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Elections professionnelles et parité pondérée

Les précisions de la Cour de cassation

26/06/2019

La loi Rebsamen du 17 août 2015 a introduit la règle de « parité pondérée » dans le cadre des élections professionnelles. Désormais, l’article L. 2314-30 du Code du travail pose le principe selon lequel, pour chaque collège électoral, les listes comportant plusieurs candidats doivent être composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale.

Ainsi, cette règle n’impose pas une stricte parité mais une parité dite « pondérée », en ce qu’elle doit correspondre au reflet de la proportion femmes/hommes inscrits sur la liste électorale.

Ce nouvel impératif rend l’établissement de leurs listes plus difficile pour les syndicats, désormais contraints de présenter un certain nombre d’hommes et de femmes en application du principe de représentation équilibrée. L’enjeu est d’importance, puisque le non-respect de la parité pondérée entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus du sexe surreprésenté sur la liste.

Cette règle d’apparence simple mais assez complexe à mettre en œuvre a donné lieu à deux nouvelles décisions de la Cour de cassation.

La règle de parité pondérée ne porte pas atteinte à la liberté syndicale

Dans une première affaire, un syndicat qui avait contrevenu à la règle de parité pondérée contestait l’annulation, prononcée par un Tribunal d’instance, de l’élection de deux candidates de sa liste.

Le syndicat soutenait que la règle de parité pondérée portait une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale et que l’annulation de l’élection de deux élues de sexe féminin était, en l’occurrence, contraire à l’objectif du législateur, à savoir le rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes.

Dans une décision du 13 février 2019 (n° 18-17.042), la Cour de cassation rejette cet argumentaire.

La Cour de cassation estime ainsi que l’atteinte à la liberté syndicale n’est pas disproportionnée. En effet, la sanction de la règle de parité pondérée est modérée puisque sa violation n’entraîne pas l’annulation de l’ensemble des élections, mais est seulement limitée à l’annulation de celle de l’élue surnuméraire de l’un ou l’autre sexe.

La Cour rappelle en outre que si l’annulation de plusieurs élus surnuméraires devait entraîner une sous-représentation trop importante au sein d’un collège, des élections partielles peuvent toujours être organisées pour y pallier.

Par conséquent, si la règle de parité pondérée représente effectivement une contrainte pour les syndicats dans l’établissement de leur liste, elle ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale.

Dans sa note explicative, la Chambre sociale précise d’ailleurs que la liberté syndicale, bien que protégée par de nombreux textes internationaux et européens, n’est pas absolue et doit être conciliée avec le principe de non-discrimination entre les femmes et les hommes, qui est tout aussi fondamental.

La Cour de cassation consacre ainsi le principe d’égalité des sexes en énonçant que la règle de parité pondérée répond à l’objectif légitime d’assurer une représentation des salariés, qui reflète la réalité du corps électoral, et de promouvoir l’égalité effective des sexes.

Ainsi, en exigeant non pas une parité abstraite mais une représentation proportionnelle au nombre de femmes et d’hommes, la Cour de cassation estime que le législateur a opéré une juste conciliation entre le principe d’égalité des sexes et la liberté syndicale.

Les listes incomplètes restent admises dès lors qu’il y a plus de 2 sièges à pourvoir

Traditionnellement, la Cour de cassation admettait les listes incomplètes.

Cependant, dans une décision rendue le 9 mai 2018 (n° 17-14.088), elle semblait abandonner cette jurisprudence en refusant d’admettre qu’une liste puisse comporter un candidat unique, dès lors que cela permettrait in fine de contourner la règle de parité pondérée.

En conséquence, dès lors qu’un collège est mixte et qu’au moins deux sièges sont à pourvoir, les listes présentées doivent nécessairement comporter une candidate et un candidat.

Cela étant, cette décision ne se prononce pas sur la validité des listes incomplètes dans le cas où plus de deux sièges sont à pourvoir.

C’est désormais chose faite depuis l’arrêt du 17 avril 2019 (n° 17-26.724). La Cour de cassation précise en effet que lorsque plus de deux sièges sont à pourvoir, les listes peuvent comporter moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la part des femmes et des hommes dans le collège électoral considéré est bien respectée.

Dans cette affaire, au sein du collège « techniciens et agents de maîtrise » (TAM), la proportion d'hommes s'élevait à 63,87 %, et celle des femmes à 36,13 %. Cinq sièges étant à pourvoir, les listes complètes de candidats devaient être composées de trois hommes et de deux femmes.

Un syndicat ayant présenté une liste incomplète composée de trois hommes et d'une femme, un autre syndicat contestait la validité de cette liste.

Conformément au principe susvisé, pour déterminer le nombre de candidats de chaque sexe devant figurer sur une liste incomplète, il faut appliquer au nombre de candidats la proportion du sexe correspondant dans le collège et arrondir le résultat à l'entier le plus proche.

Dans l’affaire en cause, le calcul était le suivant :

  • 4 (nombre de candidats sur la liste incomplète) x 63,87 % (proportion d'hommes dans le collège) = 2,55 arrondi à l'entier supérieur, soit trois hommes ;
  • 4 (nombre de candidats sur la liste incomplète) x 36,13 % (proportion de femmes dans le collège) = 1,45 arrondi à l'entier inférieur, soit une femme. 

La liste incomplète litigieuse respectait donc la proportion de femmes et d’hommes dans le collège électoral considéré et était donc valable.

Cette précision est bienvenue, ce d’autant qu’elle devrait faciliter les listes de candidatures.


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