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Convention fiscale signée avec la Principauté d’Andorre le 4 avril 2012 : et la citoyenneté française devint imposable

25/06/2012


L’analyse de la dernière convention conclue par la France semble traduire un durcissement, mais surtout préfigure l’instauration d’une « taxe sur la citoyenneté française ».


Considérée comme un paradis fiscal figurant dans la liste grise de l’OCDE, la Principauté a levé son secret bancaire aux fins fiscales en 2009, signé 19 accords d’échange d’informations fiscales conformes aux préconisations de l’OCDE(1), passé avec succès la première partie de la revue par les pairs prévue par l’OCDE sur l’effectivité de l’échange de renseignements fiscaux(2), et enfin, le 4 avril 2012, signé avec la France sa première convention fiscale, complétée d’un protocole. D’autres seront à suivre avec ses principaux partenaires que sont l’Espagne et l’Allemagne.

Dans l’intervalle, la Principauté a institué un impôt sur les sociétés de 10 % (à compter du 1er janvier 2012) avec des régimes attractifs de société holding, d’exploitation d’incorporel (du type patent box avec imposition effective à 2 %) ou d’imposition réduite des intérêts intra-groupe notamment. Les particuliers devraient être soumis à un impôt sur le revenu général à compter de 2013. Pour l’instant un impôt de 10 % frappe les activités commerciales et les non résidents sont soumis à une imposition spécifique depuis le 1er janvier 2012 de 10 % également avec certains taux réduits. Enfin la TVA devrait être introduite en 2013 en remplacement de la taxe actuelle.

L’étendue des avantages de la convention dépendra pour une large part de l’imposition effective dans le pays de résidence et de la nationalité française ou non du bénéficiaire des revenus, ce qui est une première. Par ailleurs, la convention contient des dispositifs anti-abus autonomes.

La convention s’applique à l’impôt sur le revenu, à l’impôt sur les sociétés et à ses contributions additionnelles. Le droit interne en matière d’impôt sur la fortune reste pleinement applicable. Les taux plafonds de retenue à la source sont de 5 % pour les intérêts, redevances (sauf pour droits d’auteurs et assimilés), et dividendes versés à une société détenant une participation de 10 %(3), 15 % à défaut. Les fonds ou sociétés d’investissement peuvent bénéficier des taux conventionnels sur intérêts et dividendes à hauteur des droits détenus par des résidents de l’Etat de la société. Les plus-values sont imposables dans l’Etat de résidence sauf cas des titres faisant partie d’une participation substantielle (25 % ou plus) ou portant sur une société à prépondérance immobilière dont la cession reste imposable dans l’Etat de la société ou de l’immeuble. Les pensions de retraite ne sont imposables que dans l’Etat de résidence sauf en ce qui concerne les pensions publiques restant imposables uniquement dans l’Etat débiteur.

Durcissement des conditions pour bénéficier de la convention

Il ne suffira pas d’être présumé résident fiscal d’Andorre grâce à sa nationalité ou sa carte de séjour, encore faudra t-il y séjourner au moins 183 jours, ou y avoir le centre des intérêts économiques ou encore y exercer son activité professionnelle principale. La France devrait ainsi pouvoir limiter les cas de double résidence dont la résolution par la convention lui est souvent moins favorable.

Pour bénéficier d’une exonération d’impôt français sur des redevances, salaires, pensions et autres revenus de source française, le résident fiscal éligible devra justifier de l’imposition effective de ces revenus dans le pays de résidence. Il en sera de même pour tous les avantages fiscaux conventionnels (dont réduction de retenue à la source) « non imposables » en Andorre. Cette clause, classique, vise à prévenir les phénomènes de double exonération.

Multiplication des dispositifs anti-abus autonomes

Même fiscalisé, le résident fiscal d’Andorre ne sera pas à l’abri d’une remise en question de l’avantage conventionnel si l’administration démontre que le principal objectif ou l’un de des objectifs principaux du résident ou de celui d’une partie liée est de bénéficier de la solution conventionnelle favorable. Cette clause générale est reprise de manière plus ciblée pour les dividendes (à propos de toute personne intervenant dans la création ou la cession des actions ou autres droits), les intérêts (pour la création ou la cession de la créance), les redevances (pour la création ou cession des droits) et les autres revenus (en visant les parties à l’opération). Cette clause, inspirée des recommandations de l’OCDE, vise à prévenir l’abus de convention fiscale pour des raisons principalement fiscales. Son champ apparaît ici très large du fait de la mention de toutes les parties à la transaction, le récipiendaire et d’éventuelles parties liées (personne détenant 50 % des « intérêts effectifs » ou autre personne placée sous contrôle commun, de droit ou de fait ainsi défini).

Ce mécanisme se double d’un dispositif général distinct et complémentaire refusant les effets de la convention en cas d’interposition de personnes qui ne seraient pas les bénéficiaires effectifs mais permettraient aux bénéficiaires réels d’obtenir un traitement fiscal plus favorable que celui obtenu en cas de perception directe du revenu. Si l’on se réfère aux derniers travaux de l’OCDE, il devrait s’agir des personnes ayant certes des droits sur les revenus dont elles sont titulaires mais qui pourraient être liées par une obligation de reversement. Originalité de cette convention, un « bénéficiaire apparent » de revenus bénéficiant directement ou indirectement à une personne non résidente de l’un des Etats cocontractant n’est pas – par ailleurs - considéré comme résident au sens de la convention. Cette clause générale semble redondante avec celle visant les bénéficiaires effectifs. Elle pourrait viser à empêcher les personnes agissant pour compte d’autrui de manière transparente ou occulte de se prévaloir de la convention.

L’introduction de ces mécanismes anti-abus conventionnels devrait faciliter la tâche de l’administration française.

La fraude à la loi suppose le détournement d’une disposition fiscale à des fins contraires à l’esprit de celle-ci, ce qui rend sa démonstration difficile dans un contexte international. La convention permet directement d’éconduire les contribuables poursuivant un objectif principalement fiscal. Par ailleurs, il ne sera plus nécessaire pour l’administration d’invoquer la fraude à la loi pour requalifier une transaction et « déqualifier » le bénéficiaire avec les incertitudes que cela représente pour elle(4). La convention va lui fournir des armes contre les bénéficiaires apparents ou non effectifs par l’effet de la notion conventionnelle anti-abus de motivation principalement fiscale qui remonte aux personnes liées, ce qui sera toutefois source d’insécurité pour le contribuable tant qu’elle n’aura pas été clarifiée.

Clause fiscale inédite sur la nationalité française

L’article 25 prévoit que « la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la présente convention n’existait pas. Lorsque la législation fiscale française permet l’application de la présente disposition, les autorités compétentes des Etats contractants règlent d’un commun accord la mise en œuvre de cette dernière. »(5). Le champ de cette clause reste à préciser. Nul doute qu’elle vise à anticiper l’introduction en France d’une imposition fondée sur la détention d’un passeport français désignée comme « taxe sur les exilés fiscaux ». Cette clause, en première analyse et en l’absence d’information sur la taxe sur la nationalité, semble tout d’abord donner à l’administration le pouvoir apprécier l’effectivité du transfert de résidence fiscale au vu des seuls critères de droit interne, plus favorables à la France, en ignorant un éventuel conflit de résidence avec Andorre « comme si la convention n’existait pas ». En second lieu, si la résidence fiscale exclusive en Andorre devait être reconnue (ce qui nécessiterait le transfert du foyer familial avec l’exercice hors de France de l’activité professionnelle principale, la localisation du centre des intérêts économiques, pour le moins hors de France et si possible en Andorre, ou encore le lieu de leur séjour principal dans certaines circonstances), la fiscalité française des non résidents s’appliquerait sans atténuation conventionnelle. Enfin, il semble surtout que cette clause permette à la France d’imposer des revenus de source étrangère alors même que le citoyen français serait résident fiscal d’Andorre au sens de la convention. L’absence de visibilité sur le dispositif envisagé (imposition de tous les revenus, des simples revenus passifs, exigibilité du différentiel d’impôt du fait du départ par exemple ?) a dû motiver le nécessaire recours à la concertation entre les deux Etats pour sa mise en jeu. Néanmoins, il nous semble que cette clause pourrait s’appliquer en l’état si la France exerçait la faculté qui lui est offerte et sous réserve de l’accord de la Principauté. La loi fiscale française pourrait être pleinement applicable, sur le fondement du principe de subsidiarité des conventions fiscales, sans que la convention, par cet article ne s’y oppose ou modifie la solution. En tout état de cause, l’impôt sur la fortune reste applicable car hors champ de la convention.


1. Dont un accord d’échange de renseignements avec la France entré en vigueur le 22 décembre 2010.

2. Un examen complémentaire « phase 2 » devrait débuter mi-2013 et fera l’objet d’un nouveau rapport concernant la pratique effective de la principauté en matière de transparence.

3. 15 % dans les autres cas.

4. CE, 29 décembre 2006, n° 283314, Sté Bank of Scotland, Dr. Fisc. 2007, n°4, comm 87, concl. F. Seners, note O. Fouquet.

5. Article 25,1 d) de la convention.


Par Michel Collet, Avocat Associé, et Clément Rozant, Avocat,

Article paru dans la revue Option Finance du 25 juin 2012

Auteurs

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Michel Collet
Associé
Paris