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Comment le contre-garant peut échapper à ses obligations

28/11/2011

En matière de commerce international, il est courant que l’obligation d’un des partenaires soit garantie par un établissement bancaire du pays où est localisé le créancier de la prestation. La garantie prend alors la forme d’une garantie à première demande.

La banque garante, qui est rarement motivée par la philanthropie, demande en retour d’être elle-même garantie, également sur la base d’une garantie à première demande, laquelle sera fournie par une autre banque généralement localisée dans le pays du débiteur de la prestation. En conséquence, si le garant vient à devoir exécuter son obligation, il pourra se retourner contre le contre-garant, voire exiger qu’il paie à sa place. Mais, il sera bien avisé de ne pas tarder à exercer son recours récursoire.

Tel est l’un des enseignements à retirer d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 septembre 2011. En l’espèce, le bénéficiaire, un organisme de droit public égyptien, ayant appelé la garantie (une banque égyptienne), cette dernière réclama, en avril 1984, à la contre-garantie (une banque française) de payer la somme convenue (484 000 USD). S’en est suivi un contentieux judiciaire en Egypte, qui a abouti, en novembre 1995, à la condamnation des deux banques par une juridiction égyptienne. Le garant dut payer l’organisme bénéficiaire et chercha à obtenir l’exécution de la décision en France (demande d’exequatur) ; ce qui lui fut refusé en 2004. Aussi, la banque garante a-t-elle ensuite tenté d’obtenir la condamnation de la banque contre-garante devant les juridictions françaises. Elle échoue à nouveau devant les juges du fond et porte l’affaire devant la Cour de cassation.

Le débat portait sur la prescription de la contre-garantie et, comme souvent en matière de prescription, sur la détermination du point de départ du délai. Le garant plaidait que son action à l’égard du contre-garant n’était pas prescrite au motif qu’il fallait prendre en considération le jour où il avait dû effectivement payer le bénéficiaire de la garantie. Telle est effectivement la solution qui prévaut en matière de cautionnement, lorsque la caution ayant désintéressé le créancier agit contre le débiteur principal, non par voie de subrogation, mais en exerçant son recours personnel. Dans ce cas, le délai de prescription du recours a pour point de départ le jour du paiement fait par la caution.

Or, en l’occurrence, les garanties n’étaient pas des cautionnements, mais des « garanties autonomes à première demande ». Aussi, la Cour de cassation rejette-t-elle l’argument avancé par le garant. Elle affirme que « en l’absence de clause contraire, non invoquée en l’espèce, l’exigibilité de la contre-garantie n’était pas subordonnée à l’exécution par son bénéficiaire, garant de premier rang, de son propre engagement » ; en conséquence, « le délai de prescription avait commencé à courir du jour de l’exigibilité de la contre-garantie ». Le recours engagé devant les juridictions françaises était donc atteint par la prescription.

La Cour de cassation admet toutefois que le contrat de contre-garantie puisse convenir d’une autre solution et décider que la prescription de l’action du garant contre le contre-garant commencera à courir, seulement, au jour du paiement effectif réalisé par le garant entre les mains du bénéficiaire. Il faut donc que les parties soient vigilantes lors de la rédaction de la convention de contre-garantie et pensent à aménager, si tel est leur souhait, cet aspect. L’arrêt commenté, qui n’a rien d’exceptionnel à cet égard, montre que la dimension internationale de la relation et la complexité corrélative des règles à manier peut étirer les délais : un litige dont la cause remonte à 1984 sera, peut-être, clos mi-2011.

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Par Arnaud Reygrobellet, Professeur à l’université Paris X, Of Counsel

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance le 28 novembre 2011

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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris