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Les investissements étrangers : la France ajuste son dispositif de contrôle

Ce qui va changer à compter du 1er avril 2020

10/02/2020

La consolidation du régime de contrôle des investissements étrangers se poursuit avec la publication au Journal officiel du 1er janvier 2020 du décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France.
Le décret est complété par un arrêté, publié le même jour, précisant, notamment les pièces et informations que doivent comporter les demandes d’avis ou d’autorisation (NOR : ECOT1937237A). 

Annoncés il y a plusieurs mois, ces textes procèdent d’une volonté de faciliter le déroulement de la procédure de contrôle des investissements étrangers. Ainsi, le décret précise les dispositions des articles L.153-1 et suivants du Code monétaire et financier (CMF) telles qu’issues de la loi PACTE [1]. En outre, l’arrêté avait fait l’objet d’une consultation publique au printemps 2019 [2].

Ces textes poursuivent trois objectifs :

Commentant la publication du décret et de l'arrêté, la Direction générale du Trésor (DGT) a annoncé une "procédure plus simple, claire et rapide". Qu’en est-il en pratique ?

Quelles sont les nouvelles dispositions du décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 ?

Les nouvelles dispositions s’appliquent aux demandes présentées à compter du 1er avril 2020. Elles opèrent une réécriture en profondeur de la partie règlementaire du dispositif de contrôle des investissements étrangers. A partir de cette date, les articles R.153-1 et suivants seront remplacés par les articles R.151-1 et suivants du CMF.
Sur habilitation de l’article L.153-1, I du CMF, les articles R.151-1 et suivants précisent la notion d'investissements soumis à autorisation ; étendent la liste des activités contrôlées ; modifient de façon significative la procédure d'autorisation ; et, enfin, précisent le régime des sanctions.

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Lire également : Investissements étrangers en France : nouvelles règles en 2020

Notion d’investissement soumis à contrôle

Cette notion figure dans un seul article, mais son champ se trouve par ailleurs élargi.
Conformément à l'article R.151-2, est désormais constitutif d’un investissement étranger soumis à contrôle "le fait pour un investisseur mentionné au I de l'article R.151-1 du CMF :

  1. d'acquérir le contrôle, au sens de l'article L.233-3 du Code de commerce, d'une entité dedroit français ;
  2. d'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entité de droit français ;
  3. de franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d'une entité de droit français. […]".

Est visée l'entité et non plus l’entreprise, ce qui est plus large que ce qui était prévu auparavant.
Le ministre de l'Economie aura notamment la possibilité de "bloquer" l’acquisition, par un investisseur étranger, d'une participation dans une entité française dont l'activité relève d'un secteur stratégique si cette acquisition porte sur au moins 25 % des droits de vote (CMF, art. R.151-2, 3°). Le contrôle est du reste largement défini. Par exemple, l’action de concert est prise en compte. Auparavant, la règlementation déclenchait le processus d'autorisation lorsqu'un investisseur prenait une participation d'au moins 33,33 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise française.
Ainsi, comme dans d'autres pays européens, la France a décidé d'abaisser ce seuil.

A noter : le seuil de 25 % des droits de vote ne vaut (CMF, art. R.151-2, dernier al.) :

  • ni pour l'investisseur, "personne physique possédant la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne ou d’un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu une convention d'assistance administrative avec la France en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et domiciliées dans l'un de ces Etats" ;
  • ni pour l'"entité dont l'ensemble des membres de la chaîne de contrôle relèvent du droit de l'un de ces mêmes Etats ou en possèdent la nationalité et y sont domiciliés".

Pour ces derniers, le fait générateur de l'investissement soumis à autorisation demeure la prise de contrôle au sens du Code de commerce.

Extension et unification du champ des activités soumises à contrôle

Ces activités figurent au nouvel article R.151-3 du CMF, qui s’applique désormais quelle que soit la nationalité de l’investisseur.
D'une part, le décret maintient dans le champ de l’autorisation des activités qui étaient déjà soumises à contrôle.
D'autre part, le décret élargit le champ des activités entrant dans le dispositif : la presse écrite et les services de presse en ligne d'information politique et générale [4], la sécurité alimentaire [5], le stockage d'énergie et les technologies quantiques (CMF, art. R.151-3).

Meilleur encadrement des procédures

L'objectif est ici d’accélérer le temps de réponse de la DGT dans les process de fusion-acquisition surtout lorsque l’opération ne suscite aucune difficulté.
Tout d’abord, la réponse à une demande d’avis adressée au ministre par une entité de droit français ou par un investisseur (CMF, art. R.151-4) reste soumise à un délai de deux mois.
Ensuite, s’agissant de la demande d’autorisation, le texte prévoit désormais la possibilité de déposer une demande par l'un des membres d’une chaîne de contrôle pour le compte de l'ensemble des investisseurs qui en font partie (CMF, art. R.151-5).

Cette procédure d’autorisation peut être accélérée puisque le ministre de l'Economie dispose maintenant d’un premier délai de 30 jours ouvrés pour répondre à la demande (CMF, art. R.151-6) et décider soit que :

  • l’activité de la cible est hors champ ;
  • l’investissement est autorisé sans conditions ;
  • un examen complémentaire est nécessaire pour que des conditions soient fixées.

En l'absence de réponse dans ce délai, la demande d'autorisation est réputée rejetée.

Dans l’hypothèse d’un examen complémentaire, l’article R.151-6 du Code monétaire et financier semble indiquer qu’une nouvelle phase, destinée à négocier des engagements, peut être ouverte. La décision finale doit en toute hypothèse intervenir dans un délai de 45 jours ouvrés à compter de la date de réception par l’investisseur ayant déposé la demande de la décision du ministre l’informant d’un examen complémentaire. En l'absence de réponse dans ce délai, la demande d'autorisation est réputée rejetée.

La fixation, comme la révision des conditions, sont expressément soumises au respect du principe de proportionnalité (CMF, art. R.151-8).
Dans cette logique, l'article R.151-9 du CMF prévoit, par exemple, que la demande de révision peut être sollicitée par l’investisseur dans trois situations différentes :

  • évolution imprévisible des conditions économiques et règlementaires ;
  • modification de l'actionnariat de l'entité ayant fait l'objet de l'investissement ou modification des membres de la chaîne de contrôle ;
  • application de l'une des conditions fixées lors de l'autorisation.

Le ministre doit se prononcer dans un délai de 45 jours ouvrés à compter de la réception de la demande. En l'absence de réponse dans ce délai, la demande de révision est réputée rejetée.

Il faut également relever que l'article R.151-10 du Code monétaire et financier encadre désormais strictement les motifs de refus de l’autorisation. Celui-ci doit intervenir par une décision motivée lorsque "la mise en œuvre des conditions prévues à l’article R.151-8 ne suffit pas à elle seule à assurer la préservation des intérêts nationaux définis par l'article L.151-3". Le texte ajoute que l'existence de "liens avec un gouvernement ou un organisme public étrangers" peut être prise en considération par le ministre.

Le refus peut encore intervenir en cas :

  • de présomption sérieuse de la commission par l'investisseur de certaines infractions précisément énumérées ;
  • de condamnation définitive de l’investisseur pour les mêmes infractions (ou pour des infractions équivalentes prévues par la législation d'un autre Etat) ;
  • de sanction de l’investisseur au titre du régime des investissements étrangers, ou en cas de méconnaissance d’injonctions préalables au cours des cinq années précédant la demande d’autorisation (CMF, art. R.151-10).

Ces mesures permettent du reste au dispositif actuel de se mettre en conformité avec les exigences du règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union.

Précision sur le régime des sanctions

Les mesures de police et de sanction sont précisées aux articles R.151-12 à R.151-15 du CMF. Par exemple, les injonctions du ministre de l’Economie prises en application de l'article L.151-3-1 peuvent être prononcées sous astreinte dont le montant journalier ne peut excéder 50 000 euros.

L'arrêté du 31 décembre 2019

En application de l’article R.151-16 du CMF, l'arrêté fixe la liste des pièces et informations à fournir à l'appui d’une "demande préalable d'examen d'une activité" (ou demande d’avis, CMF, art. R.151-4) et d’une "demande d'autorisation" (CMF, art. R.151-5).
Il s’agit d’une refonte de l’arrêté du 7 mars 2003 portant fixation de certaines modalités d'application du décret n° 2003-196 du même jour réglementant les relations financières avec l'étranger.

Période transitoire

Malgré les imprécisions de certains communiqués officiels, les dispositions nouvelles qui s'appliquent aux demandes d'avis ou d'autorisations déposées à compter du 1er avril 2020 (D. n° 2019-1590, art. 4 ; arr. 31 déc. 2019, art. 8).
Jusqu’à cette date, la liste des informations à fournir en vertu des règles de procédure applicables aujourd'hui devrait rester inchangée.


 

[1] Loi n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises

[2] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2019/05/29/ouverture-d-une-consultation-publique-sur-la-revision-de-l-arrete-relatif-aux-investissements-etrangers-en-France

[3] PE et Cons. (UE) règl. 2019/452, 19 mars 2019.

[4] L'édition, l'impression ou la distribution des publications de presse d'information politique et générale, au sens de l'article 4 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, et des services de presse en ligne d'information politique et générale au sens de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse".

[5] "La production, la transformation ou la distribution de produits agricoles énumérés à l'annexe I du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lorsque celles-ci contribuent aux objectifs de sécurité alimentaire nationale mentionnés aux 1°, 17° et 19° du I de l'article L.1 du Code rural et de la pêche maritime.


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