La jurisprudence a récemment apporté des éclairages intéressants sur la question de la prise en compte ou non des sociétés financières et des holdings dans l’appréciation des mesures d’un plan de sauvegarde mis en place dans leurs filiales. A cet égard et lorsqu’elle est destinataire d’une demande d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) élaboré unilatéralement par l’employeur, l’autorité administrative doit vérifier que les mesures prévues sont suffisantes au regard des « moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe »1.
En l’absence de définition légale de ce « groupe » à prendre en compte pour apprécier la pertinence des moyens du PSE, le juge administratif a retenu une notion capitalistique renvoyant aux dispositions propres au comité de groupe2. Il considère ainsi que les moyens financiers d’une holding détenant 100 % des parts d’une société doivent être pris en compte pour apprécier la suffisance des mesures du PSE.
Pour sa part, le juge judiciaire envisageait jusqu’à présent la notion de groupe de moyens du PSE de manière extensive en prenant en compte toutes les entreprises unies par « le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L.2331-1 du Code du travail »3.
Par un arrêt du 20 mars 20194, la Cour de cassation a abandonné ce critère d’influence prévu au II de l’article L.2331-1 du Code du travail pour se focaliser sur celui du contrôle prévu au I du même article. Elle se rapproche ainsi de la définition du groupe de moyens retenue par le Conseil d’Etat.
En l’espèce, la société mère de la société qui avait mis en place un PSE avait été rachetée par une holding de reprise, laquelle était elle-même détenue à 85 % par un fonds commun de placement géré par une société de gestion. Les salariés demandaient à ce que les moyens de la société de gestion, ainsi que ceux des entreprises qu’elle contrôle, soient pris en compte pour apprécier la pertinence des mesures du PSE.
La chambre sociale a rejeté leurs demandes du fait qu’il n’était pas démontré que la société de gestion détenait, directement ou indirectement, une fraction du capital de la société. Cette solution s’imposait dans la mesure où les participations au capital de la holding étaient en réalité détenues par les investisseurs, la société de gestion ayant pour seul rôle de les gérer dans l’intérêt de ces derniers.
Cette solution est du reste cohérente avec celle du Conseil d’Etat dans l’arrêt précité du 24 octobre 2018 car, en l’espèce, la Cour de cassation n’exclut pas la holding de reprise du périmètre du groupe mais la société de gestion du fonds commun de placement dans la mesure où celle-ci ne détenait aucune participation directe ou indirecte dans la société concernée par le licenciement économique.
Par ailleurs et dans cette même affaire, le pacte d’associés conclu entre la société de gestion du fonds commun de placement et la holding ne mettait pas en évidence l’existence d’une « influence dominante » mais seulement des liens de « contrôle et de surveillance ». La Cour de cassation cherchait ici à caractériser une influence prévue contractuellement ou statutairement5 - qui aurait pu conduire à la prise en compte de la société de gestion dans la pertinence des moyens du PSE - et non à une influence de fait résultant de l’importance des relations entre les deux sociétés6.
En définitive donc, ces sociétés financières ou holdings sont prises en compte dans l’appréciation des moyens des PSE mis en place, soit dans leurs filiales directes ou indirectes, soit dans les sociétés dans lesquelles elles exercent une influence dominante en raison d’une disposition statutaire ou contractuelle.
1 Article L.1233-57-3 du Code du travail.
2 I de l’article L.2331-1 du Code du travail - CE, 24 octobre 2018, n° 406905.
3 Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 14-30063.
4 Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-19595.
5 Article L.233-16 3° du Code de commerce.
6 II de l’article L.2331-1 du Code du travail.
A propos du Plan de Sauvegarde de L'emploi (PSE)
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