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Loi de finances pour 2021 et fiscalité de l’urbanisme

quelles modifications ?

02/02/2021

A l’occasion de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, le législateur étend la mise en œuvre de la réforme de l’organisation de l’État à la fiscalité de l’urbanisme.
En adoptant de nouvelles mesures fiscales pour lutter contre l’artificialisation des sols, il prend acte des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Il accède également aux demandes de modification des professionnels de l’immobilier.

Modification de la date d’exigibilité de la taxe d’aménagement

Pour rappel, la taxe d’aménagement (TA) fait aujourd’hui l’objet de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter1. Ces titres sont émis respectivement 12 et 24 mois après la délivrance de l’autorisation d’urbanisme (permis de construire ou d’aménager, décision de non-opposition à déclaration préalable).

Ce délai a toujours été perçu par les professionnels du secteur comme trop court compte tenu de la durée nécessaire au développement des projets immobiliers et aux difficultés pouvant être rencontrées, notamment dans la commercialisation et l’acquisition définitive du terrain d’assiette, qui peuvent mettre en cause la faisabilité même du projet. Le paiement de cette taxe - dont le montant est loin d’être négligeable – peut ainsi s’avérer délicat en pratique, raison pour laquelle des délais de paiement sont fréquemment sollicités auprès de l’Administration.

Prenant acte de cette difficulté, le législateur a décidé de modifier les modalités de mise en recouvrement de la TA.

  • La déclaration relative à la TA sera faite par le redevable dans les 90 jours à compter de la date d’exigibilité de la taxe.
  • Le premier titre de perception sera émis à compter de 90 jours après la date d'exigibilité de la taxe (article L.331-24 du Code de l’urbanisme). Le second titre six mois après la date d’émission du premier titre.
  • La TA sera exigible à la date d'achèvement des opérations imposables. Cette dernière date s'entendra de la date de réalisation définitive des opérations au sens du I de l'article 1406 du Code général des impôts - CGI (article L.331-27 du Code de l’urbanisme).

En parallèle, le législateur a pris soin de clarifier le cadre règlementaire et de supprimer :

  • la référence au permis modificatif comme fait générateur d’un titre de perception pour un complément de taxe (le titre unique prenant en compte les modifications ayant pu être apportées au projet, une fois les travaux achevés) ;
  • le régime de recouvrement en cas de transfert de l’autorisation d’urbanisme, le redevable de la TA étant le titulaire de l’autorisation à la date de son exigibilité, c’est-à-dire après achèvement (article L.331-26 du Code de l’urbanisme) ;
  • certaines dispositions relatives à la décharge, réduction, restitution de la TA : si le redevable n’a pas donné suite à l’autorisation d’urbanisme ; en cas de modification de l’autorisation d’urbanisme emportant une réduction du montant de la TA due (article L.331-30 du Code de l’urbanisme).

Ces modifications ne seront applicables qu’à compter d’une date et selon des modalités qui devront être précisées par décret, au plus tard le 1er janvier 2023.

Mise en place progressive d’une fiscalité incitative pour lutter contre l’artificialisation des sols

Dans la continuité de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme de 2012, le législateur a adopté différentes mesures pour "favoriser le renouvellement urbain plutôt que l’étalement".

Modification de l’affectation de la part départementale de la TA

Rappelons qu’aux termes de l’article L.331-6 du Code de l’urbanisme, la TA est due pour les opérations d'aménagement, de construction, de reconstruction des bâtiments, soumises à autorisation d’urbanisme. Elle se compose de trois parts : communale, départementale et régionale pour la seule région Ile-de-France.

Jusqu’à présent, la part départementale était affectée au financement des politiques de protection des espaces naturels sensibles (ENS), laquelle vise à préserver la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels ainsi que la biodiversité en finançant des actions d’acquisition, d’aménagement, d’entretien et de gestion des ENS.  

Le nouvel alinéa introduit à l’article L.331-3 du Code de l’urbanisme permet désormais d’affecter également cette part aux opérations de "renaturation", c’est-à-dire aux opérations de transformation en espaces naturels de terrains abandonnés ou laissés en friche, lesquelles contribuent à limiter l’extension de l’urbanisation.

Exonération en faveur des places de stationnement intégrées au bâti

Le régime de taxation des places de stationnement intérieures, plus lourd que celui des places de stationnement extérieures, a souvent été critiqué, ce régime allant à l’encontre de l’objectif affiché de lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.

Si une exonération est actuellement prévue par le Code de l’urbanisme, elle ne concerne que les places de stationnement affectées à l’habitation et suppose qu’elle ait été précisément décidée par les collectivités locales, ce qui est peu courant en pratique.

Afin de rectifier ce biais et d’encourager la création de surfaces de stationnement intégrées au bâti ou en sous-œuvre et, partant d’éviter l’extension de l’artificialisation des sols, une nouvelle exonération de plein droit est introduite à l’article L.331-7 du Code de l’urbanisme.

A compter du 1er janvier 2022, seront ainsi totalement exonérées de TA les places de stationnement intégrées au bâti dans le plan vertical ou aménagées au-dessus ou en dessous des immeubles, à l’exclusion des surfaces de stationnement créées hors de l’emprise des immeubles (garages autonomes par exemple) ou des parcs de stationnement couverts faisant l’objet d’une exploitation commerciale. Les constructeurs seront donc incités à favoriser le développement de projets moins consommateurs de surfaces au sol.  

Cette exonération s’appliquera quels que soient la commune et le département concernés, sans qu’une délibération ne soit nécessaire.

Encadrement de la majoration du taux de la part communale de TA

L’article L.331-15 du Code de l’urbanisme autorisant les communes et les EPCI à instaurer un taux majoré de TA (au-delà de 5 % et jusqu’à 20 %) pour financer des travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d'équipements publics généraux est lui aussi modifié afin de renforcer l’attractivité de certaines zones.

A compter du 1er janvier 2022, il sera possible, pour une commune ou un EPCI, de décider d’un taux majoré "si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l'attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l'accroissement local de la population ou la création d'équipements publics généraux sont rendues nécessaires en raison de l'importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs".

Les travaux concernés sont les travaux de recomposition et d’aménagement des espaces publics permettant d’améliorer la qualité du cadre de vie, de lutter contre les îlots de chaleur urbains, de renforcer la biodiversité ou de développer l’usage des transports collectifs et des mobilités actives.

Modification des modalités de gestion de la taxe d’aménagement

Les taxes d‘urbanisme sont habituellement calculées par les services de l’Etat en charge de l’urbanisme (DDT) et mises en recouvrement par la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’article 155 de la loi de finances modifie cette compétence et précise que :

  • les délibérations des collectivités locales fixant le taux de la TA sont notifiées aux services fiscaux (article L.331-5 du Code de l’urbanisme) ;
  • la demande de rescrit doit être effectuée auprès de l’administration fiscale (article L.331-20-1 du Code de l’urbanisme) ;
  • la TA est liquidée et recouvrée en vertu d’un titre de perception émis par le responsable des services fiscaux dans le département (article L.255 A du Livre des procédures fiscales).

Ces modifications s’accompagnent d’une modification du document de référence – le plan local d’urbanisme (PLU) – qui transcrivait jusqu’à présent dans un document graphique qui lui était annexé, les majorations de taux de la TA. Il est désormais prévu que les secteurs où s’applique un taux majoré de TA seront définis et présentés par référence aux documents cadastraux.

Cette nouvelle obligation suppose l’adoption d’un décret afin d’en circonscrire les modalités d’application. A titre subsidiaire et dans l’attente de ce décret, la délimitation de ces taux majorés continuera à figurer en annexe des PLU.

Ce transfert de compétences, prévu par la circulaire du 12 juin 2019 du Premier ministre relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation de l’État, doit ainsi contribuer à l’unification des missions de gestion de l’impôt au sein de la DGFiP et permettre la simplification et la dématérialisation des démarches pour les redevables. Il semble en creux motivé par la volonté d’accroître la fiabilité du suivi des évolutions du bâti et de limiter le risque d’erreur dans la taxation des projets.

Afin de définir le cadre normatif de ce transfert, qui devrait être effectif en 2022, le législateur a habilité le Gouvernement à mener cette réforme par voie d’ordonnance.

Clarification du cadre juridique relatif aux taxes d’urbanisme

D’autres modifications sont à venir. En effet, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance "toute mesure relevant du domaine de la loi relative aux impositions prévues aux articles L.331-1 à L.331-34 et L.520-1 à L.520-23 du Code de l'urbanisme ainsi qu'aux articles L.524-2 à L.524-16 du Code du patrimoine" pour :

  • regrouper les dispositions les régissant au sein du CGI et du Livre des procédures fiscales, notamment en :

→ améliorant leur lisibilité ;
→ procédant aux mesures de coordination, d'harmonisation et de simplification nécessaires ;

→  assurant le respect de la hiérarchie des normes et adaptant les renvois au pouvoir règlementaire relatifs à la nature et à l'objet des mesures d'application concernées ;
→  renforçant la cohérence rédactionnelle des textes, y compris en adaptant le plan et la rédaction du CGI et du Livre des procédures fiscales ;
→ abrogeant les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet.

  • aménager ces dispositions afin de faciliter la gestion des impositions concernées par la DGFiP, simplifier les procédures au profit des redevables et des collectivités territoriales et améliorer l'efficacité du contrôle et du recouvrement, notamment en :

→  rapprochant les règles relatives, notamment, aux contrôles, aux sanctions, aux modalités de remboursement et de dégrèvement, au contentieux, aux procédures de rescrit et au régime des délibérations fiscales de celles prévues par le CGI et le Livre des procédures fiscales ;
→  adaptant les règles relatives, notamment, au champ d'application, au fait générateur, au contrôle et aux sanctions pour améliorer la prévention et la répression des infractions au droit de l'urbanisme ;
→  modernisant les modalités de recouvrement.

  • assurer l'établissement et la perception de la redevance d’archéologie préventive et de la taxe pour création de bureaux, locaux commerciaux et de stockage en Ile-de-France dans les mêmes conditions que la TA, notamment en adaptant les règles relatives au fait générateur, au champ d'application, aux conditions d'exigibilité et au service chargé de l'établissement et de la liquidation de ces impositions ;
  • aménager et modifier toute disposition de nature législative permettant d'assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées.

L'ordonnance devrait être prise dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi de finances pour 2021 (soit d’ici le 30 juin 2022). Il conviendra donc d’y porter une attention particulière.

Suppression du versement pour sous densité (VSD)

Enfin, rarement mis en œuvre depuis son entrée en vigueur le 1er mars 2012, le VSD qui devait se substituer au versement pour dépassement du plafond légal de densité, et encourager la lutte contre l’étalement urbain, disparaît.

Ces modifications étaient pour partie attendues depuis longtemps. Nous pouvons cependant regretter leur entrée en vigueur différée, qui semble contradictoire avec la volonté affichée de "faire évoluer rapidement les modèles d’aménagement et de construction".

1 Ou titre unique si le montant n’excède pas 1 500 euros

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