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Alourdissement de la fiscalité des sociétés en Espagne et Portugal : ce qu’il faut retenir

12/06/2012


Revue des aggravations que doivent s’attendre à supporter les sociétés françaises ayant des filiales en Espagne ou au Portugal


I. En Espagne, plusieurs nouvelles mesures vont accroître la charge des entreprises

Outre la limitation de l’imputation des déficits entrée en vigueur depuis 2011, s’ajoutent à partir du 1er janvier 2012 des restrictions concernant la déduction des intérêts. Pour rappel, le taux d’impôt sur les sociétés est de 30 %.

Pour les exercices 2011 à 2013, les déficits ne sont imputables qu’à hauteur de 75 % du bénéfice imposable pour les sociétés ayant un chiffre d’affaires compris entre 20 et 60 millions €, et à hauteur de 50 % pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 60 millions €.

Les acomptes trimestriels d’IS à payer pour les exercices 2012 et 2013 ne pourront être inférieurs à 8 % du profit comptable constaté sur le trimestre.

A partir du 1er janvier 2012, est instaurée de manière permanente, une limitation générale de la déduction des intérêts à hauteur de 30 % de l’EBITDA. Tous les intérêts sont concernés, y compris ceux afférents aux emprunts contractés auprès de tiers. Toutefois, les intérêts restent déductibles sans limitation dans la limite annuelle de 1 million €. L’excédent d’intérêts non déduit pourra être reporté sur les 18 années suivantes. A l’inverse, si le plafond de 30 % de l’EBITDA n’est pas atteint une année, il sera possible de reporter la capacité d’imputation sur les 5 années suivantes, ce qui augmentera corrélativement la limite de 30 % sur ces mêmes années. Cette règle remplace l’ancien ratio de sous-capitalisation qui était de 3 pour 1 et qui ne s’appliquait pas aux financements provenant de sociétés résidentes de l’Union Européenne. Les praticiens s’interrogent sur la validité de cette limitation générale au regard du principe de proportionnalité de la charge d’impôt par rapport à la capacité contributive inscrit dans la Constitution espagnole.

Par ailleurs, les intérêts de prêts intra-groupe contractés pour l’acquisition d’actions de sociétés appartenant au même groupe ne sont plus du tout déductibles à compter du 1er janvier 2012. Cette interdiction s’applique également si le prêt sert à financer une augmentation de capital d’une société du même groupe. S’agissant d’une règle anti-abus, il est possible de passer outre l’interdiction si la société démontre qu’il existe des raisons économiques sérieuses.

D’autres changements vont affecter la détermination du résultat imposable des entreprises.

ll est mis fin à la liberté de choix en matière d’amortissement fiscal. Précédemment, les entreprises pouvaient choisir fiscalement d’amortir ou de ne pas amortir leurs actifs et fixaient à leur gré la durée de l’amortissement fiscal. Cette liberté de choix n’existe plus pour les actifs acquis à compter du 31 mars 2012 (sauf pour les PME, sous condition de maintien des emplois). L’amortissement fiscal de ces biens devra donc suivre leur plan d’amortissement comptable.

Enfin, le taux d’amortissement fiscal des survaleurs d’acquisition d’actifs (goodwill) et des fonds de commerce est réduit de 5 % à 1 % par an. Cette réduction est en principe temporaire puisqu’elle est conçue pour s’appliquer seulement aux exercices 2012 et 2013.

Une revue attentive s’impose dès le dépôt de la liasse fiscale 2011 (en juillet 2012) pour effectuer les arbitrages et calculer l’impact de ces nouvelles mesures. Une coopération accrue avec les comptables s’impose pour le calcul du 1er acompte payable en octobre 2012 (opportunité de passer des provisions, décalage de perception de revenus fiscalement exonérés).

II. Au Portugal, l’essentiel des nouvelles mesures a également pour effet d’accroître la charge fiscale des entreprises

Une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés est instaurée. Son taux est de 3 % du résultat fiscal pour les sociétés accusant un résultat i compris entre 1,5 million € et 10 millions € et de 5 % du résultat fiscal pour celles accusant un résultat excédant 10 millions €. Pour rappel, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 25 %, taux auquel il faut ajouter une surtaxe de 1,5 % au profit des communes. La charge d’impôt reste donc fixée à 26,5 % pour les sociétés dégageant un résultat imposable inférieur à 1,5 million €. Elle passe à 29,5 % pour celles qui ont un résultat imposable compris entre 1,5 et 10 millions € et à 31,5 % pour les titulaires d’un résultat fiscal supérieur à 10 millions €.

A compter de 2012, l’imputation des déficits est, comme en Espagne, limitée à hauteur de 75 % du résultat imposable. L’excédent est reportable sur les 5 années suivantes. La récupération des déficits non utilisés à l’issue de cette période de 5 ans devrait alors être possible chez l’actionnaire français sur le fondement de l’arrêt Marks et Spencer de la CJUE.

Le taux de retenue à la source prévue par le droit interne sur les dividendes, intérêts et redevances versés à des bénéficiaires non-résidents du Portugal est porté de 21,5 % à 25 %. S’agissant des dividendes, cette hausse est sans impact pour les actionnaires français ayant la qualité de société mère, l’application de la directive UE permettant d’obtenir une exonération. En revanche, pour les intérêts et les redevances, le Portugal n’applique pas l’exonération prévue par la directive UE, en vertu d’une disposition transitoire qui l’autorise à percevoir une retenue de 5% jusqu’au 1er juillet 2013. Après cette date, l’exonération sera en principe applicable.

A noter que les sociétés établies à Madère rentrent dans le droit commun en ce qui concerne l’exigibilité de la retenue à la source frappant les versements faits aux non-résidents. Ainsi les dividendes, intérêts ou redevances versées depuis Madère sont désormais soumis à la retenue de 25 %. L’impact de cette mesure est toutefois relatif puisque les directives UE et la plupart des conventions fiscales signées par le Portugal englobent Madère.

Une bonne nouvelle : Le régime des holdings portugaises (SGPS) est maintenu.


Par Agnès de l’Estoile Campi, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre,
Victor Hernan, avocat associé, CMS Albinana Suarez de Lezo,
Patrick Dewerbe, avocat associé, CMS Rui Pena Arnault

Article paru dans la revue Option Finance du 11 juin 2012

Auteurs

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Agnès de L'Estoile-Campi
Associée
Paris