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Négociations commerciales et conditions catégorielles de vente

Veiller à communiquer et appliquer la bonne catégorie de CGV

14/11/2022

Lorsqu’un fournisseur dispose de CGV différenciées, il ne peut entrer en négociation commerciale avec un acheteur que sur la base des CGV applicables à la catégorie d’opérateurs à laquelle l’intéressé appartient ; à défaut, il manque à son obligation de communication. C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation (Cass. com. 28/09/2022 n° 19-19.768)

Les termes du contentieux

Une structure de regroupement à l'achat (SRA), constituée entre des officines pharmaceutiques et chargée de négocier, auprès des fournisseurs, les conditions d'achat de produits pour le compte de ses adhérentes, souhaite nouer une relation commerciale avec un établissement pharmaceutique spécialisé dans la fourniture aux pharmaciens de médicaments et accessoires, sur la base des CGV applicables aux officines.

Le fournisseur lui dénie le bénéfice de ces CGV. Il estime que la SRA est assimilable, dans son modèle de distribution, aux grossistes répartiteurs pour lesquels il dispose d’une autre catégorie de CGV.

La SRA refuse de négocier sur la base des CGV grossistes – sans doute moins intéressantes – et assigne le fournisseur en responsabilité pour non-communication des CGV officines sur le fondement de l’ancien article L. 442-6, I, 9° du Code de commerce (l’article L. 441-1, aujourd’hui en vigueur, sanctionne le défaut de communication des CGV par une amende administrative de 75 000 euros pour les personnes morales mais le manquement reste aussi, le cas échéant, appréhendable sur le terrain des pratiques restrictives de concurrence).

Le fournisseur fait alors valoir que, même s’il est tenu d’une obligation de communication de ses CGV à tout acheteur qui lui en fait la demande pour une activité professionnelle, il reste libre de définir l’organisation de son réseau de distribution et de négocier, de manière différenciée, ses tarifs en fonction de ses clients. En d’autres termes, il soutient pouvoir choisir librement la catégorie de CGV qui servira de socle aux négociations commerciales avec le client.

La cour d’appel de Paris rejette cet argument après avoir conclu à l’application des CGV officines et donne raison à la SRA. Elle est approuvée par la Cour de cassation.  

La qualification de la relation fournisseur/acheteur : critère déterminant de la catégorie de CGV applicable

La Cour d’appel avait rappelé qu’un fournisseur de produits ne peut refuser à un acheteur la communication des conditions catégorielles de vente que s'il établit, selon des critères objectifs, que cet acheteur n'appartient pas à la catégorie concernée.

Elle avait relevé, à cet égard, que la SRA intervenait vis-à-vis du fournisseur en qualité de commissionnaire à l'achat dans la mesure où elle agissait toujours « d’ordre et pour le compte » des officines adhérentes et non pour son propre compte. En outre, contrairement aux grossistes répartiteurs, elle n'était pas propriétaire des produits dont elle passait la commande auprès du laboratoire. En effet, la SRA constituait un intermédiaire entre le fournisseur et les officines adhérentes, dont elle était le mandataire, ces dernières acquérant directement la propriété des produits acquis d’ordre et pour leur compte par la SRA. Dès lors que le transfert de propriété se faisait dans le patrimoine des officines commettantes, l'absence de relation contractuelle directe entre la SRA et le consommateur final ne constituait pas un motif pertinent de refus de lui appliquer des conditions de vente prévues pour les officines.

La Cour de cassation juge que c’est au terme d’une « analyse exacte des relations des parties dans leur ensemble » que la Cour d’appel a souverainement retenu qu’il existait une relation directe entre le fournisseur et les officines passant leurs commandes par l’intermédiaire de la SRA et que ces officines supportaient, comme les officines commandant directement, des charges de stockage. Dès lors, la SRA était bien fondée à solliciter la communication des CGV accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des catégories de CGV établies par le fournisseur dans son modèle de distribution, et leur application comme socle de la négociation commerciale.

La catégorie de CGV applicable à l’acheteur : seul socle possible de la négociation commerciale

Dès lors que la SRA relevait de la catégorie des officines pour l’application des CGV catégorielles, le fournisseur pouvait-il mener les négociations commerciales sur la base des CGV grossistes ? 

La réponse est négative.

La Cour de cassation rappelle que la personne assujettie à l’obligation de transparence tarifaire doit communiquer les CGV applicables à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle et précise que si, sauf abus de droit, elle est toujours libre de ne pas lui vendre, elle est tenue, lorsqu'elle entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base de ces conditions de vente.

Elle approuve donc la Cour d’appel pour avoir jugé que le fournisseur avait méconnu son obligation de communication dans la mesure où les conditions de vente grossistes n'étaient pas celles qui étaient applicables à la SRA : en effet, le fournisseur n’avait pas prétendu qu'usant de sa liberté, il avait refusé de vendre ses produits à la SRA, fût-ce aux conditions revendiquées par celle-ci, mais avait admis au contraire qu'il lui avait proposé d'entrer en négociations, en vue d'un partenariat, sur la base des CGV grossistes, ce que cette société avait refusé.

Cette décision souligne les limites à la libre négociation des opérateurs économiques. En effet, s’il est loisible à un fournisseur de différencier ses CGV sur la base de critères objectifs pour les adapter au profil de ses différentes catégories de clients, en revanche, il lui est interdit, lorsqu’un client est identifié comme appartenant à une catégorie, d’entrer en négociation avec ce client sur la base d’autres CGV catégorielles. A défaut, l’intéressé manque à son obligation de communication. Et si un refus de vente est toujours possible, celui-ci doit en intervenir en amont de l’ouverture de toute négociation et ne pas être abusif.

A propos de la nécessité pour les clients d’une même catégorie de répondre aux mêmes critères objectifs, soulignons une autre décision de la Cour de cassation, également du 28 septembre 2022, ayant au contraire approuvé le refus d’un autre fournisseur de communiquer ses CGV officines à la même SRA au motif qu’il disposait de CGV particulières pour ce type d’acheteur (Cass. com. 28/10/2022 n° 21-20.357). Plus précisément, la Cour de cassation a jugé que la Cour d'appel avait pu déduire, en présence de CGV spécifiquement prévues pour les SRA, « sans qu'il importe que le transfert de propriété des produits vendus se fasse directement dans le patrimoine des officines commettantes pour le compte desquelles intervenait la SRA en qualité de commissionnaire et donc en son nom propre en négociant elle-même les prix et les achats, que celle-ci n'appartenant pas à la même catégorie d'acheteurs que les officines, le refus de ce fournisseur de lui communiquer les conditions générales qu'elle réservait aux officines qui commandaient les produits directement auprès d'elle reposait sur un critère objectif ».  

Les deux solutions ne sont pas contradictoires puisqu’il existait ici une catégorie de CGV spécifiques aux SRA qui faisait défaut dans l’autre affaire. 


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