’assurer de l’usage fait des marges créées par le dispositif prorogé et de vérifier que le « ruissellement » qui en est attendu tant à l’amont (agriculteurs et fournisseurs) qu’à l’aval (consommateurs) a bien eu lieu.

2.    Encadrement des promotions

A compter du 1er mars 2024 l’encadrement des promotions, en valeur et en volume, sur les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie sera étendu à tous les produits de grande consommation (art. 125, II et III modifiés loi ASAP ; art. 7, II Egalim III).

Cette extension aux PGC tend à corriger certains effets de bord du dispositif qui se sont traduits par un report massif des promotions sur les produits non-alimentaires au détriment notamment du secteur « droguerie, parfumerie, hygiène » (DPH). Le report de son entrée en vigueur à 2024 tient à la volonté de ne pas remettre en cause les résultats des négociations 2023 qui viennent de s’achever.

A noter, la remise au Parlement, avant le 1er octobre de chaque année, d’un rapport annuel du Gouvernement évaluant les effets de l’encadrement sur les prix de vente des PGC alimentaires et non alimentaires. Le rapport précisera, le cas échéant, la liste des pratiques de contournement de l’encadrement constatées par la DGCCRF et les moyens mis en œuvre pour y remédier (art. 125, IV modifié loi ASAP).

►    CGV produits alimentaires et CGV grossistes (art. 15 et 19 Egalim III)

1.    CGV produits alimentaires

Le recours à l’option 3 pour sanctuariser le prix d’achat des matières premières agricoles entraînera une double intervention du tiers indépendant, selon les modalités suivantes (art. L. 441‑1‑1, I 3° modifié C. com.) :

  • En amont de la négociation (nouveauté), le tiers devra attester la part de l’évolution du tarif fournisseur qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés. A cette fin, le fournisseur devra lui transmettre les pièces nécessaires, notamment la méthodologie employée pour déterminer l’impact sur son tarif de l’évolution du prix desdites matières premières agricoles ou desdits produits transformés. L’attestation sera ensuite fournie par le fournisseur au distributeur dans le mois qui suit l’envoi des CGV.
  • En aval de la négociation, le tiers indépendant devra attester que, conformément au II de l’article L. 443‑8 C. com., cette négociation n’a pas porté sur la part de l’évolution du tarif du fournisseur qui résulte de celle du prix des matières premières agricoles ou des produits transformés. Comme précédemment, à défaut d’attestation dans le mois qui suit la conclusion du contrat, les parties qui souhaitent poursuivre leur relation contractuelle devront modifier leur contrat dans un délai de deux mois à compter de la signature du contrat initial.

2.    CGV grossistes

Les dispositions applicables aux CGV grossistes sont désormais regroupées au sein d’un nouvel article L. 441-1-2 C. com.

Cet article rappelle que les CGV produits alimentaires ne sont pas applicables aux grossistes pour leurs actes d’achat et de vente (voir aussi art. L. 441‑1‑1, V C. com.). La question s’était posée de savoir si cette exclusion englobait également les CGV des fournisseurs dans leurs relations avec les grossistes. La réponse semble devoir être affirmative à la lecture du nouvel article L. 441-3-1, V relatif aux conventions grossistes, qui indique que « le fournisseur, dans sa relation avec le grossiste et le grossiste, dans sa relation avec le distributeur ou le prestataire de services, communiquent leurs conditions générales de vente telles que définies à l’article L. 441-1-2 (…) ».

   Nouvelle convention logistique (art. 11 loi Egalim III)

Désormais, les obligations réciproques des parties en matière logistique (notamment le montant des pénalités logistiques et les modalités de détermination de ce montant) devront faire l’objet d’une convention écrite, distincte de la convention générale (art. L. 441-3, I bis nouveau C. com.).

La conclusion de cette convention - qui ne sera pas nécessairement annuelle - ne sera pas soumise à l’échéance du 1er mars. La loi exclut par ailleurs toute interdépendance contractuelle : le terme ou la résiliation de la convention logistique n’entraînera pas la résiliation automatique de la convention générale.

Les parties devront se montrer particulièrement vigilantes sur les éléments à faire figurer dans la convention logistique pour éviter d’y intégrer des éléments qui pourraient apparaître in fine comme relevant de la convention unique (i.e. éléments concourant à la détermination du prix convenu soumis au principe de négociation annuelle). A cet égard, la ligne de partage avec le contenu de la convention générale pourrait s’avérer parfois ténue (cf. art. L. 441-3, III C. com).

Sur les mesures renforçant l’encadrement des pénalités logistiques, voir ci-dessous.

►    Convention grossiste (art. 19 Egalim III)

A l’instar des règles sur les CGV (voir ci-dessus), les dispositions applicables aux conventions fournisseurs/grossistes et grossistes/distributeurs sont regroupées au sein d’un même article (art. L. 441-3-1 nouveau C. com.).

Ce texte rappelle notamment que les articles relatifs à la convention PGC (art. 441-4 C. com.) et à la convention produits alimentaires (art. L. 443-8 C. com.) ne sont pas applicables aux grossistes tant dans leurs relations avec les fournisseurs que dans leurs relations avec les distributeurs ou les prestataires de services (art. L. 441-3-1, VI nouveau C. com.).

►    Convention produits alimentaires (art. 17 Egalim III)

Les conventions produits alimentaires doivent comporter une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit (art. L. 443-8 C. com).

Le texte précise désormais :

  • d’une part, que c’est l'ensemble des matières premières agricoles qui doivent être prises en compte dans la clause de révision automatique ;
  • d’autre part, que les évolutions tarifaires résultant de l’application de cette clause doivent être mises en œuvre au plus tard un mois après son déclenchement.

►    Convention PGC (art. 3, 4, 5 et 9 Egalim III)

1.    Retour du « ligne à ligne »

Egalim III marque la fin, dans les conventions PGC, de la pratique de globalisation du prix des obligations réciproques auxquelles les parties se sont engagées à l’issue de la négociation commerciale (art. L. 441-4 modifié C. com.)

A l’avenir, comme ce fut le cas par le passé, la convention devra renseigner le prix unitaire de chacune de ces obligations.

2.    Retour du principe de non-discrimination

La loi Egalim III étend à tous les PGC l’interdiction de discrimination qui avait été réintroduite par la loi Egalim II pour les seuls produits alimentaires.

Le principe général de non-discrimination avait été supprimé par la loi LME de 2008, au bénéfice de celui de la libre négociabilité, afin de limiter le niveau des marges-arrière, dont la pratique combinée à la fixation du seuil de revente à perte au prix figurant sur la facture conduisait à un renchérissement des prix de vente aux consommateurs. En contrepartie de cette liberté, dont l’usage abusif pouvait tomber sous le coup de la prohibition des pratiques anticoncurrentielles, elle avait institué deux garde-fous sur le terrain de la responsabilité civile : l’interdiction des avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés et l’interdiction du déséquilibre significatif.

Désormais, constitue une pratique restrictive de concurrence le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'une convention PGC, « de pratiquer, à l'égard de l'autre partie, ou d'obtenir d'elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention (…) en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence » (art. L. 442-1, I 4° modifié).

Pour rappel, l’interdiction per se de discrimination ne joue qu’à l’égard du traitement des situations identiques ou similaires. En présence de situations différentes, le principe de libre négociabilité - et donc la possibilité de discriminer - s’applique.

3.    Sanction administrative renforcée pour non-respect de l’échéance de contractualisation

La loi nouvelle renforce sensiblement les sanctions encourues en cas de non-conclusion des conventions PGC avant le 1er mars : l’amende administrative maximale de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale est portée respectivement à 200 000 euros et 1 000 000 d’euros, ces montants pouvant être doublés en cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation devenue définitive (art. 441-6 al. 3 nouveau C. com.).

4.    Nouvelle pratique restrictive de concurrence

Constitue désormais une nouvelle pratique restrictive de concurrence, le fait de ne pas avoir mené des négociations de bonne foi dans le cadre de l’article L. 441-4 ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion de la convention PGC avant la date butoir du 1er mars (art. L. 442-1, I 5° nouveau C. com). Restera au juge à trancher, si d’aventure il est saisi d’un contentieux sur ce point, la question de la frontière entre bonne foi et liberté de ne pas conclure. Mais quoi qu’il en soit, les parties auront tout intérêt à conserver les éléments de preuve retraçant le déroulement de la négociation.

A noter : L’article L. 441-4, IV al. 2 nouveau C. com. précise que « La négociation de la convention écrite est conduite de bonne foi, conformément à l’article 1104 du code civil ». L’utilité de cette insertion est relative. L’obligation de négocier de bonne foi n’est en effet pas l’apanage des seules conventions PGC : l’article 1104 du Code civil, selon lequel « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés, de bonne foi » est une disposition d'ordre public de portée générale, donc applicable à tous les contrats. Peut-être la doctrine et la jurisprudence entourant cet article du Code civil pourront-ils servir d’enseignement pour apprécier la « bonne foi » du nouvel article L. 441-4, IV al 2 ?

►    Sort de la relation commerciale en l’absence d’accord au 1er mars (art. 9 Egalim III)

L’article 9, II de la loi Egalim III met en place un mécanisme expérimental d’une durée de trois ans, favorable aux fournisseurs et applicable à toutes les conventions uniques dont la signature est soumise à l’échéance du 1er mars.

Il s’agit à l’évidence de l’innovation la plus importante introduite par la loi Egalim III. La question du sort de la relation commerciale en cas d’échec des négociations commerciales (absence de nouvel accord écrit au 1er mars) a en effet été l’occasion de nombreux débats. Le texte adopté, issu d’un compromis en commission mixte paritaire, entend répondre au souci d’éviter que le fournisseur ne soit contraint de continuer à appliquer l’ancien tarif pour éviter un déréférencement et donc de livrer le cas échéant à perte pendant le préavis de rupture.

Pour rappel, la CEPC (Avis n°10-15) estimait qu’en pareille situation la relation commerciale devrait être considérée comme inexistante, de sorte qu’aucune commande ne devrait être passée, ni aucune livraison effectuée. Mais cette position pouvait se heurter à l’article L. 442-1 du Code de commerce qui proscrit la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie.

Désormais, à défaut de convention unique conclue dans les délais, le fournisseur pourra :

  • Soit, « en l’absence de contrat nouvellement formé, mettre fin à toute relation commerciale avec le distributeur, sans que ce dernier puisse invoquer la rupture brutale de la relation commerciale au sens du II de l’article L. 442‑1 du Code de commerce » ;
  • Soit « demander l’application d’un préavis conforme » à ce texte.

Les parties pourront également saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises pour conclure, sous son égide avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, qui tient notamment compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. En cas d’accord sur ce préavis, le prix convenu s’appliquera rétroactivement aux commandes passées à compter du 1er mars. En cas de désaccord, le fournisseur pourra mettre fin à la relation sans rupture brutale.

A noter : Si le texte laisse à la main du fournisseur la possibilité d’opter pour une rupture sans faute de la relation commerciale, celui-ci n’est pas pour autant dispensé de son obligation de négocier de bonne foi en amont de la rupture. A défaut de le faire, sa responsabilité civile pourrait être engagée sur le fondement de l’article 1104 du Code civil ou, le cas échéant, sur le terrain de la nouvelle pratique restrictive de concurrence applicable aux conventions PGC (voir ci-dessus).

►    Rupture brutale de relations commerciales établies (art. 9 Egalim III)

Parallèlement, la loi nouvelle intègre – ici sans limitation de durée - aux dispositions générales sur la rupture brutale des relations commerciales établies la précision selon laquelle la détermination du prix applicable durant le préavis doit tenir compte « des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties » (article L. 442‑1, II al. 1 modifié C. com.) ; à défaut, la rupture sera considérée comme brutale et entrainera la responsabilité civile de son auteur. La prise en compte de ces conditions économiques, particulièrement décisive en période de crise économique et d’inflation, est en phase avec l’évolution récente de la jurisprudence.

Soulignons, pour les conventions produits alimentaires, que la détermination du prix applicable pendant le préavis ne peut pas contrevenir à la non-négociabilité de la part, dans le tarif fournisseur, du prix des matières premières agricoles (art. L. 443-8 VIII nouveau C. com.).

►    Renforcement de l’encadrement des pénalités logistiques (art. 12,13 et 14 Egalim III)

Au-delà de l’obligation d’insérer dans une convention distincte de la convention unique les obligations réciproques des parties en matière logistique (art. L. 441-3, I bis nouveau C. com. ; voir ci-dessus), l’encadrement des pénalités logistiques est sensiblement renforcé par des mesures de plafonnement, d’interdiction et de suspension (art. L. 441-17, I modifié et III nouveau C. com) ainsi que par un nouveau moyen de contrôle des pratiques reposant une obligation déclarative annuelle des parties (art. L. 441-19 nouveau C. com).

Dans le même temps, les grossistes sont exclus de ce dispositif (art. L. 441-17, IV nouveau et L. 441-18 modifié C. com.).

La raison en est une volonté d’uniformisation du régime auquel ils sont soumis indépendamment de la qualité de leurs cocontractants. En effet jusqu’alors, en tant que distributeurs, ils étaient soumis dans leurs relations avec les fournisseurs au nouveau régime de pénalités logistiques alors que, dans les relations avec leurs clients professionnels, en tant que fournisseurs, ils étaient soumis aux clauses pénales régies par le Code civil.

1.    Plafonnement des pénalités

Jusqu’ici, les pénalités logistiques infligées au fournisseur par le distributeur ne pouvaient pas dépasser un montant correspondant à un pourcentage du prix d'achat des produits concernés et devaient être proportionnées au préjudice subi au regard de l'inexécution d'engagements contractuels.

Si le montant des pénalités doit toujours être proportionné au préjudice subi, la loi nouvelle plafonne ce montant à « 2 % de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée ».

L’application de ce plafond est illustrée dans le rapport du Sénat par l’exemple suivant : « si un distributeur commande, dans le même temps, mille boîtes de céréales et mille paquets de pâtes, et qu'un manquement est constaté sur 20 boîtes de céréales, la pénalité logistique ne pourra être supérieure à 2 % de la valeur de la commande de céréales, et non de la valeur de la commande totale ».

Dans un souci de symétrie, le même plafond s’applique aux pénalités infligées par les fournisseurs aux distributeurs (art. L. 441-18 modifié C. com).

A noter, l’obligation pour le distributeur d’apporter au fournisseur concomitamment à la transmission d’un avis de pénalité logistique la preuve, par tout moyen, du manquement constaté et celle du préjudice subi.

2.    Interdiction des pénalités

Aucune pénalité logistique ne peut plus être infligée en cas d’inexécution d’engagements contractuels remontant à plus d’un an.

3.    Suspension

En cas de situation exceptionnelle, extérieure aux parties, affectant gravement la chaîne d’approvisionnement dans un ou plusieurs secteurs, le Gouvernement pourra suspendre dans ces secteurs l’application des pénalités logistiques contractuelles aux fournisseurs, par décret en Conseil d’État, pour une durée maximale de six mois renouvelable (art. L. 441-17, III nouveau C. com).

4.    Contrôle des pratiques

Le non-respect des dispositions de l’article L. 441-17 du Code de commerce est, on le sait, constitutif d’une pratique restrictive de concurrence (art. L. 442-1, I 3° C.com).

La loi nouvelle introduit une double obligation de communication au bénéfice de la DGCCRF qui devrait faciliter les contrôles (art. L. 441-19 nouveau C. com). Ainsi, chaque année, au plus tard le 31 décembre :

  • Chaque distributeur devra lui communiquer le montant des pénalités infligées au cours des 12 derniers mois à ses fournisseurs ainsi que les montants réellement perçus, en détaillant ces montants pour chacun des mois. D’ici la fin de l’année 2023, le distributeur devra également communiquer ces mêmes informations pour les exercices 2021 et 2022.
  • Chaque fournisseur devra lui communiquer les montants de pénalités qui lui ont été infligés au titre de l’année écoulée et ceux réellement versés à ses distributeurs.

A défaut, l’intéressé sera passible d’une amende administrative pouvant atteindre 75 000 € pour une personne physique et 500 000 € pour une personne morale. En cas de récidive dans les deux ans d’une première condamnation, l’amende pourra être doublée.

A noter : la remise chaque année par le Gouvernement au Parlement d’une synthèse de ces communications précisant, le cas échéant, les manquements constatés en matière de pénalités logistiques ainsi que les actions mises en œuvre pour les faire cesser.

►    Possibilité d’exclusion de la clause de renégociation des prix (art. 20 Egalim III)

La loi Egalim III revient sur l’extension récente, par la loi Egalim II, du champ d’application de la clause de renégociation de l’article L. 441-8 du Code de commerce concernant les contrats de vente de plus de trois mois de certains produits agricoles et alimentaires (produits dont les prix de production sont significativement affectés par les fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et des produits agricoles et alimentaires, de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages).

L’obligation d’insérer une clause de renégociation du prix dans ces contrats pourra être exclue pour les produits figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre de l’Agriculture, adopté sur demande motivée de l’interprofession représentative des produits concernés ou, lorsqu’il n’existe pas d’interprofession pour ce type de produits, d’une organisation professionnelle représentant des producteurs (art. L. 441-8, II nouveau C. com.).

Cette clause peut en effet s’avérer contre-productive, notamment pour les produits vendus dans le cadre de contrats de vente à terme s’analysant comme des contrats financiers au sens du III de l’article L. 211-1 CMF (ou comportant des stipulations qui prévoient la conclusion d’un contrat financier pour la détermination du prix). L’intérêt de ces contrats repose sur la fixation d’un prix définitif à une date donnée, en vue d’une livraison postérieure. Il est d’ailleurs prévu pour ces contrats à terme une dérogation à l’obligation pour l’acheteur de communiquer au producteur, avant le premier jour de la livraison des produits agricoles, de manière lisible et compréhensible, le prix qui sera payé (art. L. 631-24, VIII modifié C. rur. ; art 1 Egalim III). 

►    Non négociabilité du prix des matières premières agricoles dans les contrats MDD de produits alimentaires (art. 16 Egalim III)

Face à l’importance croissante des produits vendus sous marque de distributeur (MDD), la loi nouvelle étend aux contrats MDD de produits alimentaires le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles (ou des produits agricoles transformés) entrant dans la composition des produits jusqu’ici applicable uniquement aux produits vendus sous marque nationale.

La négociation du prix ne pourra ainsi plus porter sur la part que représentent les matières agricoles dans le prix proposé par le fabricant (art. L.441-7, I al. 2 modifié C. com.).

Par ailleurs, les contrats de plus d’un an, devront prévoir une renégociation annuelle du prix pour tenir compte des fluctuations des prix des matières premières entrant dans la composition du produit. La part des matières premières agricoles représentées dans le prix proposé par le fabricant ne pourra pas, ici non plus, faire l’objet d’une négociation (art. L. 441-7, I bis A nouveau C. com.).

►    Autres dispositions

1.    Indicateurs des contrats de vente de produits agricoles (art. 21 Egalim III)

Pour rappel, les critères et modalités de révision ou de détermination du prix de vente des produits agricoles figurant dans le contrat ou l’accord-cadre doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts (art. L. 631-24, III C. rur.).

Pour déterminer les indicateurs utilisés, les parties pourront « notamment s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable définis à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. » (art. L. 631-24, IX nouveau C. rur.)

2.    Ratification (art. 18 Egalim III)

La loi nouvelle ratifie les ordonnances n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce et l’ordonnance n°2019-358 du 24 avril 2019 relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas.

Flash info Concurrence | Egalim III et les relations commerciales fournisseurs / distributeurs| 05 avril 2023


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