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Associés des sociétés à prépondérance immobilière : ce qui change pour eux en matière d’ISF et de droits d’enregistrement

21/11/2011


La situation des titulaires de titres de sociétés à prépondérance immobilière (SPI) a été récemment modifiée en matière d’ISF et de droits d’enregistrement dans des conditions qui vont rendre nécessaire une nouvelle réflexion sur leur politique d’endettement.

1- Un durcissement de l’ISF s’agissant des associés non résidents de SPI

En matière d’ISF, le nouvel article 885 T du CGI (issu de l’article 40 de la loi de finances rectificative pour 2011) prévoit que, pour le calcul de l’ISF, la valeur vénale des titres d'une SPI taxable entre les mains d’ un non-résident doit dorénavant être déterminée sans tenir compte des créances détenues, directement ou par l'intermédiaire d'une ou plusieurs sociétés interposées, par ce non-résident dans la société en question.

Ce nouveau texte, qui s’appliquera à l’ISF dû à compter de 2012, a pour objet de faire obstacle aux situations dans lesquelles des personnes physiques non résidentes financent par voie d’apport en compte courant ou autres prêts ou avances des biens immobiliers français acquis via des SPI françaises ou étrangères et soumettent ainsi à l’ISF les participations en question pour une valeur réduite des avances consenties tout en bénéficiant, à raison des créances détenues, de l’exonération prévue par l’article 885 L du CGI en faveur des placements financiers français des non résidents.

Le nouveau texte ne modifie tout d’abord pas les règles de l’article 885 L précitées qui exonèrent de l’ISF les placements financiers des non résidents ni ainsi l’analyse selon laquelle les comptes courants dans des sociétés françaises constituent bien de tels placements financiers exonérés.

Il neutralise en revanche, pour l’évaluation des titres des sociétés en question, les dettes directes ou indirectes à l’égard des associés.

Plusieurs précisions doivent ici être apportées

S’agissant tout d’abord des sociétés, le texte vise les parts détenues dans des sociétés à prépondérance immobilière visées à l’article 726-I-2° du CGI, c'est-à-dire les personnes morales, quelle que soit leur nationalité, non cotées, et dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales, quelle que soit leur nationalité, également non cotées et elles-mêmes à prépondérance immobilière.

S’agissant ensuite des créances, le texte vise les créances (i) détenues directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France (ii) sur une société à prépondérance immobilière (iii) qui seraient déduites pour la détermination de la valeur des parts que les associés non résidents détiennent dans la société en question.

Si les créances peuvent ainsi être détenues soit directement par les associés personnes physiques non résidentes soit par des sociétés interposées dont on doit comprendre qu’elles doivent être détenues par les mêmes personnes physiques, seules paraissent visées par le texte celles détenues sur la société à prépondérance immobilière dont les parts sont soumises à l’ISF et donc qui appartiennent directement aux personnes physiques non résidentes. Ainsi dans l’hypothèse de la détention d’une SPI holding détenant des filiales SPI, il paraît possible de considérer que les créances détenues par les associés personnes physiques non résidentes de la holding SPI à l’encontre des filiales SPI ne figurent pas au nombre des créances neutralisées.

Ces nouvelles règles pourraient amener les associés non résidents, soit à convertir leurs avances en capital, auquel cas les droits de mutation en cas de cession des titres se trouveraient majorés à due concurrence, soit à remplacer les avances par des concours bancaires, soit à rester en l’état, mais ces deux dernières solutions ne seraient pas nécessairement neutres au regard des droits de mutation.

2- De nouvelles règles d’assiette pour l’application des droits de mutation aux cessions de titres de SPI

Le projet de loi de finances pour 2012 comprend un article 3 bis -adopté en l’état par l’assemblée nationale en première lecture – visant à modifier le premier alinéa du II de l’article 726 précité de façon telle que sur la cession des titres de SPI, l’assiette du droit d’enregistrement comprendrait désormais, à concurrence de la fraction des titres cédés, la valeur réelle des biens et droits immobiliers, détenus directement ou indirectement au travers d’autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition desdits biens et droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts.

Constatant que l’assiette actuelle du droit de 5 % est représentée par la valeur nette des parts cédées, déterminée après déduction des emprunts contractés par la société à prépondérance immobilière, les rédacteurs de l’amendement adopté en estimé que cette « méthode de calcul » conduisait à des comportements d’optimisation fiscale au motif que les cessions de sociétés à prépondérance immobilière seraient précédées de l’apport de dettes au compte courant de la société, à seule fin de minorer l’assiette du droit d’enregistrement.

Il n’existe aucune optimisation fiscale à ce que des parts de sociétés à prépondérance immobilière soient estimées, pour les besoins des droits de mutation, en fonction de la valeur nette réévaluée des sociétés, laquelle tient bien évidemment compte des dettes sociales, quelle que soit la qualité du créancier.

Un débat avait existé sur les procédés consistant à modifier la structure des actifs d’une SPI afin de la rendre non immobilière, mais la solution avait été trouvée dans la rédaction même du texte de l’article 726 du CGI puisqu’une société est SPI lorsque son actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales.

L'administration fiscale rappelle ainsi dans sa doctrine que l’appréciation de la prépondérance immobilière s'effectue au jour de la cession, ou à tout moment au cours de l'année précédant la cession des participations en cause et qu’en conséquence, même si au jour de la cession la personne morale concernée n'est pas ou n’est plus à prépondérance immobilière, il convient de s'assurer qu'elle ne l'a pas été à un moment quelconque au cours de l'année précédant la cession.

La seule exception à cette règle concerne les sociétés qui ont perdu leur qualité de SPI du fait de la cession, au cours de l'année précédant la cession portant sur leurs propres titres, des immeubles, droits immobiliers sis en France ou participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière qu'elles détenaient à leur actif (Instruction du 1er juin 1999, 7 A-1-99 n° 90 et 91 ; D. adm. 7 D-5112 n° 20 et 21, 15 juin 2000), sociétés lesquelles la règle d’antériorité d’un an ne joue pas.

Outre l’application de ces règles, l’administration fiscale conservait toujours la possibilité de considérer que certaines opérations ayant pour objet ou effet de sortir de la prépondérance immobilière des sociétés destinées à être cédées, pouvaient être contestée sur le fondement de la théorie de répression des abus de droit ou de la fraude à la loi.

Le législateur complète ce dispositif en retenant des règles d’évaluation autonomes

Une SPI devra être évaluée dorénavant en retenant, à concurrence de la fraction des titres cédés,(i) la valeur réelle des biens et droits immobiliers, détenus par la SPI, directement ou indirectement au travers d’autres personnes morales à prépondérance immobilière, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition desdits biens et droits immobiliers, (ii) augmentée de la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts.

Il en découle que ne sont pas pris en compte les dettes contractées par les SPI notamment pour l’entretien des biens, le financement des travaux -sauf vraisemblablement, mais il conviendra d’attendre les commentaires de l’administration sur ce point, ceux des travaux qui correspondraient à une construction ou reconstruction d’immeubles-, ainsi que pour l’acquisition des autres éléments d’actif bruts non immobiliers figurant à leur bilan ce qui peut s’avérer également extrêmement pénalisant pour les sociétés, certes SPI, mais ayant d’autres activités non immobilières justifiant un financement par voie d’emprunt.

De la même façon, dans le cadre d’une société holding détenant des participations immobilières et non immobilières qu’elle a financées par voie d’emprunt, la dette d’acquisition des participations, devrait pourvoir être pris en compte, mais seulement pour celles ayant permis d’acquérir les participations immobilières et au seul prorata des biens et droits immobiliers détenus par les filiales sur l’ensemble de leurs actifs. Le nouveau texte vise en effet le passif afférent à l’acquisition des biens et droits immobiliers, détenus directement ou indirectement par la SPI au travers d’autres personnes morales à prépondérance immobilière.


Par Richard Foissac, avocat associé,

Article paru dans la revue Option Finance du 21 novembre 2011

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Richard Foissac
Associé
Paris